Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... Lacoffrette a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle le président du conseil départemental des Vosges lui a infligé la sanction de l'abaissement d'échelon.
Par un jugement n° 2001179 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 11 mars 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2022, le conseil départemental des Vosges, représenté par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 mars 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Lacoffrette devant le tribunal administratif de Nancy, à titre principal comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme mal fondée ;
3°) de mettre à la charge de Mme Lacoffrette le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de première instance est irrecevable faute de comporter de véritables conclusions relevant de l'office du juge ;
- les faits sont établis et leur gravité, pour un agent de catégorie A comme Mme Lacoffrette, justifie la sanction d'abaissement d'échelon.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2024, Mme Lacoffrette, représentée par Me Faivre, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du conseil départemental des Vosges le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et demande à la cour, à titre subsidiaire, d'enjoindre au conseil départemental des Vosges de prononcer une sanction du 1er groupe.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barlerin,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gehin, avocat du conseil départemental des Vosges, ainsi que celles de Me Faivre, avocat de Mme Lacoffrette.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Lacoffrette est assistante socio-éducative territoriale depuis le 17 février 1997. Elle a commencé sa carrière dans l'Aveyron puis a été mutée au département des Vosges le 1er juin 2016. Elle a été nommée à compter du 1er avril 2017 en qualité de référente professionnelle des assistants familiaux. Pour les besoins du service, elle est amenée à effectuer régulièrement des déplacements, bénéficiait d'un ordre de mission permanent pour se déplacer dans la région Grand Est ainsi que d'une autorisation délivrée le 26 août 2016 pour l'utilisation de son véhicule personnel dans la limite de 10 000 km par an. Elle avait également, pour les besoins du service, accès à des véhicules de service auxquels sont attachées des cartes de carburant. Un courrier recommandé lui a été adressé le 5 septembre 2019 pour l'informer qu'une procédure disciplinaire allait être engagée à son encontre en raison de l'utilisation de la carte de carburant à des fins personnelles. Le conseil de discipline s'est réuni le 14 février 2020, proposant la sanction de l'abaissement d'échelon. Par un arrêté du 11 mars 2020, le président du conseil départemental des Vosges lui a infligé la sanction de l'abaissement d'échelon qui a pris effet au 1er avril 2020. Le département des Vosges relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 mars 2022 qui a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes de la demande introductive de première instance présentée par Mme Lacoffrette qu'elle contestait la sanction prononcée en son encontre en ce que cette sanction lui paraissait trop élevée par rapport à des faits qu'elle estimait isolés et dont elle contestait la gravité. Le tribunal administratif de Nancy a ainsi pu, comme il lui appartenait de le faire et sans contrevenir aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, regarder les prétentions de Mme Lacoffrette en une demande d'annulation de cette sanction, comme l'a fait, au demeurant, son avocat dans le mémoire présenté au tribunal ultérieurement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont suffisamment établis par les pièces produites au dossier, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si celle retenue par l'autorité compétente est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. En vertu de la charte pour l'utilisation des véhicules de service du département des Vosges, les agents amenés à utiliser ponctuellement un véhicule de service peuvent prendre possession d'un véhicule en " pool " afin d'effectuer leurs missions dont le lieu et la durée doivent avoir été préalablement définis. Dans ce cas, le carburant utilisé est pris en charge par le département et l'approvisionnement du véhicule s'effectue à l'aide d'une carte de carburant propre à chaque véhicule, l'utilisateur devant alors renseigner le carnet de bord du véhicule en mentionnant le kilométrage lors de chaque prise de carburant. Les agents peuvent également utiliser leur véhicule personnel s'ils disposent d'un arrêté de l'autorité territoriale les y autorisant et les frais de déplacement sont, dans ce cas, remboursés suivant le barème d'indemnités kilométriques fixé par la collectivité.
