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05/06/2025 | FRANCE | N°24NC01103

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 juin 2025, 24NC01103


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.



Par un jugement n° 2309347 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2309347 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 2309348 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 29 avril 2024, sous le numéro 24NC01103, M. A..., représenté par Me Airiau demande à la cour :

1) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2309347 ;

2) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour : fait une inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine et que son état de santé s'est considérablement aggravé depuis l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lequel était ainsi caduc lorsque la décision attaquée a été rendue un an et trois mois plus tard ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II) Par une requête enregistrée le 29 avril 2024, sous le numéro 24NC01104, Mme A..., représentée par Me Airiau demande à la cour :

1) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2309348 ;

2) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour : méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'elle doit rester auprès de son époux malade qui ne peut se déplacer ;

- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants géorgiens, déclarent être entrés en France le 2 avril 2019 avec leurs deux enfants pour y solliciter l'asile. Leurs demandes ont été rejetées en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 février 2020. M. A... a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé valable du 28 mai 2021 au 27 mai 2022, dont il a sollicité le renouvellement le 19 avril 2022. De son côté Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui a été refusée le 27 juillet 2022. Par des arrêtés du 5 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé à M. A... le renouvellement de son titre de séjour et a obligé les intéressés à quitter le territoire national dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme A... relèvent appel des jugements du 21 mars 2024 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis les intéressés au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne l'état de santé de M. A... :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au vu d'un avis du collège des médecins de l'OFII du 24 août 2022 selon lequel l'état de santé de M. A... nécessite un traitement médical dont le défaut serait de nature à entraîner des conséquences d'une extrême gravité mais que ce traitement est disponible dans son pays d'origine. Il ressort des certificats médicaux produits que M. A... avait bénéficié d'un titre de séjour pour raison médicale afin de soigner un cancer pour lequel il a finalement été déclaré en rémission au 13 mai 2020. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A... était déjà atteint d'une cirrhose hépatique et d'une hépatite E lorsque le collège des médecins de l'OFII s'est prononcé sur son cas. S'il soutient avoir été atteint de nouvelles pathologies entre la date de cet avis le 24 août 2022 et la date de l'arrêté attaqué du 5 décembre 2023, il ne soutient pas avoir saisi l'administration de ces éléments. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'avis médical au vu duquel l'autorité préfectorale a statué sur sa demande de titre de séjour aurait été périmé. Il ressort du certificat du 15 avril 2024, établi à l'occasion d'une hospitalisation, que M. A... est atteint d'insuffisances cardiaque et rénale, d'une bronchopneumopathie, d'une cirrhose et d'un diabète de type 2. Il ne ressort pas de ce document, postérieur à l'arrêté attaqué, et pas davantage des autres pièces produites, que les traitements de ces pathologies ne seraient pas disponibles en Géorgie. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a inexactement apprécié son état de santé en lui refusant le renouvèlement de son titre de séjour.

4. Il résulte également de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant la Géorgie comme pays de destination l'autorité préfectorale aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la vie privée et familiale des requérants :

5. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Les requérants ne se maintiennent sur le territoire français que pour les besoins de l'instruction de leurs demandes d'asile puis, s'agissant de M. A..., pour y bénéficier, de soins médicaux lesquels ont produit leurs effets. Les requérants n'ayant aucune attache en France et ne pouvant faire état d'une intégration significative dans la société française, en dehors de la scolarisation de leurs enfants et M. A... pouvant bénéficier d'un traitement médical dans son pays d'origine, rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent leur vie familiale ailleurs qu'en France. Par suite, le refus de séjour opposé à M. A..., ainsi que les obligations de quitter le territoire à destination du pays dont ils ont la nationalité prises à l'encontre des époux A..., ne sont pas privées de base légale à raison de l'illégalité des refus de séjour, ne méconnaissent pas les stipulations ci-dessus reproduites et ne reposent pas sur une appréciation manifestement erronée de leur situation ou des conséquences de toute nature sur leur situation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif a rejeté le surplus de leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A..., à Me Airiau et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

Nos 24NC01103 et 24NC01104

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01103
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24nc01103 ?
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