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05/06/2025 | FRANCE | N°23NC00718

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 juin 2025, 23NC00718


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) B2A a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2014.



L'administration fiscale a transmis d'office au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation de la société B2A d

u 3 décembre 2020 tendant au dégrèvement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) B2A a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2014.

L'administration fiscale a transmis d'office au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation de la société B2A du 3 décembre 2020 tendant au dégrèvement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 15 novembre 2012 au 31 mars 2014, des majorations correspondantes et de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Par un jugement nos 2001791 et 2100267 du 6 janvier 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a réduit l'amende de l'article 1759 du code général des impôts d'une somme de 2 300 euros et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, la société B2A, représentée par Me Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la reconstitution des chiffres d'affaires et des bénéfices qui est inintelligible et ne lui a pas permis de présenter ses observations ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices effectuée par le service est manifestement viciée dans son principe en ce qu'elle fait ressortir un bénéfice de 376 009 euros pour trois mois d'activité en 2014 pour un chiffre d'affaires de seulement 336 610 euros alors que contrairement à ce qu'a estimé l'administration, le bilan qu'elle a arrêté au titre de la période du 12 novembre 2012 au 31 mars 2014 faisait ressortir un bénéfice de 16 839 euros ; les chiffres avancés par l'administration sont incohérents et impliqueraient qu'elle aurait vendu ses véhicules à perte au 31 décembre 2013 ;

- les virements bancaires d'un montant de 40 000 euros au total en 2012 constituent des prêts accordés par son gérant et des membres de sa famille, constituant des avances en compte courant, et non pas des recettes de son activité imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration a au demeurant admis cette qualification dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle de son gérant ;

- les sommes ci-après ne sauraient constituer des revenus distribués de nature à justifier l'amende de l'article 1759 du code général des impôts : prêts de la famille de son gérant pour 40 000 euros en 2012, prêt accordé à la société Car affaires à hauteur de 86 100 euros, prêt à la société AJ Automobiles à hauteur de 13 200 euros, achats de pièces détachées BMW à hauteur de 1 700 euros, virement pour l'achat d'un véhicule auprès d'un particulier à hauteur de 18 500 euros, écriture en compte d'attente correspondant à l'achat de deux véhicules auprès de la société SLBA pour le compte de la société Empire Auto à hauteur de 26 700 euros (11 700 + 15 000) ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas motivée ; l'administration ne rapporte pas la preuve du manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2024, Me Isabelle Tirmant, représentée par Me Pierre, déclare en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL B2A intervenir au soutien de la requête. Elle soulève les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL B2A a été créée le 9 octobre 2012 et immatriculée le 14 novembre suivant. La société clôture ses exercices le 31 mars de chaque année, par exception le premier exercice s'étendant du 14 novembre 2012 au 31 mars 2014. Elle a pour activité le négoce de véhicules d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 15 novembre 2012 au 31 mars 2014. Par une proposition de rectification du 13 juillet 2016, l'administration fiscale a porté à sa connaissance qu'elle envisageait un rehaussement de son bénéfice imposable au titre de l'année 2014 selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et la taxation d'office de la taxe sur la valeur ajoutée en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. L'administration a partiellement admis les observations présentées par la société B2A par une réponse du 26 janvier 2017 ainsi que par des comptes-rendus des 12 juillet 2017 et 7 décembre 2017, à la suite d'une entrevue avec le supérieur hiérarchique puis l'interlocuteur interrégional. Par un avis du 22 novembre 2018, la commission des impôts directs a rendu un avis défavorable au redressement en matière d'impôt sur les sociétés. Néanmoins, les impositions supplémentaires, assorties de la pénalité pour manquement délibéré outre l'amende de l'article 1759 du code général s'agissant des revenus considérés comme distribués, ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2019. Une première réclamation en matière d'impôt sur les sociétés a été rejetée par l'administration fiscale le 3 juillet 2020 tandis que la réclamation du 3 décembre 2020 a été soumise d'office au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La SARL B2A relève appel du jugement du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'intervention du mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire :

