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07/05/2025 | FRANCE | N°23NC03420

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 07 mai 2025, 23NC03420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... E..., Mme D... E... et leur fille mineure C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions des 14 juin et 21 juillet 2022 par lesquelles le directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin et la commission de l'académie de Strasbourg, respectivement, ont rejeté leur demande d'autorisation de plein droit d'instruction en famille de leur fille C... au titre de l'année scolaire 2022-2023.



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n jugement n° 2207259 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... E..., Mme D... E... et leur fille mineure C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions des 14 juin et 21 juillet 2022 par lesquelles le directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin et la commission de l'académie de Strasbourg, respectivement, ont rejeté leur demande d'autorisation de plein droit d'instruction en famille de leur fille C... au titre de l'année scolaire 2022-2023.

Par un jugement n° 2207259 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC03420 le 21 novembre 2023, M. B... A... E..., Mme D... E... et leur fille mineure C..., représentés par Me Patout, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 septembre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions des 14 juin et 21 juillet 2022 par lesquelles le directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin et la commission de l'académie de Strasbourg, respectivement, ont rejeté leur demande d'autorisation de plein droit d'instruction en famille de C... au titre de l'année scolaire 2022-2023 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg d'autoriser rétroactivement l'instruction en famille de C... au titre de l'année scolaire 2022/2023 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 8 000 euros à chacun des requérants au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier faute d'indiquer qui a présidé la formation de jugement ; il est insuffisamment motivé ;

- le bilan du contrôle effectué par l'inspecteur de l'éducation nationale chargé d'effectuer le contrôle pédagogique de l'instruction en famille le 1er mars 2022 a été transmis plus de trois mois après le contrôle ce qui ne leur a pas laissé suffisamment de temps pour préparer le second contrôle ; le rapport de du second contrôle leur a été adressé avant le rapport de contrôle du premier contrôle ;

- l'instruction en famille est effectuée auprès d'un établissement scolaire privé à distance dont les enseignements sont conformes aux dispositions du code de l'éducation ;

- le contrôle a été effectué de façon irrégulière et partiale dans des conditions portant atteinte à la liberté pédagogique des parents ;

- le second contrôle était illégal et le refus de s'y soumettre était justifié ; le rapport de contrôle de 2022 ne fait pas état de la progression de leur fille ; la référence au socle commun ne peut être le seul critère d'évaluation de la progression d'un enfant instruit en famille ;

- la décision de rejet du recours administratif préalable obligatoire n'est pas motivée et lui a été notifiée de manière incomplète ;

- le silence gardé par le recteur sur sa demande de renvoi de cette décision est illégal ;

- les décisions sont contraires à l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 13 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 et de l'article 10 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 29 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant; elles ne respectent pas le droit des parents d'assurer l'éducation de leurs enfants selon leurs convictions ;

- les décisions sont contraires à l'article 9 du code civil et au droit au respect de la vie privée et familiale ;

- les décisions du recteur sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande, le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été transmise au recteur de l'académie de Strasbourg qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la déclaration universelle des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies ;

- le code civil ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 mai 2022, M. et Mme A... E... ont sollicité la délivrance d'une autorisation de plein droit d'instruction en famille pour leur fille C... au titre des années scolaires 2022-2023 et 2023-2024. Le directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin a rejeté leur demande par une décision du 14 juin 2022 et la commission de l'académie de Strasbourg a rejeté leur recours contre cette décision le 21 juillet 2022. M. et Mme A... E... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant leur recours en annulation.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si les requérants soutiennent que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est irrégulier au motif " qu'on ne sait à la lecture du jugement qui est le président " et qui est le rapporteur, il ressort des termes du jugement que l'affaire a été rapportée par le président de la formation de jugement lui-même et que la rapporteure publique a donné lecture de ses conclusions sur l'affaire lors de l'audience du 7 septembre 2023. Par suite, le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par M. et Mme A... E.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a omis de répondre à aucun moyen. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République susvisée : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. (...) ". Aux termes du IV de l'article 49 de la loi du 24 août 2021 : " Par dérogation, l'autorisation prévue à l'article L. 131-5 du code de l'éducation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l'année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l'article L. 131-10 du même code ont été jugés suffisants ".

