Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Agora Technologies a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction de sa cotisation d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 2001234 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2023 et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2023, 16 septembre 2024 et 5 mars 2025, la société par actions simplifiée (SAS) Agora Makers France, venant aux droits de la SASU Agora Technologies, représentée par Me Carcelero et Me Debacker, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution d'une somme de 2 134 866 euros sur sa cotisation d'impôt sur les sociétés de l'année 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- par une erreur comptable, elle a appliqué aux titres de la société Fonderie GHM acquis au cours de l'exercice 2016 à la suite de l'augmentation de capital à laquelle elle a procédé, le régime des titres de participation et a appliqué lors de leur cession, le régime des moins-values à long-terme du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts alors que, s'agissant d'actions qu'elle ne comptait pas conserver durablement, il s'agissait de valeurs mobilières de placement et non de titres de participation ; la circonstance que les anciens titres de sociétés qu'elle possédait déjà revêtaient la qualité de titres de participation doit demeurer sans influence puisque la nature de titre de participation des valeurs mobilières doit s'apprécier à la date de leur acquisition au vu de l'intention des les conserver durablement tandis qu'aucune règle comptable ne fait obstacle à ce que les titres d'une même société puissent relever de régimes différents selon leur date d'acquisition ; la solution dégagée en ce sens par le Conseil d'Etat est en effet applicable à toutes les entreprises relevant du plan comptable général et pas seulement les établissements de crédit.
Par des mémoires en défense enregistrés le 26 mai 2023, 7 février 2024 et 17 février 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Carcelero, représentant la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Agora Technologies, anciennement dénommée SAS GHM, devenue en cours d'instance la SAS Agora Makers France, a saisi l'administration fiscale d'une réclamation afin d'obtenir une réduction de sa cotisation d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'année 2016 par l'application du régime des moins-values de cession de valeurs mobilières de placement au lieu de celui des moins-values à long-terme des titres de participation à raison d'une cession d'actions du 23 juin 2016. L'administration a rejeté cette réclamation par une décision du 15 mai 2020. La SAS Agora Makers France relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'imposition litigieuse.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". Aux termes de l'article 39 quaterdecies du même code : " 2 bis. La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité n'est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d'inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission./ 3 Le cas échéant, l'excédent des moins-values à court terme constaté au cours d'un exercice est déduit des bénéfices de cet exercice ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article R. 123-184 du code de commerce : " Constituent des participations les droits dans le capital d'autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice. Sont présumés être des participations les titres représentant une fraction du capital supérieure à 10 % ".
3. Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Doivent être regardés comme revêtant ce caractère les titres qu'une société mère souscrit dans le cadre de la recapitalisation de se sa filiale, suivie, à court terme, de la cession à un tiers de l'intégralité des titres formant le capital de cette filiale, dès lors que cette opération conduit la société détentrice des titres à exercer un contrôle direct des actifs et des passifs de la société dont les actions ont été cédées.
4. Il résulte de l'instruction que la SAS GHM était détentrice de la totalité des actions de sa filiale la SAS Fonderie GHM, spécialisée dans la fonderie de pièces mécaniques, et avaient inscrit ces titres à l'actif immobilisé de son bilan dans un compte de titres de participation. Il n'est pas contesté que ces titres de participation permettaient à la société GHM d'exercer l'entier contrôle de sa filiale. La société Fonderie GHM connaissant des difficultés économiques, sa société mère a recherché un repreneur en vue de la cession de cette entreprise. Par un protocole d'intention du 26 mars 2016, la société GHM s'est accordée avec une société en vue de la cession de l'intégralité des titres de la société Fonderie GHM, cette cession étant subordonnée à un apport de trésorerie à sa filiale devant prendre la forme, notamment, d'une augmentation de capital de la filiale de 6 200 000 euros intégralement souscrite et libérée au plus tard à la date de la cession des actions. Il résulte de l'instruction que la société GHM a souscrit à cette augmentation de capital et l'a intégralement libérée le 23 juin 2016. Le jour-même, par acte du 23 juin 2016, la société GHM a cédé l'intégralité des actions formant le capital de sa filiale la SAS Fonderie GHM à la société cessionnaire. Les titres issus de l'augmentation de capital ayant été inscrits à un compte de titres de participation, la société GHM a réintégré la moins-value consécutive à leur cession dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'année 2016 en application du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, ci-dessus reproduit.
5. La société requérante soutient que c'est par une erreur comptable qu'elle a inscrit les actions nouvellement créées de sa société filiale dans un compte de titres de participation, alors que ces titres destinés à être aussitôt cédés, ne devaient pas être détenus durablement et ne pouvaient lui assurer le contrôle des actifs de sa filiale. Elle soutient ainsi que ces actions constituaient pour elle des valeurs mobilières de placement dont la cession devait suivre le régime des plus ou moins-values à court terme et donc permettre la déduction, de son résultat imposable, de ces moins-values en application du 3 de l'article 39 quaterdecies.
6. Il résulte, toutefois, de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que les titres créés dans le cadre de l'augmentation de capital de la société Fonderie GHM ont permis la cession de cette société, sa recapitalisation en ayant été l'une des conditions. Il ressort de l'exposé des motifs des actes des 26 mars et 23 juin 2016 que la société requérante a entrepris de céder sa filiale compte tenu des difficultés économiques de cette dernière et que son activité ne correspondait plus à celle du groupe GHM, devenue Agora. Il en résulte que ces actions n'ont pas été créées dans un but patrimonial ou spéculatif par la société GHM et ne constituent pas pour elle des titres de placement. Il résulte au contraire de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que la possibilité de céder l'intégralité du capital de sa filiale fait partie de l'exercice direct par une société mère du contrôle des actifs et des passifs de cette filiale. Dans ces conditions, la circonstance que les titres de la société Fonderie GHM issus de l'augmentation de son capital n'ont été destinés à être détenus qu'un instant de raison par la société requérante, avant d'être cédés avec le reste du capital, n'a pas pour effet de leur ôter leur caractère de titres de participation dès lors qu'ils ont précisément servi à la société mère pour exercer son contrôle sur sa filiale à l'occasion de la cession de l'ensemble des actions de cette dernière qu'elle détenait. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les actions de sa filiale créées en 2016 auraient dû suivre le régime des titres de placement.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agora Makers France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Agora Makers France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Agora Makers France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC00341 2