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13/05/2025 | FRANCE | N°22NC01812

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 13 mai 2025, 22NC01812


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 1er avril 2020 par laquelle le maire de la commune de Vittel a mis fin à ses fonctions de responsable des services techniques à compter du 1er avril 2020, l'arrêté du 31 mars 2020 portant suppression de son régime indemnitaire tenant compte des fonctions des sujétions de l'expertise et de l'engagement professionnel à compter du 1er avril 2020, l'arrêté du 21 février 2020 l'admettant à faire

valoir ses droits à la retraite et le radiant du tableau des effectifs de la collectivi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 1er avril 2020 par laquelle le maire de la commune de Vittel a mis fin à ses fonctions de responsable des services techniques à compter du 1er avril 2020, l'arrêté du 31 mars 2020 portant suppression de son régime indemnitaire tenant compte des fonctions des sujétions de l'expertise et de l'engagement professionnel à compter du 1er avril 2020, l'arrêté du 21 février 2020 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite et le radiant du tableau des effectifs de la collectivité à compter du 1er août 2020 ainsi que les décisions par lesquelles le maire a rejeté ses recours gracieux contre ces décisions.

Par un jugement n°s 2002209, 2002211 et 2002444 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Picoche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 1er avril 2020 et l'arrêté du 31 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 1er avril 2020 et l'arrêté du 31 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vittel une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision mettant fin à ses fonctions ne peut être regardée comme une suspension temporaire qui lui aurait été régulièrement notifiée en application de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision de mettre fin à ses fonctions constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- la note de service adressée aux élus et chefs de service de la commune ne lui a pas été notifiée ;

- la décision de mettre fin à ses fonctions était une mesure définitive ;

- la commune n'a pas saisi le conseil de discipline et la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ;

- la décision n'est pas motivée ;

- la décision est entachée de rétroactivité ;

- il n'a commis aucune faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- l'arrêté mettant fin à son régime indemnitaire est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est fondé sur une décision elle-même illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la commune de Vittel, représentée par Me Cuny, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la commune de Vittel par la voie du détachement à partir du 1er décembre 2006 en qualité d'ingénieur territorial. Il a ensuite été nommé ingénieur principal à compter du 1er juillet 2007 avant d'être intégré dans le grade d'ingénieur principal par un arrêté du maire de la commune du 26 juillet 2007. Il exerçait les fonctions de responsable des services techniques de cette commune. Le 28 octobre 2019, M. B... a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2020. Le maire de la commune a pris acte de ce départ par un courrier du 13 décembre 2019 et, par un arrêté du 21 février 2020, il a admis M. B... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2020.

2. Le 1er avril 2020, M B... a été convoqué à un entretien à la suite duquel le maire de la commune de Vittel lui a adressé un courrier le 2 avril indiquant qu'il confirmait les termes de l'entretien et mettait fin à ses fonctions de responsable des services techniques de la ville à compter du 1er avril 2020. Par un arrêté du 31 mars 2020, le maire a abrogé, à compter du 1er avril 2020, l'arrêté attribuant à M. B... l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et a décidé qu'il ne percevrait plus aucun élément constitutif du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel. Par un courrier du 29 avril 2020, M. B... a informé le maire du retrait de sa demande de départ à la retraite et par un courrier du 25 mai 2020, il a demandé au maire de retirer la décision du 1er avril 2020 et l'arrêté du 31 mars 2020 et de le réintégrer dans ses fonctions. Enfin, par un courrier du 15 juin 2020, M. B... a demandé au maire de retirer l'arrêté du 21 février 2020 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nancy de demandes tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2020 par laquelle le maire de la commune de Vittel a mis fin à ses fonctions de responsable des services techniques à compter du 1er avril 2020, de l'arrêté du 31 mars 2020 portant suppression de son régime indemnitaire tenant compte des fonctions des sujétions de l'expertise et de l'engagement professionnel à compter du 1er avril 2020, de l'arrêté du 21 février 2020 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite et le radiant du tableau des effectifs de la collectivité à compter du 1er août 2020 ainsi que des décisions par lesquelles le maire a rejeté ses recours gracieux contre ces décisions. Il relève appel du jugement du 7 juin 2022 en tant que le tribunal a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 1er avril 2020 et contre l'arrêté du 31 mars 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision mettant fin aux fonctions de M. B... :

3. Aux termes de l'article 30 de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version applicable au litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions ".