5. Il est constant que Mme Lacoffrette disposait d'un ordre de mission permanent pour se déplacer au sein de la région Grand Est et bénéficiait par ailleurs d'une autorisation donnée par arrêté du 26 août 2016 pour l'utilisation de son véhicule personnel pour les besoins du service dans la limite de 10 000 kilomètres par an.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme Lacoffrette a utilisé la carte de carburant attachée à un véhicule de service pour les besoins de son véhicule personnel à plusieurs reprises entre novembre 2018 et mars 2019. D'autre part, il appert, notamment des relevés d'utilisation de la carte d'essence du véhicule de service utilisé par Mme Lacoffrette, qu'à au moins trois reprises, les 4 décembre 2018, 18 janvier 2019 et 7 février 2019, deux pleins d'essence successifs ont été effectués, au moyen de cette carte, à respectivement 15 mn, 2 heures et 3 heures d'intervalle, à chaque fois en fin de journée, entre 17 heures et 20 heures. Ces constats ne sont pas compatibles avec les allégations de Mme Lacoffrette qui justifie l'utilisation de la carte d'essence du véhicule de service pour son propre compte en avançant, notamment, que les modalités de réservation des véhicules du " pool " étaient incompatibles avec ses obligations de service. Si, pour les besoins de ses missions qui impliquent des déplacements, Mme Lacoffrette utilise régulièrement son véhicule personnel, elle n'établit ni le kilométrage ainsi effectué ni les sommes exposées par elle dont elle soutient ne pas avoir sollicité le remboursement. Elle n'établit pas plus que la quantité de carburant qui a alimenté son véhicule personnel grâce à l'utilisation de la carte d'essence n'excéderait pas celle nécessaire à l'ensemble des déplacements professionnels, dans la limite des 10 000 kilomètres fixée par l'autorisation du 26 août 2016. Les circonstances, à les supposer avérées, que ses horaires de travail ne lui permettaient plus d'accéder aux véhicules de service ni de réaliser la demande de remboursement des frais de déplacement, qu'elle ne pouvait plus non plus en attendre le remboursement en raison de la déstabilisation de sa situation financière et familiale imputable à des horaires et à une quantité de travail inadaptée et non compensée, n'autorisaient pas, en tout état de cause, Mme Lacoffrette à procéder à l'utilisation de la carte de carburant à des fins personnelles. Dès lors, cette soustraction volontaire et répétée a contrevenu à la charte pour l'utilisation des véhicules du département et constitue une faute passible de sanction. Dans ces conditions, en dépit des circonstances que le préjudice avéré se soit limité à la somme de 283,11 euros pour la collectivité et qu'aucun antécédent disciplinaire ne ressorte du dossier de Mme Lacoffrette, le président du conseil départemental des Vosges n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de prononcer la sanction d'abaissement d'échelon, relevant du deuxième groupe de l'échelle des sanctions applicables, qui n'est pas disproportionnée.
7. Il résulte de ce qui précède que le conseil départemental des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 11 mars 2020, le jugement attaqué a estimé que la sanction infligée était entachée d'une erreur d'appréciation.
8. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Lacoffrette contre l'arrêté du 11 mars 2020.
9. Si la requérante soutenait en première instance que la sanction a été déterminée avant même la réunion du conseil de discipline et que la procédure a été initiée dans le but de mettre fin à ses revendications, de la décrédibiliser et de porter atteinte à son déroulement de carrière, elle n'a apporté, ni devant les premiers juges ni en appel, d'éléments probants de nature à établir ses allégations. Son argumentation sur ces points, qui tend à alléguer un détournement de pouvoir, qui n'est pas établi, doit, dès lors, être écartée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil départemental des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 11 mars 2020.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département des Vosges, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à ce titre.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département des Vosges au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001179 du tribunal administratif de Nancy en date du 29 mars 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Lacoffrette devant le tribunal administratif de Nancy et ses conclusions en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du département des Vosges est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département des Vosges et à Mme A... Lacoffrette.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. BarlerinLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne à la préfète des Vosges en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 22NC01363