2. Me Tirmant, mandataire judiciaire, désignée par jugement du 25 juin 2024, par lequel le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire la SARL B2A, justifie d'un intérêt suffisant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à la charge de cette société. Par suite, son intervention est recevable.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La proposition de rectification du 13 juillet 2016 expose de manière exhaustive et détaillée les raisons pour lesquelles le service a été amené à déterminer un bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés arrêté au 31 décembre 2013, devant venir en déduction du bénéfice reconstitué au 31 mars 2014, ainsi que la méthode selon laquelle ces bénéfices ont été reconstitués, à partir des données de la comptabilité, des pièces justificatives, de la déclaration de résultat déposée le 17 septembre 2014, de la reconstitution des stocks, des recettes non comptabilisées et des charges non déductibles. Le service a ainsi mis en mesure la société B2A de présenter ses observations concernant la reconstitution de ses bénéfices imposables, ce qu'elle a effectivement fait dans des conditions qui lui ont permis d'obtenir la réduction des rehaussements envisagés, seul un bénéfice au titre de l'année 2014 ayant finalement été retenu après entrevue avec l'interlocuteur interrégional. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant de l'impôt sur les sociétés.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

5.Les impositions litigieuses relatives à l'impôt sur les sociétés ayant été établies selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, contrairement à l'avis de la commission des impôts directs, la société requérante les ayant refusées, la charge de la preuve de leur bien-fondé incombe à l'administration. A cet égard, il est toujours loisible à l'administration de justifier le rejet de la comptabilité du contribuable vérifié, même si elle est régulière en la forme, en se fondant sur des motifs pertinents tirés du manque de valeur probante de cette comptabilité, accompagnés de tous les éléments de fait permettant de présumer que les résultats déclarés ont été minorés. Dans un tel cas, il incombe à l'administration d'établir, d'une part, la preuve des irrégularités entachant la comptabilité de la société vérifiée, l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci, d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution.

S'agissant du rejet de la comptabilité :

6. Il ressort de la proposition de rectification, et il n'est pas contesté, que le livre de police des véhicules d'occasion acquis et revendus, prévu à l'article 321-7 du code pénal, était affecté d'omissions et d'anomalies, que le compte caisse n'a pas été tenu alors que la société réalisait des opérations en espèces, que les recettes et les charges n'étaient pas appuyées de toutes les pièces justificatives correspondantes, les factures de vente ne comportant pas de numérotation continue, l'inventaire détaillé des stocks est incomplet et erroné, les écritures du compte de banque ne permettent pas l'identification des opérations correspondantes et qu'enfin la comptabilité ne permettait pas d'identifier les opérations affectant le compte courant d'associé. Par ces éléments l'administration rapporte la preuve des graves irrégularités affectant le caractère probant de la comptabilité présentée.

S'agissant de la détermination de l'ensemble du bénéfice imposable :

7. D'une part, l'article 209 du code général des impôts dispose que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est, en principe, déterminé selon les modalités applicables à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux tandis que le 1 de l'article 221 du même code dispose que l'impôt sur les sociétés est établi dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime du réel. Le deuxième alinéa du I de l'article 209 du même code dispose toutefois que : " par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37, l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises créées à compter du 1er janvier 1984 est établi, lorsqu'aucun bilan n'est dressé au cours de la première année civile d'activité, sur les bénéfices de la période écoulée depuis le commencement des opérations jusqu'à la date de clôture du premier exercice et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la création ". Aux termes de l'article 223 du même code : "1. Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (régime de l'imposition d'après le bénéfice réel ou d'après le régime simplifié. / Toutefois, la déclaration du bénéfice ou du déficit est faite dans les trois mois de la clôture de l'exercice. Si l'exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, la déclaration est à déposer au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ". Aux termes enfin de l'article 37 du même code : " Si l'exercice clos au cours de l'année de l'imposition s'étend sur une période de plus ou de moins de douze mois, l'impôt est néanmoins établi d'après les résultats dudit exercice./ Si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée ou, dans le cas d'entreprise nouvelle, depuis le commencement des opérations jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ". En vertu de ces dispositions combinées le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Le fait de renoncer à percevoir les recettes liées à la contrepartie financière prévue par les stipulations d'un contrat en cours d'exécution ne relève pas en règle générale d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Il incombe à cette entreprise de justifier de l'existence d'une contrepartie à un tel choix, tant dans son principe que dans son montant.

