Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 4 décembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduit et les a interdits de retour sur le territoire national pour une durée d'un an.
Par un jugement n°s 2309169 et 2309170 du 7 février 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans une délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2405884 du 16 octobre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 15 avril 2024, sous le n° 24NC00945, Mme E..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué du 4 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, une demande de titre de séjour était en cours ; viole l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour en ce que l'état de leur fils nécessite des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une extrême gravité et que ce suivi médical n'est pas disponible en Géorgie ; a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- l'interdiction de retour sur le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est entachée erreur de droit en ce que l'arrêté précise que cette mesure est immédiatement exécutoire alors que l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'interdiction ne prend effet qu'à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire.
II. Par une requête enregistrée le 15 avril 2024, sous le n° 24NC00948, M. D..., représenté par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué du 4 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ; à défaut, de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, une demande de titre de séjour était en cours ; méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour en ce que l'état de leur fils nécessite des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une extrême gravité et que ce suivi médical n'est pas disponible en Géorgie ; a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- l'interdiction de retour sur le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est entachée erreur de droit en ce que l'arrêté précise que cette mesure est immédiatement exécutoire alors que l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'interdiction ne prend effet qu'à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire.
III. Par une requête enregistrée le 25 décembre 2024, sous le n° 24NC03140, Mme E..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour : fait une inexacte application de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'état de leur fils nécessite des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une extrême gravité et que ce suivi médical n'est pas disponible en Géorgie ; a été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Mme E... et M. D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions des 21 mars et 21 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... et M. D..., ressortissants géorgiens, ont déclaré être entrés en France le 6 décembre 2022 avec leur fils mineur. Ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 13 mars 2023, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 12 octobre 2023. Par deux arrêtés du 4 décembre 2023, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Mme E... a, en outre, sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir l'état de santé de son fils. Par un arrêté du 12 janvier 2024, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par les trois requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, Mme E... et M. D... relèvent appel des jugements ci-dessus visés par lesquels le magistrat désigné et le tribunal administratif de Strasbourg ont respectivement rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...). / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Afin de refuser d'admettre au séjour Mme E... en tant que parent d'enfant étranger en raison de l'état de santé de son fils B..., la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis rendu le 9 juin 2023 par le collège de médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'enfant, né le 8 janvier 2009, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il ressort des pièces produites que si le fils de Mme E... est atteint du syndrome d'ataxie-télangiectasie à l'origine de troubles moteurs et du langage, son état de santé nécessite une prise en charge rééducative multidisciplinaire sous la forme notamment d'un bilan orthophonique et de séances de kinésithérapie. Si les requérants font valoir que l'interruption du suivi médical sera de nature à entraîner une aggravation de certains des symptômes, il ne ressort pas des pièces produites qu'elle serait de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, en refusant d'admettre Mme E... au séjour en raison de l'état de santé de son fils, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Les requérants ne résident en France que depuis moins de deux ans. Mme E... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales et personnelles en Géorgie et son époux fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Les requérants ne justifient d'aucun élément notable d'intégration en France. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie où il n'est pas établi que l'enfant du couple ne pourra pas bénéficier d'un suivi médical adapté, celui-ci fût-il de moindre qualité que celui dont il a bénéficié en France. Dans ces conditions, le refus de séjour attaqué n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et ne paraît pas reposer sur une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle et familiale de Mme E....
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire du 12 janvier 2024. Le refus de séjour du 12 janvier 2024 étant postérieur aux obligations de quitter le territoire du 4 décembre 2023, les requérants ne sauraient utilement exciper de son illégalité à l'encontre de ces décisions.
8. Il y a lieu d'écarter le moyen invoqué par les requérants tiré du défaut de motivation des arrêtés du 4 décembre 2023 par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les jugements attaqués.
9. Il y a lieu d'écarter le moyen invoqué par les requérants tiré de l'erreur de droit par défaut d'examen de leur situation par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les jugements attaqués.
10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la situation familiale et personnelle des requérants ainsi que l'état de santé de leur fils que les obligations de quitter le territoire n'ont pas méconnu les normes rappelées aux points ci-dessus et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des obligations de quitter le territoire à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la situation familiale et personnelle des requérants ainsi que l'état de santé de leur fils que les décisions fixant le pays de destination n'ont pas méconnu les normes rappelées aux points ci-dessus et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des interdictions de retour sur le territoire :
13. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des obligations de quitter le territoire à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions leur faisant interdiction de retour sur le territoire.
14. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les jugements attaqués.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg et le tribunal administratif de Strasbourg ont rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées de Mme E... et de M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., M. C... D..., à Me Berry et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président de chambre,
- M. Agnel, président assesseur,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 24NC00945, 24NC00948, 24NC03140 2