Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Le 4 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du directeur général des finances publiques du Haut-Rhin du 16 novembre 2021 en tant qu'elle mettait à sa charge un indu de 23 661 euros correspondant à la somme perçue pour le mois de décembre 2020 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 ainsi que la décision du 25 novembre 2021 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement no 2200509 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 5 septembre 2022, la société Le 4, représentée par Me Schott de la société Judicia Conseils, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du IV de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 relatives au calcul de l'aide pour le mois de décembre 2020, qui permettent à une entreprise créée après le 1er juin 2019 de choisir, pour déclarer son chiffre d'affaires de référence, de retenir celui réalisé en décembre 2019 et pas uniquement le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre la date de sa création et le 28 février 2020 ;
- cette interprétation des disposisions applicables méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les entreprises, selon qu'elles ont été créées avant le 1er juin 2019 ou après.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Créée le 15 novembre 2019, la société Le 4 exerce une activité économique de restauration. Elle a obtenu, au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières, sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19, des aides d'un montant total de 147 711 euros au titre des mois de mai 2020, novembre 2020, décembre 2020, janvier 2021, février 2021, mars 2021, avril 2021, mai 2021 et juin 2021. A la suite d'un contrôle conduit par la direction départementale des finances publiques du Haut-Rhin, la société a été informée, par un courrier du 14 octobre 2021, qu'elle avait indûment bénéficié de l'aide pour les mois de mai 2020, décembre 2020 et janvier 2021, pour un montant total de 32 781 euros. Invitée à présenter ses observations, la société Le 4 a indiqué accepter la reprise relative au mois de mai 2020 et a précisé la manière dont elle avait procédé pour calculer l'aide à laquelle elle pouvait prétendre s'agissant des mois de décembre 2020 et janvier 2021. Après avoir abandonné la reprise au titre du mois de janvier 2021, l'administration a, par une décision du 16 novembre 2021, mis à la charge de la société Le 4 une somme totale de 25 161 euros, dont 23 661 euros d'indû au titre du seul mois de décembre 2020 demeurant en litige. Le recours gracieux formé par la société contre cette décision a été rejeté par une décision du 25 novembre 2021. La société Le 4 relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions des 16 et 25 novembre 2021.
2. L'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a institué " un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ". L'article 1er du décret du 30 mars 2020 pris pour l'application de cette ordonnance a prévu que le bénéfice de ce fonds serait ouvert aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique. Ce décret a fixé les modalités de l'aide financière, qui prend la forme d'une subvention attribuée par décision du ministre de l'action et des comptes publics aux entreprises qui en remplissent les conditions.
3. Aux termes de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020, qui régit l'octroi de l'aide pour le mois de décembre 2020, dans sa version applicable au litige : " I.-a) Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de décembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ; (...) c) Les entreprises mentionnées au présent I qui exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 30 janvier 2021 perçoivent une subvention dans les conditions suivantes :1° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires supérieure ou égale à 70 %, le montant de la subvention est égale au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 20 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable ; 2° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires inférieure à 70 %, le montant de la subvention est égale au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 15 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable. (...) IV.-La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de décembre 2020 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : / -le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise ; / -ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ; / -ou, pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires réalisé en février 2020 et ramené sur un mois ; / -ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l'entreprise, et le 31 octobre 2020. (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des dispositions précitées du IV de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 que l'ampleur de la perte de chiffre d'affaires subie au titre du mois de décembre 2020 par une entreprise éligible au fonds de solidarité conformément au a) du I du même article est déterminée par la différence entre le chiffre d'affaires de ce même mois et son chiffre d'affaires de référence, pour lequel le pouvoir réglementaire a distingué quatre cas de figure différents selon la date de création de l'entreprise concernée. Le troisième alinéa de ce IV prévoit, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, que le chiffre d'affaires de référence est défini comme le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020. Contrairement à ce que la société Le 4 soutient, la possibilité accordée par les dispositions du deuxième alinéa du IV de déclarer, comme chiffre d'affaires de référence, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable, à la place du chiffre d'affaires réalisé durant la même période de l'année précédente n'est ouverte qu'aux entreprises créées avant le 31 mai 2019. Dès lors, la société requérante, créée le 15 novembre 2019, devait déterminer sa perte de chiffre d'affaires au titre du mois de décembre 2020 en comparant le chiffre d'affaires réalisé au cours de cette même période et son chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période du 15 novembre 2019 au 29 février 2020. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que l'administration a substitué au chiffre d'affaires de décembre 2019, déclaré par la société Le 4 comme chiffre d'affaires de référence, son chiffre d'affaires mensuel moyen.
5. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
6. En prévoyant que les entreprises créées jusqu'au 31 mai 2019 pouvaient déclarer comme chiffre d'affaires de référence leur chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option leur était plus favorable, au lieu du chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente, alors que les entreprises créées après le 1er juin 2019 et avant le 31 janvier 2020 devaient nécessairement déclarer comme chiffre d'affaires de référence leur chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre leur date de création et le 29 février 2020, le pouvoir réglementaire a introduit une différence de traitement dans les facteurs déterminant la perte de chiffre d'affaires que le fonds de solidarité a vocation à compenser. Cette différence de traitement entre les entreprises bénéficiaires est justifiée par la différence objective de situation entre celles qui ont été récemment créées et celles dont l'activité, ancrée depuis plus longtemps, est susceptible de subir plus fortement l'impact de la crise sanitaire. Elle est par ailleurs proportionnée à cette différence de situation. Par suite, la société Le 4 n'est pas fondée, par la voie de l'exception d'illégalité, à soutenir que le fait de ne pas pouvoir, en application des dispositions précitées du IV de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020, déclarer son chiffre d'affaires réalisé en décembre 2019 comme chiffre de référence procèderait d'une méconnaissance par le décret susvisé du principe d'égalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le 4 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Le 4 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Le 4 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC02298