9. Il résulte de l'instruction que le premier exercice de la SARL B2A a couru du 14 novembre 2012 au 31 mars 2014. En application des dispositions ci-dessus reproduites elle aurait dû déposer une déclaration de résultat arrêtée au 31 décembre 2013 et enfin une déclaration de résultat arrêtée au 31 mars 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que la société n'a déposé qu'une seule déclaration de résultat arrêtée au 31 mars 2014 au titre de l'exercice ayant couru du 14 novembre 2012 au 31 mars 2014. Dans le cadre de la vérification de comptabilité, après avoir écarté la comptabilité présentée pour les motifs ci-dessus analysés, le service a décidé de reconstituer un bénéfice intermédiaire au titre de la période du 14 novembre 2012 au 31 décembre 2013 puis de reconstituer le bénéfice définitif de l'exercice clos le 31 mars 2014 en tenant compte du résultat intermédiaire arrêté au 31 décembre 2013. Afin de déterminer ces chiffres, le service s'est fondé sur la comptabilité présentée, l'examen des comptes bancaires ayant mis en lumière des recettes non comptabilisées, la valorisation des stocks au 31 décembre 2013 déterminée de manière contradictoire avec le dirigeant de la société et enfin l'exclusion de charges regardées comme non déductibles. A la suite des observations présentées par la société, l'administration a considéré en dernier lieu que le résultat de la période du 14 novembre 2012 au 31 décembre 2013 était un déficit et qu'en conséquence, le résultat définitif de l'exercice du 14 novembre 2012 au 31 mars 2014 devait être arrêté à un bénéfice de 280 366 euros au lieu de 16 839 euros déclaré, aucune imposition n'étant établie au 31 décembre 2013. Cette méthode, qui aboutit en réalité à ne retenir qu'un résultat au titre du premier exercice social exactement comme l'a fait la société requérante, déterminé après rectifications du résultat comptabilisé, ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou excessivement sommaire. Contrairement à ce que soutient la société requérante, cette méthode ne revient pas à déterminer un chiffre d'affaires incohérent sur les seuls trois premiers mois de l'année 2014 ou encore à déterminer une marge négative sur la période arrêtée au 31 décembre 2013, le jeu de la variation des stocks équilibrant le résultat au 31 mars 2014 tandis que les produits ont été déterminés à partir des encaissements apparaissant sur les comptes bancaires, dont les montants ont été rapprochés des factures de ventes et de l'inventaire reconstitué des stocks. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode ayant conduit à la détermination du bénéfice au 31 mars 2014 est erronée.

S'agissant des recettes non comptabilisées :

10. Il résulte de l'instruction que le service a constaté l'encaissement par la société requérante sur son compte bancaire de diverses sommes pour un total de 40 000 euros entre le 29 novembre 2012 et le 7 décembre 2012. L'administration a estimé, en l'absence de toute précision, que ces sommes constituaient des recettes de l'exploitation qu'elle a réintégrées dans le bénéfice imposable et a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante entend soutenir que ces sommes constituent des prêts effectués par des membres de la famille de son gérant, comptabilisées au crédit de son compte courant d'associé. Elle fait ainsi valoir qu'elle a remboursé ces avances au cours des années 2013 et 2014, ces remboursements étant inscrits au débit du compte courant d'associé de son gérant.

11. Il est constant qu'au cours de la vérification la société requérante n'a pas été en mesure de présenter de pièces justificatives à l'appui des écritures relatives aux encaissements litigieux. Ce n'est que dans le cadre de ses observations qu'elle a produit des attestations concernant trois de ces encaissements, émanant des personnes ayant effectué ces virements. Toutefois, les auteurs de ces attestations se bornent à déclarer qu'ils ont effectué un virement pour une somme déterminée sans préciser à quel titre ils l'ont fait et pour quelle cause. Dans ces conditions, ces documents ne sauraient établir l'existence des prêts allégués. La circonstance que, dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle de son gérant, l'administration a renoncé, par une décision de dégrèvement non motivée, ne pouvant ainsi revêtir le caractère d'une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, à imposer une somme de 4 996 euros provenant de son compte courant d'associé, ne saurait établir que le service aurait admis que les encaissements litigieux, pour un total de 40 000 euros sur le compte bancaire de la société requérante, constitueraient des apports effectués par ce dernier sur son compte courant. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a considéré que les sommes litigieuses constituaient des recettes de l'exploitation à comprendre dans son bénéfice sur le fondement de l'article 38 précité du code général des impôts.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à juste titre que le service a regardé les encaissements ci-dessus analysés comme des recettes de l'entreprise à comprendre dans son chiffre d'affaires taxable tandis que celle-ci, à qui incombe la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition établies par voie de taxation d'office, n'apporte aucun élément probant en sens contraire. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée due sur ce chiffre d'affaires sur le fondement de l'article 256 du code général des impôts.

Sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts :

13. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la somme de 40 000 euros correspondant à des recettes dissimulées a été comptabilisée au crédit du compte courant d'associé du gérant de la société requérante.

