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05/06/2025 | FRANCE | N°23NC00517

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 juin 2025, 23NC00517


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Sparflex a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés ainsi que de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais d'assiette auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2001619 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Sparflex a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés ainsi que de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais d'assiette auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2001619 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge d'une pénalité pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023 et un mémoire enregistré le 13 février 2024, la société Sparflex, représentée par Me Laurent-Sorel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-la vérification de comptabilité est irrégulière en ce qu'elle a été privée du droit à être assistée du conseil de son choix lors de la séance du 11 mai 2017 et a été privée de la garantie liée au débat oral et contradictoire dès lors que la vérificatrice a refusé de participer à la séance du 11 mai 2017 ; en refusant de participer à la réunion de synthèse du 11 mai 2017 le service ne l'a pas informée des conséquences du contrôle et l'a ainsi privée de la possibilité de mettre en œuvre la procédure de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales et l'a privée du droit à une réunion de synthèse prévue par l'engagement n° 4 des " dix engagements pour un contrôle fiscal des entreprises serein et efficace " ; en lui refusant le recours à un huissier lors de cette séance du 11 mai 2017 et en quittant les lieux, le service a méconnu le principe d'égalité des armes consacré par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les sommes facturées par Tradlux et réintégrées dans ses bénéfices, ayant déjà été taxées au Luxembourg, il y a double imposition au sens de l'article 9 de la convention franco-luxembourgeoise ; en lui refusant le recours à la procédure amiable d'élimination des doubles impositions prévues par la convention franco-luxembourgeoise, l'administration méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en conséquence, l'imposition en France des sommes versées à Tradlux sur laquelle cette société a été imposée doit être déchargée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la réintégration des dépenses de réparation inscrites en charges compte tenu de ses incohérences l'ayant empêchée de présenter utilement ses observations ;

- les sommes facturées par Tradlux et réintégrées dans ses bénéfices, ayant déjà été taxées au Luxembourg, il y a double imposition au sens de l'article 9 de la convention franco-luxembourgeoise ; en lui refusant le recours à la procédure amiable d'élimination des doubles impositions prévues par la convention franco-luxembourgeoise, l'administration méconnaît les articles 18, 49, 54 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; elle méconnaît également l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- s'agissant des immobilisations passées en charge c'est à tort que l'administration lui refuse le bénéfice de la tolérance administrative (BOI-BIC-AMT-10-50-30 au 2 août 2017) permettant la déduction des amortissements en considérant qu'elle est de mauvaise foi, alors que la déduction n'est en l'occurrence pas abusive compte tenu des circonstances ; ce qui au demeurant rend infondée la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée ;

- les sommes versées à la société Tradlux sont parfaitement justifiées par les services fournis par cette société en application des conventions de prestations de services, sont appuyées des factures et pièces justificatives régulières ; le prix pratiqué n'est pas excessif et la réalité des prestations établie ; c'est donc à tort que l'administration a remis en cause la déduction de ces sommes en se fondant sur de simples affirmations dénuées de fondement et contradictoires tout en s'immisçant dans sa gestion ;

- les déplacements aériens pour des missions techniques pour elle-même ou ses filiales ainsi que pour les relations publiques sont justifiés et conformes à son intérêt ; c'est à tort que l'administration les a remis en cause sans apporter la preuve qui lui incombe de ce que ces charges ne sont pas conformes à son intérêt et en invoquant l'article 57 du code général des impôts, inapplicable à son cas ;

- la provision pour risque relative au prêt consenti au dirigeant de sa filiale la société allemande VKN est justifiée par les pièces produites sans qu'il y ait lieu de rechercher les chances exactes de succès en cas de litige ;

- c'est en méconnaissant les règles de la prescription fiscale et commerciale, tout en s'immisçant dans sa gestion, que l'administration entend limiter la déduction des bénéfices imposables du montant des sommes qui lui ont été remboursées par la société Sdpi en 2014 à proportion des seuls abandons de créances qui avaient été effectués au cours des années 2010 et 2011 à hauteur de 4 786 374 euros (et réintégrés dans les bénéfices de ces années) par rapport à l'ensemble des abandons de créances consentis à cette société depuis 2001 s'élevant à 8 313 791 euros ;

- les majorations mises à sa charge violent l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve du manquement délibéré s'agissant des immobilisations passées en charges, des prestations intra groupe au demeurant non remises en cause lors du précédent contrôle, des frais de missions, la provision pour litige ;

- le non-respect par l'administration de la procédure de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales implique la réduction de moitié des intérêts de retard sur la rectification de la déduction extra comptable ;

