Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de sa demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2307099 du 14 novembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Chakhalov, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de renouvellement de sa demande d'asile est entaché d'erreur de droit au regard des articles L. 542-2 et R. 521-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'autorité préfectorale s'est crue en situation de compétence liée pour lui refuser son récépissé de demande d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire : méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il est recherché en Tchétchénie pour ne pas s'être présenté à sa convocation au commissariat militaire dans le cadre de la guerre contre l'Ukraine ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il est présent en France depuis plus de sept ans ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est entachée d'une appréciation manifestement erronée de la durée de la mesure.
Par une ordonnance du 2 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024 à 12 heures.
Un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2024 a été présenté par la préfète du Bas-Rhin.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe originaire de la république d'Ingouchie, né en 1990, est entré en France au cours de l'année 2016 et a déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée de manière définitive le 15 octobre 2018. M. B... a déposé une demande de réexamen qui a été rejetée de manière définitive le 7 mai 2019. Il a alors déposé une nouvelle demande de réexamen le 22 septembre 2023. Par un arrêté du 22 septembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler l'attestation de demande d'asile de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 14 novembre 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile :
2. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que l'autorité préfectorale ne s'est pas refusée à examiner l'ensemble de la situation de M. B... avant de lui refuser le renouvellement de son attestation de demandeur d'asile en application des articles L. 542-2, L. 542-3 et R. 521-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin se serait crue en situation de compétence liée du seul fait du rejet de sa deuxième demande de réexamen. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
3. La décision attaquée n'oblige pas M. B... à retourner en Russie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.
4. M. B... ne s'est maintenu sur le territoire qu'à la faveur des demandes successives d'aile qu'il a présentées. Il n'est en mesure de faire état d'aucun lien, attache ou éléments d'intégration en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi: / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
7. Si M. B... soutient être recherché en Russie afin d'être incorporé dans l'armée russe pour participer à la guerre d'agression contre l'Ukraine, il n'en justifie pas par les pièces produites. En effet, la convocation à un centre d'incorporation militaire de la ville de Nazran, produite en première instance, ne concerne manifestement pas le requérant mais une autre personne. Ce dernier, né en 1990 n'était, de toutes manières, pas concerné par le service militaire puisque l'âge limite d'appel sous les drapeaux était, en 2002, de vingt-sept ans. De la même façon, les photographies produites ne sont pas de nature à corroborer son récit. En tout état de cause, les obligations au titre du service militaire ne constituent pas, en elles-mêmes, en l'absence d'autres éléments, des traitements inhumains et dégradants. Contrairement à ce que soutient le requérant, la fédération de Russie n'a pas encore mobilisé les appelés au service militaire ou, d'une manière générale, la population pour les besoins de la guerre d'invasion de l'Ukraine. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas être exposé à des risques actuel et personnel de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie. Par suite, le moyen tiré de la violation des normes ci-dessus reproduites ne peut qu'être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire :
8. Compte tenu des éléments relatifs à la situation de M. B... analysés ci-dessus, l'autorité préfectorale n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision fixant à une année la durée de l'interdiction de retour sur le territoire.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Chakhalov et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- M. Agnel, président assesseur,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC03555 2