4. La mesure provisoire de suspension ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été convoqué à un entretien avec le maire de la commune de Vittel le 1er avril 2020 auquel ont également assisté le premier adjoint et la directrice générale des services. A l'issue de cet entretien, il a été mis fin aux fonctions de M. B... et cette décision a été confirmée par un courrier du maire de la commune adressé à l'intéressé le 2 avril 2020. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, malgré la publication d'un avis de vacance de poste, que le maire aurait entendu mettre fin de manière définitive aux fonctions de M. B..., ce dernier ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2020. Par ailleurs, alors même que le courrier du 2 avril 2020 ne vise pas l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ni ne mentionne qu'il s'agit d'une mesure de suspension prise à titre conservatoire, la commune de Vittel précise que cette décision doit être regardée comme une décision de suspension et fait valoir qu'elle a maintenu le plein traitement de l'agent durant la période de mise à l'écart d'une part, et que ses manquements justifiaient qu'il soit suspendu à titre conservatoire d'autre part. A cet égard, il ressort du rapport établi par la directrice générale des services le 30 mars 2020 que M. B... a manqué à ses obligations professionnelles s'agissant notamment de la mise en œuvre des règles de publicité et de mise en concurrence des marchés publics, de refus d'obéissance hiérarchiques, de rétention d'information au détriment de la directrice générale des services. Ce rapport mentionne, sans que l'appelant n'apporte aucun élément de contestation, que M. B... a régulièrement manqué de respect à son autorité hiérarchique et a eu une attitude perturbant le bon fonctionnement du service en mettant notamment en cause la directrice générale des services publiquement ou encore en reconnaissant qu'il n'était pas impliqué en raison de sa retraite à venir. De tels griefs, rappelés de manière particulièrement circonstanciée, présentent un caractère de vraisemblance suffisant et sont suffisamment graves pour justifier une suspension de fonctions. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait eu pour intention d'écarter définitivement M. B... du service. En conséquence, dans les circonstances de l'espèce, la décision du 1er avril 2020 doit être regardée comme une décision de suspension à titre conservatoire prise dans l'intérêt du service.

6. Eu égard à ce qui a été constaté précédemment, la décision en litige étant une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constituant pas une mesure disciplinaire, elle ne relève pas des décisions devant être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Pour les mêmes raisons, cette décision n'avait pas à être précédée de la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire. Enfin, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il n'a commis aucune faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. Aux termes de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée. ". De telles dispositions, concernant l'opposabilité d'une décision, n'ont aucune incidence sur sa légalité.

8. Un acte administratif ne peut, sans méconnaitre le principe général de non-rétroactivité des actes administratifs, prendre effet à une date antérieure à celle de sa publication. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le maire a prononcé la suspension de M. B... lui a été notifiée oralement lors de l'entretien du 1er avril 2020 et a pris effet le même jour. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée de rétroactivité.

En ce qui concerne l'arrêté du 31 mars 2020 :

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction ; 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7°Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".

10. Les fonctionnaires n'ont aucun droit acquis au maintien d'une prime de service ou d'intéressement versée en considération de la manière de servir. Ainsi, les décisions refusant ou restreignant cet avantage pécuniaire n'ont pas pour effet de refuser au fonctionnaire un avantage dont l'attribution aurait constitué un droit, et ne sont, par suite, pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. Contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté du 31 mars 2020 n'a pas été pris en application de la décision de mettre fin à ses fonctions mais est fondé sur la circonstance que " la manière de servir de M. B... ne correspond pas à ce que la collectivité est en droit d'attendre d'un responsable des services techniques ". En conséquence, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 1er avril 2020.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 1er avril 2020 et l'arrêté du 31 mars 2020.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vittel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par cette commune au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vittel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Vittel.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 22NC001812 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01812
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : AUDIT-CONSEIL-DEFENSE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-13;22nc01812 ?
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