- les rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises doivent être déchargés en droits et pénalités par les mêmes motifs que ceux devant conduire à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 15 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu partiel dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet sur surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 18 avril 2025, la société Sparflex déclare se désister de ses conclusions dirigées contre les impositions et majorations relatives aux sommes versées à la société Tradlux et maintient le surplus des conclusions de sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la République française et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Sparflex, qui exerce une activité de fabrication de capsules de sur-bouchage et de muselets, détient plusieurs filiales et sous-filiales en France et à l'étranger. Détenue majoritairement par une société de droit luxembourgeois, la société Tradlux, la société Sparflex est la société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts. Elle a fait l'objet en tant que membre du groupe d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par deux propositions de rectification des 20 décembre 2016 et 13 juillet 2017, notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a porté à sa connaissance qu'il envisageait diverses rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les rectifications ont été partiellement confirmées par lettres de réponse aux observations du contribuable du 24 novembre 2017 et à la suite de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 11 octobre 2018, d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du 6 mars 2019 ayant donné lieu à un compte rendu du 17 juin 2019. Les impositions, assorties pour partie de pénalités pour manquement délibéré, ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2019 et les réclamations préalables de la société Sparflex ont été rejetées le 19 juin 2020. La SA Sparflex relève appel du jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant que celui-ci, après avoir déchargé partiellement les pénalités, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 15 avril 2025, l'administration a prononcé le dégrèvement de la somme totale de 794 656 euros en droits et majorations sur le montant des impositions litigieuses résultant des rectifications relatives à l'imposition en France des sommes versées à la société luxembourgeoise Tradlux. Par un mémoire enregistré le 18 avril 2025, la société Sparflex a déclaré se désister dans cette mesure des conclusions de sa requête. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement partiel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

3. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Aux termes de l'article L. 13 du même livre : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Au cours d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification ou cet examen, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts./ Cette procédure de régularisation spontanée ne peut être appliquée que si :/ 1° Le contribuable en fait la demande, en cas de vérification de comptabilité, avant toute proposition de rectification et, en cas d'examen de comptabilité, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification ;/ 2° La régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ;/ 3° Le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les trente jours de sa demande et acquitte l'intégralité des suppléments de droits simples et des intérêts de retard au moment du dépôt de la déclaration, ou à la date limite de paiement portée sur l'avis d'imposition en cas de mise en recouvrement par voie de rôle ".

4. D'une part, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

5. D'autre part, tant l'article L. 47 du livre des procédures fiscales que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié rappellent que l'entreprise faisant l'objet d'une vérification de comptabilité a la faculté de se faire assister d'un conseil qui l'aidera dans ses relations avec le vérificateur.

6. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, la vérificatrice a convenu d'une dernière intervention au siège de l'entreprise, devant se tenir le 11 mai 2017, en présence du dirigeant de la société. Le jour prévu les vérificateurs ont constaté que se trouvaient présents, outre le président directeur général de la société, un cadre d'une autre société dénommée Trad Lux, l'avocat de la société Sparflex ainsi qu'une huissière de justice mandatée par la société vérifiée. Cette mandataire de justice a entrepris d'enregistrer les propos tenus et a indiqué aux vérificateurs qu'elle les consignerait ensuite par écrit, le dictaphone n'étant qu'un moyen de les reproduire fidèlement. Après avoir consulté leur hiérarchie, les agents de l'administration, après avoir constaté le refus des représentants de la société de faire cesser cet enregistrement, ont quitté les lieux.

7. D'abord, il ressort des propres écritures de la société requérante qu'elle a mandaté l'huissier de justice afin de se ménager la preuve du comportement selon elle déloyal des vérificateurs à son égard, en faisant valoir qu'à l'occasion d'un précédent contrôle, le vérificateur aurait procédé à des rectifications sans l'en avertir à l'occasion de la réunion de synthèse. Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu'elle soutient, cet officier ministériel n'assurait pas un rôle de conseil, fonction assurée au demeurant par l'avocat de la société présent sur place, mais n'avait d'autre but que d'intimider les agents de l'administration dans des conditions de nature à faire obstacle à la conduite d'une discussion sereine. Par suite, en refusant de continuer l'entretien dans de telles conditions, les vérificateurs n'ont pas privé la société requérante de son droit d'être assistée du conseil de son choix.

