Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2203786 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. B..., représenté par Me El Fekri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle méconnait les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il remplit les conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnait les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui font obstacle à l'éloignement d'un mineur ;
- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne fixe pas de délai supplémentaire ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être né le 16 octobre 2005 et entré en France le 1er juillet 2022. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance par un jugement en assistance éducative du juge pour enfants de C... en date du 13 septembre 2022, et par une ordonnance du 25 octobre 2022, le juge aux affaires familiales de Nancy a confié la tutelle de l'intéressé à la présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Par un arrêté du 15 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'admettre M. B... au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. B... relève appel du jugement du 25 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Les dispositions précitées de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Il lui appartient, en particulier, à cet égard, d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. Aux termes de l'article R. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ministère chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de l'immigration sont autorisés à mettre en œuvre, sur le fondement du 1° de l'article L. 142-1, un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "VISABIO". / Ce traitement a pour finalités : (...) / 7° De faciliter l'identification des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement ; / 8° De faciliter la détermination et la vérification de l'identité d'un étranger qui se déclare mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ; (...) ". Aux termes de l'article R. 142-2 du même code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé mentionné à l'article R. 142-1 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis ; les empreintes digitales des mineurs de douze ans ne sont pas collectées ; l'impossibilité de collecte totale ou partielle des empreintes digitales est mentionnée dans le traitement ; le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de l'image numérisée de la photographie ; / 2° Les données énumérées à l'annexe 2 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas (...) ". Enfin, parmi les données énumérées à l'annexe 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, figurent celles relatives à l'état civil, notamment le nom, la date et le lieu de naissance de l'étranger ainsi que sa nationalité, et celles relatives aux documents de voyage du demandeur de visa ainsi que ses identifiants biométriques.
5. Pour justifier de son identité, M. B... a produit un jugement supplétif n° 15342 tenant lieu d'acte de naissance du 27 juin 2022, un extrait du registre des actes d'état civil n° 4893 en date du 8 juillet 2022 et une carte consulaire guinéenne délivrée le 17 août 2022. Toutefois, le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir relevé les empreintes digitales de M. B..., a relevé que ce dernier a, le 27 septembre 2018, sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Conakry un visa de long séjour en qualité d'étudiant faisant apparaître qu'il était né le 14 octobre 1999. A l'appui de cette demande, M. B... a présenté un passeport. Le préfet fait valoir que l'authenticité de ce document de voyage a été vérifiée lors de l'instruction de la demande de visa en application des dispositions du code communautaire des visas et a produit en première instance la fiche d'identification émise par le système Visabio qui comporte la photographie de l'intéressé et mentionne une date de naissance au 14 octobre 1999. A cet égard, le requérant ne conteste pas avoir sollicité un visa de long séjour en qualité d'étudiant auprès des autorités consulaires françaises à Conakry en se présentant sous l'identité A... B... né le 14 octobre 1999. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le rapport de la division de l'expertise en fraude du 26 août 2022 est défavorable à la constatation de la minorité de M. B..., que le rapport d'évaluation de la minorité de ce dernier, rédigé le 18 juillet 2022 par un agent de la Croix Rouge française, a conclu qu'au regard des éléments recueillis, le profil de M. B... semblait être celui d'une personne adulte. En outre, les mentions du jugement supplétif, selon lesquelles la mère du requérant réside à Conakry, sont contredites par les déclarations du requérant affirmant que celle-ci vit en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, le préfet n'était pas tenu par l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du tribunal pour enfants de C... dont l'objet était le placement provisoire de M. B... auprès du service de l'aide sociale à l'enfance et qui, au demeurant, ne s'est pas prononcé sur la régularité du jugement supplétif en date du 27 juin 2022 et a constaté que les irrégularités, bien que mineures, dont est entaché l'extrait du registre d'état civil ont privé ce document de la présomption de régularité posée par l'article 47 du code civil. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu, sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur de droit, examiner la demande de M. B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement de l'article L. 435-3 du même code.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1... ".
8. A la date de la décision contestée, M. B... n'était présent en France que depuis cinq mois. Il est célibataire et sans charge de famille, indique que sa mère vit en Côte d'Ivoire, a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine et ne se prévaut d'aucun lien intense, ancien et stable sur le territoire français. Dès lors, M. B... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1, et le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / (...) ".
10. Eu égard à ce qui a été énoncé au point 5, la minorité de M. B... n'est pas établie dès lors que le préfet a valablement renversé la présomption d'authenticité des pièces produites par l'intéressé à l'appui de sa demande de séjour. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention relative aux droits de l'enfant, dont il ne relève pas du champ d'application.
12. En troisième lieu, dès lors que M. B... n'était présent en France que depuis cinq mois à la date de la décision en litige, qu'il est célibataire et sans charge de famille, a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine et ne se prévaut d'aucun lien intense, ancien et stable sur le territoire français, le moyen tiré de ce que cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
13. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, (...) ".
14. Dès lors, d'une part, que M. B... ne présente aucun document de voyage et, d'autre part, qu'il a effectué une démarche frauduleuse pour obtenir une prise en charge en qualité de mineur, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu légalement estimer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre et lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
16. M. B... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire qui pourrait faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, dès lors que le requérant n'était présent sur le territoire français que depuis moins de cinq mois à la date de la décision portant refus de séjour qu'il ne justifie pas de liens sur le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me El Fekri.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02298