15. Si la société requérante soutient que les sommes de 86 100 euros et 13 200 euros, comptabilisées en charges, versées à deux sociétés constituent en réalité des prêts, ne pouvant à ce titre être regardées comme ayant été désinvesties et constitutives d'un revenu distribué, elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun commencement de preuve de l'existence d'une telle opération. S'il est vrai que la société requérante produit des copies de chèques tirés à son ordre par la société Car Affaires, pour un total de 34 800 euros, présentés comme le remboursement partiel de la somme de 86 100 euros, ces pièces ne sauraient attester l'existence d'un prêt en l'absence de tout lien entre ces paiements et ces encaissements et de précision quant à la durée, au taux et aux modalités de remboursement. Aucune pièce n'est au demeurant produite s'agissant de la somme de 13 200 euros.

16. Si la société requérante soutient que les sommes de 1 770 euros et de 18 500 euros, comptabilisées en charges et réintégrées dans le bénéfice en l'absence de toute justification, correspondent à l'achat de pièces détachées et d'un véhicule auprès d'un particulier, elle ne produit aucune pièce de nature à justifier de la correction de l'inscription en comptabilité de ces charges.

17. Il résulte de l'instruction que la société requérante a comptabilisé en charges les sommes de 15 000 euros et de 11 700 euros présentées comme correspondant à l'acquisition de deux véhicules Audi A4 et Citroën C5. En l'absence de pièces justificatives, le service a réintégré ces sommes dans le bénéfice imposable. A l'appui de ses observations faisant suite à la proposition de rectification, la société a présenté deux factures d'achat. Le service a refusé d'admettre ces pièces au motif que les factures n'étaient pas établies au nom de la société requérante mais à celui d'une société tierce. La société a alors fait valoir devant le supérieur hiérarchique qu'il s'agissait d'une erreur de libellé et que des factures rectificatives seraient produites. Devant l'interlocuteur départemental, la société a finalement affirmé que ces sommes correspondaient à l'acquisition de deux véhicules auprès d'une société établie à Cambrai (Nord), ces acquisitions étant effectuées pour le compte d'une société tierce. La société a produit à l'appui de ces affirmations les certificats d'acquisition des deux véhicules auprès du fournisseur. L'administration, après avoir relevé que ces véhicules n'avaient jamais été compris dans les stocks et qu'aucune opération de revente n'avait été enregistrée, a considéré que l'acquisition de véhicules pour être remis à une autre société ne relevait pas d'une gestion commerciale normale, excluant que ces achats soient admis en déduction du bénéfice imposable en application des règles ci-dessus rappelées. Devant cette cour, la société requérante se borne à produire les certificats d'acquisition des véhicules et n'apporte aucune précision de nature à expliquer qu'elle les a acquis pour les remettre à une autre société sans aucune contrepartie.

18. Il résulte des points 13 à 17 que, c'est à juste titre, en application des règles ci-dessus rappelées, que l'administration a regardé les sommes susmentionnées comme ayant été désinvesties et constitutives d'une rémunération occulte au sens des dispositions ci-dessus reproduites du c de l'article 111 du code général des impôts, a refusé d'admettre la déduction de ces sommes du bénéfice imposable, les a regardées comme des revenus distribués au sens des dispositions ci-dessus reproduites et, en l'absence de désignation des bénéficiaires, a infligé à la société requérante l'amende prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ".

20. La proposition de rectification du 13 juillet 2016 expose de manière suffisante les motifs pour lesquels le service a estimé que les dissimulations de recettes en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, les charges injustifiées et les minorations de stock en matière d'impôt sur les sociétés résultaient de l'intention délibérée de la société B2A d'éluder l'impôt. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les majorations de l'article 1729 ont été insuffisamment motivées.

21. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.

22. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'insuffisance de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée de 40 439 euros, et au supplément d'impôt sur les sociétés découlant des recettes non comptabilisées, des charges injustifiées et de la minoration de stock, le service a relevé que la comptabilité était affectée de graves irrégularités, que les insuffisances et les inexactitudes de déclaration affectaient l'ensemble de la période vérifiée, pour des montants considérables et pour partie ayant donné lieu à des distributions occultes. Par ces éléments le service a rapporté la preuve du manquement délibéré.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL B2A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de Me Tirmant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL B2A est admise.

Article 2 : La requête de la SARL B2A est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B2A, à Me Tirmant en qualité de mandataire judiciaire et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Martinez, président de chambre,

- M. Agnel, président assesseur,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00718 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00718
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SELARL NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23nc00718 ?
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