Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la somme de 294 134 euros correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, et à des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par la SARL Concept Immo et mise à sa charge par une ordonnance de la présidente du tribunal de grande instance de Briey du 11 juin 2018 le déclarant solidairement responsable du paiement de cette somme.
Par un jugement no 1903663 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrés le 23 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Freulet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité de la procédure suivie à l'encontre de la société Concept Immo :
- les avis de mise en recouvrement libellés au nom de la société Concept Immo sont entachés d'incompétence de leur signataire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 257 A du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que le comptable public a procédé par émission d'avis de mise en recouvrement s'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée, en dehors de toute procédure de rectification ; l'administration n'a pas procédé au rappel des montants de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser, dont elle indique qu'ils figuraient au passif du bilan au 30 juin 2009, dans la proposition de rectification du 15 décembre 2010 faisant suite à la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2006 au 31 juillet 2010 ; elle n'a pas non plus émis de proposition de rectification avant le 31 décembre 2012, conformément à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales ou, si elle entendait considérer que la taxe en litige figurait au passif de l'exercice 2010, avant le 31 décembre 2013 ;
S'agissant de l'exigibilité de la créance à son égard :
- il ne s'est vu remettre que des copies recto non homologuées des avis de mise en recouvrement, qui sont entachées de nullité ;
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- l'écoulement du temps a emporté l'extinction de la créance de l'administration sur la société Concept Immo ;
- l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée est inexistante, à tout le moins exagérée, puisqu'elle ne correspond pas aux opérations réalisées par la société Concept Immo sur la période concernée ;
- elle procède d'une erreur de déclaration de la société, si bien qu'il y a lieu de ramener le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due à la somme de 13 630 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Concept Immo, dont M. C... était le gérant depuis sa création le 7 juillet 2000, a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du 7 octobre 2010, dans le cadre de laquelle l'administration fiscale a déposé sa déclaration de créances le 1er décembre 2020. Parmi les dettes fiscales de la société, figurent un reliquat de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 2008, qui a été réclamé par un avis de mise en recouvrement du 5 février 2010, ainsi que des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre des périodes de juillet 2010 et d'août 2010, lesquels ont donné lieu, en l'absence de paiement à l'échéance, à des avis de mise en recouvrement les 6 septembre 2010 et 7 octobre 2010. Sur demande du comptable du pôle recouvrement spécialisé de Meurthe-et-Moselle signifiée le 18 février 2014, la présidente du tribunal de grande instance de Briey a, par une ordonnance du 11 juin 2018, déclaré M. C..., sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, solidairement responsable avec la société Concept Immo du paiement de la somme totale de 294 133,97 euros et l'a condamné à payer solidairement cette somme avec la société. M. C... a alors formé auprès de l'administration fiscale une réclamation préalable le 30 décembre 2018, qui a été rejetée par une décision du 14 octobre 2019. Le contribuable relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de la somme de 294 134 euros dont le paiement a été mis à sa charge par l'ordonnance de la présidente du tribunal de commerce de Briey du 11 juin 2018.
Sur la régularité des avis de mise en recouvrement adressés à la SARL Concept Immo :
2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, dans sa version applicable à la date d'émission des avis de mise en recouvrement litigieux : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents du service des impôts ayant au moins le grade de contrôleur ".
3. Il ressort des avis de mise en recouvrement en litige, datés des 5 février, 6 septembre et 7 octobre 2010, qu'ils ont été signés par Mme D... A..., contrôleur principal des impôts. Eu égard à son grade, cet agent, dont il est établi qu'elle était affectée au service des impôts de Briey et dont il n'est pas contesté qu'elle était placée sous l'autorité du comptable des impôts, responsable de ce service, pouvait, sans avoir à justifier d'une délégation de signature en ce sens, régulièrement signer et rendre exécutoire, sous son seul nom, les avis de mise en recouvrement en vertu des dispositions précitées de l'article L. 257 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur.
Sur les autres moyens tirés de la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la SARL Concept Immo :
4. Il ressort de l'avis de mise en recouvrement du 6 septembre 2010 qu'il vise à obtenir le paiement, par la société Concept Immo, du montant de 233 507 euros de droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre du mois de juillet 2010 conformément à la déclaration souscrite par cette même société le 20 août 2010, tandis que l'avis de mise en recouvrement du 7 octobre 2010 vise à obtenir le paiement de la somme de 31 437 euros de droits de cette taxe dus au titre du mois d'août 2010 conformément à la déclaration souscrite le 16 septembre 2010. M. C... ne conteste pas que la SARL Concept Immo n'avait pas payé, à la date de leur exigibilité, les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle devait conformément aux déclarations qu'elle avait souscrites respectivement les 20 août et 16 septembre 2010. Le comptable public pouvait ainsi, en application de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales cité précédemment, émettre les deux avis de mise en recouvrement en litige.