En ce qui concerne la régularité des contrôles organisés en application de l'article L. 131-10 du code de l'éducation :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation : " La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d'études, la construction d'un avenir personnel et professionnel et préparer à l'exercice de la citoyenneté ". Aux termes de l'article L. 131-10 du même code : " (...) L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation doit au moins une fois par an, (...) faire vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et, d'autre part, que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article L. 131-1-1. A cet effet, ce contrôle permet de s'assurer de l'acquisition progressive par l'enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. Il est adapté à l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers. (...) / Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l'enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l'enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l'enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l'objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal. / Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation met en demeure les personnes responsables de l'enfant de l'inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, l'école ou l'établissement qu'elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. / Lorsque les personnes responsables de l'enfant ont refusé, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa du présent article, elles sont informées qu'en cas de second refus, sans motif légitime, l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation est en droit de les mettre en demeure d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé dans les conditions et selon les modalités prévues au sixième alinéa. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l'objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal ".

7. Selon l'article R. 131-12 du même code : " Pour les enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille ou dans les établissements d'enseignement privés hors contrat, l'acquisition des connaissances et des compétences est progressive et continue dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et doit avoir pour objet d'amener l'enfant, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire, à la maîtrise de l'ensemble des exigences du socle commun. La progression retenue doit être compatible avec l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap tel que défini à l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles, avec ses besoins particuliers, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués par les personnes responsables de l'enfant et de l'organisation pédagogique propre à chaque établissement ". Selon l'article R. 131-13 de ce code : " Le contrôle de la maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun est fait au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire, en tenant compte des méthodes pédagogiques retenues par l'établissement ou par les personnes responsables des enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille ". Enfin, aux termes de l'article R. 131-14 du même code : " Lorsque l'enfant reçoit l'instruction dans la famille, le contrôle de l'acquisition des connaissances et compétences prescrit par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation se déroule sous la forme d'un entretien avec au moins l'une des personnes responsables de l'enfant soumis à l'obligation scolaire, le cas échéant en présence de ce dernier. Les personnes responsables de l'enfant précisent notamment à cette occasion la démarche et les méthodes pédagogiques qu'elles mettent en œuvre. Afin d'apprécier l'acquisition par l'enfant des connaissances et des compétences mentionnées aux articles R. 131-12 et R. 131-13, l'une au moins des personnes responsables de l'enfant présentent à la personne chargée du contrôle des travaux réalisés par l'enfant au cours de son instruction et l'enfant effectue des exercices écrits ou oraux, adaptés à son âge et à son état de santé ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été informé, par l'inspecteur de l'éducation nationale chargé d'effectuer le contrôle pédagogique de l'instruction en famille de C... le 1er mars 2022, du refus de ses parents de la soumettre à la totalité des exercices ou questions de la part de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé d'effectuer le contrôle pédagogique de l'instruction en famille afin de vérifier sa maîtrise des compétences du socle commun, le directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin, par un courrier du 10 mars 2022, a demandé à M. et Mme A... E... de se présenter avec l'enfant à un second contrôle le 24 mai 2022. La décision contestée a été prise au motif qu'ils ne se sont pas présentés à ce second contrôle sans motif légitime.

