Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 27 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n° 2301953 du 6 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français.
Par un jugement n° 2301953 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de la demande de Mme E....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC03811 le 27 décembre 2023, Mme E... représentée par Me Grosset demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer jusqu'à la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 décembre 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ; elle est entachée d'erreur de droit ;
- son état de santé justifie qu'un titre de séjour lui soit délivré ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante géorgienne née le 16 septembre 1977, est entrée en France, selon ses déclarations, le 27 décembre 2016 en vue d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rendue le 31 janvier 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 novembre 2020. Par un arrêté du 9 octobre 2020, Mme E... a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 27 juin 2023, Mme E... a été assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un arrêté du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. Mme E... relève appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, ni sur celles tendant au sursis à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, Mme B... C..., cheffe du bureau de l'asile et de l'éloignement, a reçu délégation l'autorisant à signer la décision litigieuse, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D... A..., par un arrêté du 15 juin 2023 du préfet de Meurthe-et-Moselle, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... n'aurait pas été absente ou empêchée. Dans ces conditions, Mme C... était compétente pour signer la décision portant refus de titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... a présenté, en dernier lieu, le 22 juin 2023, une demande de titre de séjour sur le seul fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle a procédé à l'examen de sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour et au titre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. La requérante ne saurait par conséquent utilement soutenir que ses précédentes demandes de titre de séjour en raison de son état de santé ont été classées sans suite en application des articles L. 431-2 et D. 421-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de refus de titre de séjour du 27 juin 2023 serait entachée de vice de procédure en l'absence de saisine préalable du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas sa dernière demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme E... n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de Meurthe-et-Moselle en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme E... se prévaut de la durée de son séjour en France de son intégration par des missions en tant que bénévole, de la scolarisation de sa fille mineure et d'une promesse d'embauche et fait valoir qu'elle est atteinte du VIH. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle ne dispose d'aucune autre attache familiale en France que sa fille majeure, qui est en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
10. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 431-5, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
11. Ni les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de Mme E..., ni son état de santé, même s'il nécessite une prise en charge médicale, ne constituent des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si l'intéressée justifie avoir travaillé à temps partiel, du 30 novembre au 16 décembre 2022, cette seule circonstance ne saurait être regardée comme un motif exceptionnel ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", alors au demeurant que Mme E... ne conteste pas les motifs qui lui ont été opposés par le préfet tenant notamment à l'inadéquation du poste de travail d'aide à la personne à son profil pour lequel elle dispose d'une promesse d'embauche, au demeurant ni datée, ni signée. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En sixième lieu Mme E... ne peut utilement soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ces dispositions étant seulement susceptibles de faire obstacle à une mesure d'éloignement lorsque l'état de santé d'un ressortissant étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité en l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et ses conclusions relatives aux frais de l'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme E....
Article 2 : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
N° 23NC0381102