8. Ensuite, la garantie d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur vise à permettre l'instauration d'un dialogue serein, ouvert et non formalisé entre le contribuable vérifié et l'administration, ainsi que le rappelle au demeurant la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. En ayant eu recours au procédé ci-dessus analysé et en ayant persisté à le maintenir nonobstant les objections émises par les autorités hiérarchiques, la société Sparflex a elle-même fait obstacle à l'instauration d'un tel dialogue lequel ne peut revêtir, par définition, qu'un caractère exclusivement oral. Dans ces conditions, alors que la preuve n'est pas rapportée qu'à l'occasion de ses autres interventions la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vues, la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de participer à l'entretien du 11 mai 2017, le service l'aurait privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir, en tout état de cause, avoir été privée du bénéfice de la réunion de synthèse de fin de vérification, dont la tenue ne revêt aucun caractère obligatoire, que la vérificatrice avait justement prévue ce jour là, cette réunion n'ayant pas pu avoir lieu du fait de son comportement.

9. De même, il résulte des dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales que la possibilité de régularisation qu'il offre doit résulter d'une démarche spontanée du contribuable et n'est pas subordonnée à une sollicitation ou une demande de l'administration. Alors qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que son attitude a rendu impossible la tenue de la réunion de synthèse que la vérificatrice lui avait proposée, la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de poursuivre l'entretien du 11 mai 2017, le service l'aurait privée de la possibilité de demander une régularisation avant toute proposition de rectification.

10. Enfin, la société Sparflex ne saurait utilement soutenir qu'elle avait entendu avoir recours à un huissier de justice muni d'un appareil d'enregistrement afin de se ménager la preuve de ce que les vérificateurs se refusaient à tout débat, alors qu'un tel procédé est précisément de nature à faire obstacle à l'instauration d'un tel dialogue. Par suite, la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de participer à la séance du 11 mai 2017, les vérificateurs auraient méconnu un prétendu principe de loyauté ou violé le principe d'égalité des armes.

En ce qui concerne la régularité des propositions de rectification :

11. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

12. L'incohérence affectant la présentation de la réintégration des acquisitions d'immobilisation comptabilisées à tort en charges n'a pas été de nature à empêcher la société Sparflex de présenter utilement ses observations sur cette rectification qu'elle a au demeurant refusée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que ce rehaussement serait insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant des immobilisations passées en charges :

13. Il résulte de l'instruction que la société Sparflex a comptabilisé en tant que charges d'entretien et de réparation des biens immobiliers une somme de 390 629 euros déduite de son bénéficie imposable. Il n'est pas contesté que ces sommes correspondent à des acquisitions d'immobilisations, principalement la réfection du hall d'entrée, qui ne sont pas traduites par une diminution de l'actif net. C'est par suite à juste titre que l'administration a réintégré cette somme dans le bénéfice imposable de l'année 2014. Il est vrai, toutefois, que la société Sparflex, afin de pouvoir déduire les annuités d'amortissements qui auraient dû être comptabilisées, entend invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales les termes de l'instruction administrative sous référence BOI-BIC-AMT-10-50-30 aux termes de laquelle : " sauf dans les cas manifestement abusifs (notamment lors de manquements exclusifs de bonne foi, erreurs répétées ou graves), les dispositions de l'article 39 B du CGI ne seront pas opposées ; ainsi, en cas de non-inscription à l'actif, par erreur, de dépenses de remplacement d'éléments constitutifs de composant, l'entreprise retrouvera son droit à pratiquer un amortissement dans les conditions de droit commun dès l'inscription à son actif (RM Chamant n° 8757, JO AN du 14 juin 1961, p. 1047-1048 et RM Sergheraert n° 8121, JO AN du 26 avril 1982, p.1703). S'agissant des conditions d'application de la RM Sergheraert, il peut être admis que l'entreprise déduise, au titre de l'exercice au cours duquel elle a régularisé ses écritures comptables, les annuités d'amortissement linéaire ou dégressif qu'elle n'aurait pas pratiquées entre la date d'acquisition ou de création du bien et la date d'inscription à l'actif de son bilan de l'élément en cause. A cet égard, l'entreprise devra établir un plan d'amortissement à compter de la date d'entrée dans le patrimoine de cet élément d'actif dans les conditions prévues par les dispositions du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Conformément aux dispositions de l'article 39 B du CGI, la somme des amortissements pratiqués à la clôture de l'exercice d'inscription à l'actif des biens en cause ne pourra être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire depuis la date d'acquisition ou de création du bien et répartis sur la durée normale d'utilisation ".

14. Le bénéfice de cette instruction administrative est subordonné, notamment, à la régularisation comptable des acquisitions d'immobilisations par leur inscription à l'actif du bilan, la déduction des amortissements ainsi admis ne pouvant intervenir qu'au titre de l'exercice au cours duquel cette régularisation est intervenue. La société Sparflex ne justifiant pas avoir régularisé les immobilisations litigieuses, elle n'est pas fondée, sans qu'il soit besoin de vérifier à ce stade sa bonne foi, à demander que soit admise en déduction du bénéfice de l'exercice 2014 la dotation aux amortissements des éléments d'immobilisation litigieux.