5. Il s'ensuit, d'une part, que le requérant ne saurait utilement soutenir que l'administration fiscale aurait dû, préalablement à l'émission des avis de mise en recouvrement des sommes en litige déclarées spontanément par la société Concept Immo, mettre en œuvre une procédure de contrôle. Il ne saurait pas davantage utilement soutenir que la vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la société sur la période du 1er juin 2006 au 31 juillet 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, telle qu'ouverte par un avis du 26 août 2010, faisait obstacle à l'émission des avis de mise en recouvrement. D'autre part, contrairement à ce que le requérant soutient, il n'y avait pas lieu pour l'administration de justifier, dans la proposition de rectification du 15 décembre 2010 ou dans une autre proposition de rectification émise avant le 12 décembre 2012, le montant de la créance de l'Etat constatée et liquidée par les avis de mise en recouvrement en litige. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité dans la procédure ayant conduit à l'émission des avis de mise en recouvrement des droits de taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être écarté.
Sur l'exigibilité de la créance de l'Etat à l'égard de M. C... :
6. Il résulte de l'instruction que, par l'ordonnance du 11 juin 2018, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 12 mars 2019, la présidente du tribunal de grande instance de Briey a déclaré M. C..., sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, solidairement responsable avec la société Concept Immo du paiement de la somme totale de 294 133,97 euros et l'a condamné à payer solidairement cette somme avec la société. Il n'est pas contesté que cette ordonnance, qui a rendu la créance de l'Etat liquide et exigible, vaut titre exécutoire. Si le requérant conteste la forme selon laquelle les avis de mise en recouvrement lui ont été communiqués dans le cadre de la procédure judiciaire, ce moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que M. C... ne saurait utilement remettre en cause, dans le présent contentieux d'assiette introduit devant le juge administratif de l'impôt, le principe de la solidarité de paiement à laquelle il a été condamné en vertu d'une décision du juge judiciaire.
7. En tout état de cause, d'une part, M. C... ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire qui imposerait à l'administration fiscale, qui, ainsi qu'il a été dit, dispose d'un titre exécutoire suffisant pour donner lieu à des mesures de poursuite, de procéder, en l'espèce, à la notification au débiteur solidaire des avis de mise en recouvrement adressés au redevable légal des impositions en litige.
8. D'autre part, la circonstance qu'il n'aurait reçu, au cours de la procédure judiciaire, qu'une copie tronquée des avis de mise en recouvrement adressés au redevable légal, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie pour l'établissement de l'imposition due.
Sur le bien-fondé des droits de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la SARL Concept Immo :
En ce qui concerne la prescription :
9. Il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement en litige ont été établis et notifiés à la société Concept Immo, redevable légale des impositions en litige, dans le délai de reprise dont l'administration fiscale disposait. Par suite, le moyen tiré de la prescription de la créance de l'Etat s'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée déclarés au titre des mois de juillet et août 2010 et non acquittés par la société Concept Immo ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le caractère exagéré des bases imposées :
S'agissant de la charge de la preuve :
10. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".
11. Il résulte de l'instruction que les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont le paiement est recherché auprès de M. C... en sa qualité de débiteur solidaire correspondent à une imposition établie d'après les déclarations CA3 de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société Concept Immo, leur redevable principal. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe au requérant d'apporter la preuve du mal-fondé de la somme qui lui est réclamée.
S'agissant du bien-fondé des droits de taxe sur la valeur ajoutée :
12. Il résulte de l'instruction que la société Concept Immo a porté sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de juillet 2010 un montant dû de 233 507 euros correspondant à un montant de taxe collectée de 247 822 euros et à un reliquat de taxe antérieurement déduite à reverser de 16 018 euros, sous déduction de 30 333 euros de taxe déductible. Elle a porté sur sa déclaration au titre du mois d'août 2010 un montant dû de 31 437 euros correspondant à un montant de taxe collectée de 32 157 euros et à 720 euros de taxe déductible.
13. D'une part, M. C... soutient que la société Concept Immo n'a en réalité réalisé aucune opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au cours des mois de juillet et août 2010. Il ne l'établit toutefois pas en se bornant à produire les extraits des comptes ouverts au nom de la société auprès de trois études notariales, sans justifier qu'ils retraceraient l'intégralité des opérations de cette société rentrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Il ne saurait à cet égard soutenir qu'il appartient à l'administration, au motif qu'elle disposerait des enregistrements des actes de ventes de terrain, de démontrer elle-même le bien-fondé des déclarations CA3 de la société Concept Immo. Par ailleurs, alors que l'administration fait valoir de façon précise que les montants déclarés incluent des montants de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à des périodes antérieures qui n'avaient pas été déclarés, M. C... ne démontre pas le contraire en se bornant à soutenir que les cases régularisation des déclarations CA3 n'ont pas été renseignées.
14. D'autre part, M. C... se prévaut du rapport d'expertise réalisé, à sa demande, par un expert-comptable dont il ressortirait, à partir du seul examen des comptes bancaires de la société Concept Immo au cours des mois de juillet et août 2010, que la taxe sur la valeur ajoutée collectée s'élève à un montant de 13 630 euros maximum. Les éléments de ce rapport, qui ne sont corroborés par aucune pièce, en particulier par la comptabilité de la société, ne peuvent être regardés comme établissant que la société Concept Immo avait commis une erreur en déclarant un total de 264 944 euros de taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois de juillet et août 2010.
15. Il résulte de ce qui précède, en l'absence notamment de toute production d'éléments comptables de la société Concept Immo sur les périodes en litige, que le requérant, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas l'inexactitude des montants de taxe sur la valeur ajoutée reportés dans les déclarations déposées par la société ni n'établit le caractère exagéré des impositions établies sur la base de ces mêmes déclarations.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC02946