S'agissant de la provision pour dépréciation de créance :

15. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient déductibles, nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

16. Il résulte de l'instruction que la société Sparflex a prêté au dirigeant de sa sous-filiale de droit allemand, la société VKN, la somme de 1 500 000 euros afin de lui permettre de désintéresser les organes de la procédure collective de cette société, par qui l'intéressé avait été mis en cause, sur la base d'un protocole transactionnel du 21 juillet 2014, ce prêt étant comptabilisé à la date du 11 septembre 2014 au débit d'un compte courant 4550029 JR par le crédit du compte courant 4550027 de la société SDPI, société mère de la société VKN et filiale à 99,99 % de la société Sparflex. La société Sparflex a intégralement provisionné le montant de sa créance sur le dirigeant de la société VKN au 31 décembre 2014. L'administration a réintégré dans le bénéfice imposable cette provision au double motif que l'octroi d'un prêt au dirigeant de la société VKN ne correspondait pas à une gestion commerciale normale et qu'aucun évènement en cours à la clôture de l'exercice ne rendait probable le risque de non recouvrement de la créance.

17. S'il ressort du courrier de l'administrateur judiciaire de la liquidation de la société VKN du 11 décembre 2009 que la société Sparflex risquait d'être recherchée en paiement à raison d'agissements considérés par le droit allemand comme préjudiciables aux créanciers du débiteur, il ne résulte pas de l'instruction que la transaction conclue entre les organes de la liquidation judiciaire et le dirigeant de la société VKN, le 21 juillet 2014, stipulant un versement libératoire de sa part de 1 500 000 euros, aurait eu pour effet de désintéresser également la société requérante. Il en résulte que la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir qu'il était de son intérêt de permettre au dirigeant de la société VKN de s'acquitter de ses obligations au titre de la transaction en lui prêtant cette somme. La société Sparflex n'est pas davantage fondée à soutenir que l'avance de cette somme aurait été rendu nécessaire à la suite du refus de prise en charge de ce paiement par la société d'assurance auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat collectif destiné à couvrir les risques des dirigeants du groupe dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été juridiquement tenue de garantir les risques encourus par le dirigeant d'une de ses sous-filiales à raison de son activité, en dépit de la mention d'une telle obligation dans une lettre du 24 juillet 2014. Il résulte par ailleurs de l'instruction que par la lettre du 24 juillet 2014, le remboursement du prêt a été seulement conditionné par le paiement par la compagnie d'assurance au dirigeant de la société VKN de la somme avancée par la société Sparflex, sans aucune clause obligeant l'emprunteur en cas de défaillance définitive de cet assureur. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'avance de 1 500 000 euros accordée par la société Sparflex au dirigeant de la société VKN ne répond pas à son intérêt propre et ne relève pas d'une gestion commerciale normale. Par suite, en se fondant sur ce motif, l'administration a pu à juste titre refuser la déduction de la provision destinée à couvrir le risque de non-recouvrement de cette créance de prêt. Ce motif étant à lui seul de nature à justifier la réintégration de la provision litigieuse, le moyen tiré de ce que le motif surabondant invoqué par l'administration d'une absence de risque pesant sur le recouvrement au 31 décembre 2014 ne serait pas fondé, est inopérant.

S'agissant de la déduction extra-comptable :

18. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'un précédent contrôle, l'administration avait réintégré dans les bénéfices imposables de la société Sparflex des années 2010 et 2011, les montants des abandons de créances que celle-ci avait consentis à sa filiale, la société SDPI. Le bien-fondé de ces rehaussements a été confirmé de manière définitive par l'arrêt de cette cour n° 19NC2020 du 3 décembre 2020. Au cours de l'année 2014 la société Sparflex a toutefois obtenu de la société SDPI le remboursement d'une somme de 1 749 766 euros en exécution de la clause de retour à meilleure fortune qui avait été stipulée lors des abandons de créances. La SA Sparflex a déduit de manière extra-comptable de son bénéfice imposable de l'année 2014 cette somme de 1 746 766 euros qu'elle avait comptabilisée en produit exceptionnel. Le service a intégralement réintégré cette somme dans le bénéfice imposable après avoir considéré que les paiements effectués par le débiteur devaient s'imputer en priorité sur les créances ayant fait l'objet de précédents abandons consentis avant le 1er janvier 2010, chaque année depuis l'année 2003. A la suite de l'entrevue avec le supérieur hiérarchique du 6 mars 2019, l'administration a accepté de faire droit à la proposition de la société Sparflex d'admettre en déduction une somme de 1 007 340 euros correspondant à la proportion des abandons réintégrés dans les bénéfices 2010 et 2011 par rapport au total des abandons de créances consentis depuis l'année 2003, laissant à la charge de la société Sparflex un rehaussement de 742 426 euros.

19. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société requérante au titre des années 2010 et 2011 les abandons de créances consentis à la société SDPI au motif qu'un tel avantage ne correspondait pas à une gestion commerciale normale. Le bien-fondé de ce motif a été reconnu par cette cour par l'arrêt ci-dessus analysé devenu définitif. Il en résulte que la perte correspondant à ces abandons de créance n'était pas déductible des bénéfices. En revanche, le produit exceptionnel résultant du paiement par le débiteur de ces créances devait être compris dans le bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel il est intervenu en vertu des dispositions ci-dessus reproduites du 1 de l'article 38 du code général des impôts. En effet, la perte correspondant à un abandon de créance est distincte du paiement finalement encaissé, intervenu sur le fondement des stipulations contractuelles de la clause de retour à meilleure fortune convenue à l'occasion de cet abandon, de sorte que le produit correspondant à ce dernier ne fait pas double emploi avec la charge résultant de l'abandon de cette créance. En conséquence, la société Sparflex n'était pas fondée à déduire de son bénéfice le montant de ce paiement obtenu au cours de l'année 2014 au prétexte que la perte correspondant à l'abandon conditionnel de cette créance n'avait pas été admise en déduction des bénéfices des exercices antérieurs. Par suite, la société Sparflex n'est pas fondée à se plaindre de ce que l'administration n'a finalement admis en déduction qu'une partie de la somme qu'elle avait ainsi intégralement déduite à tort et les moyens invoqués sont inopérants.

Sur les pénalités et autres majorations :

En ce qui concerne la réduction des intérêts de retard :

20. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société Sparflex n'a pas été privée de la possibilité d'avoir recours à la procédure de régularisation de l'article L. 62 du livre des procédures qu'elle n'a pas mise en œuvre. Par suite, elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander la réduction des intérêts de retard de l'article 1727 du code général des impôts dans la mesure prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.

22. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré au supplément d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration des immobilisations comptabilisées à tort en charges, le service a retenu que la société Sparflex avait initialement comptabilisé ces factures dans un compte d'immobilisation pour ensuite les extourner dans un compte de charges alors qu'il n'existait aucune ambiguïté sur la nature des travaux réalisés. Alors que la société requérante fait valoir que la modification de l'écriture comptable ne fait que traduire son hésitation sur le traitement comptable de ces travaux, l'administration ne rapporte pas la preuve, par le seul élément qu'elle invoque, que c'est sciemment, dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés que la société Sparflex a déduit en charge ces immobilisations. Par suite, la société Sparflex est fondée à demander la décharge de cette pénalité.

23. En revanche, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, sans aucun motif, la société requérante a avancé à un tiers, ancien dirigeant d'une de ses sous-filiales, une importante somme d'argent en subordonnant le remboursement de cette avance à un évènement hypothétique. Cette décision ne relevant pas d'une gestion commerciale normale, la société Sparflex ne pouvait ignorer que la provision pour dépréciation qu'elle avait constituée, au demeurant en l'absence de toute probabilité d'un risque à la clôture de l'exercice, ne pouvait être admise en déduction de son bénéfice imposable. Par ces éléments, l'administration rapporte la preuve que c'est dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés que la société Sparflex a constitué cette provision et justifie ainsi l'application de la pénalité pour manquement délibéré.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

24. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

25. La SA Sparflex n'établit pas que les majorations laissées à sa charge porteraient une atteinte telle à sa situation financière que leur paiement caractériserait une mesure disproportionnée ou un abus du droit de percevoir des impôts et d'autres contributions en violation de ces stipulations. Par suite le moyen ainsi invoqué ne peut qu'être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sparflex est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a refusé de la décharger de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés découlant de la réintégration des immobilisation déduites en charges.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à titre principal dans la présente instance, verse à la société Sparflex une somme au titre des frais qu'elle y a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte à la société Sparflex de son désistement des conclusions de sa requête dans la mesure du dégrèvement prononcé par l'administration le 15 avril 2025.

Article 2 : La société Sparflex est déchargée de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti le supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné consécutivement à la réintégration des immobilisations qu'elle avait déduites en charges au titre de l'année 2014.

Article 3 : Le jugement n° 2001619 du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Sparflex et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Martinez, président de chambre,

- M. Agnel, président assesseur,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00517
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE CHAMPIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23nc00517 ?
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