9. Les pièces du dossier permettent de vérifier que, lors du premier contrôle organisé le 1er mars 2022, les requérants ont effectivement refusé que C... soit soumise aux exercices et questions prévus par l'inspecteur de l'éducation nationale afin de vérifier sa maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun. Si les requérants soutiennent que ces exercices n'étaient pas obligatoires et présentaient un caractère standardisé ne répondant pas à leur méthodologie et à leur programme, il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que le contrôle prévu par l'article L. 131-10 doit porter sur l'acquisition progressive par l'enfant instruit dans la famille de chacun des domaines du socle commun au regard des objectifs attendus à la fin du cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire et que, même s'il doit tenir compte, notamment, des choix éducatifs effectués par les personnes responsables de l'enfant et des méthodes pédagogiques qu'ils ont retenues, ce contrôle doit nécessairement, ainsi que le prévoit expressément l'article R. 131-14 précité, comporter des exercices permettant de vérifier cette acquisition progressive. Les allégations des requérants quant à l'inadéquation des exercices prévus par l'inspecteur par rapport à leur méthodologie et leur programme ne sont étayés que par des considérations générales sur l'absence d'obligation de résultat et de suivi strict du socle commun année par année, sur leur liberté pédagogique et sur l'inscription de leur enfant dans un établissement d'enseignement à distance. S'ils font valoir que l'inspecteur de l'éducation nationale a eu un comportement inapproprié et a fait preuve d'impartialité et aurait manqué à son devoir de réserve en leur témoignant de l'animosité lors du contrôle du 1er mars 2022 ces affirmations ne sont étayées par aucun élément concret et sont, en outre, fermement contestées par le recteur. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles a eu lieu le contrôle du 1er mars 2022 n'auraient pas permis d'évaluer l'acquisition par C... des connaissances et compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire, dans chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1, ni qu'elles n'auraient pas tenu compte des choix éducatifs et des méthodes pédagogiques retenues par ses parents. M. et Mme A... E... ne sont par conséquent pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen selon lequel les modalités du contrôle du 1er mars 2022 rendaient le second contrôle illégal.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 131-16-1 du code d l'éducation : " Le bilan du contrôle est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception aux personnes responsables de l'enfant dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois. Lorsque les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, ce bilan :1° Précise aux personnes responsables de l'enfant les raisons pour lesquelles l'enseignement dispensé ne permet pas l'acquisition progressive par l'enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; 2° Rappelle aux personnes responsables de l'enfant qu'elles feront l'objet d'un second contrôle dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois et précise les modalités de ce contrôle, qui ne peut être inopiné ;3° Informe les personnes responsables de l'enfant de la mise en demeure et des sanctions pénales dont elles peuvent faire l'objet, au terme de la procédure, en application de l'article L. 131-10 du code de l'éducation et du premier alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le 10 mars 2022, le directeur académique des services de l'éducation nationale a adressé à M. et Mme A... E... un courrier aux termes duquel " lors du contrôle pédagogique de l'instruction en famille réalisé le 1er mars 2022 (...) vous aviez refusé que C... et C... soient soumis à des exercices ou questions permettant de vérifier leur maitrise des compétences du socle commun. Or afin d'apprécier l'acquisition par l'enfant des compétences mentionnées aux articles R. 131-12 et R. 131-13 l'enfant effectue des exercices écrits ou oraux adaptés à son âge et à son état de santé ". Si les requérants soutiennent que le rapport relatif au contrôle effectué le 1er mars 2022 ne leur a pas été envoyé dans le délai de trois mois prévu par l'article du code de l'éducation, eu égard au contenu du courrier du 10 mars 2022, auquel ils sont répondu le 12 mars 2022, leur indiquant le motif d'un second contrôle prévu dans des termes identiques à ceux du rapport du contrôle du 1er mars 2022, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de ce premier contrôle. Au demeurant, et en dépit de la convocation qui leur a été adressée par ce courrier du 10 mars 2022, M. et Mme A... E... ne se sont pas présentés au second contrôle du 24 mai 2022. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification du rapport du contrôle du 1er mars 2022 ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... E... ne sont pas fondés à soutenir que le second contrôle prévu le 24 mai 2022, était illégal et qu'ils pouvaient, pour ce motif, légitimement s'y soustraire. Par suite, les intéressés ne peuvent utilement faire valoir que les résultats de leur fille n'étaient pas insuffisants, dès lors que sa progression n'a pas pu être vérifiée dans le cadre du contrôle prévu par l'article L. 131-10. Ils ne peuvent davantage soutenir qu'une scolarisation de leur fille dans un établissement de l'éducation nationale bouleverserait son équilibre. M. et Mme A... E... ne sont par conséquent pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que la commission de l'académie de Strasbourg n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation en refusant la délivrance de l'autorisation d'instruction en famille pour leur fille C... à la rentrée scolaire 2022.

En ce qui concerne la décision refusant l'autorisation d'instruction enfamille :

13. En premier lieu, la décision contestée a pour seul objet et pour seul effet de refuser aux requérants l'autorisation d'instruire leur fille en famille, sans la priver de la possibilité de bénéficier d'une instruction au sein d'un établissement scolaire privé ou public. Ainsi, par elle-même, cette décision ne méconnaît ni le droit à l'instruction de leur enfant, ni le droit de ses parents à l'instruire conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, tels que ces droits sont garantis par les stipulations de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni leur liberté de manifester leur religion ou leur conviction, reconnue par l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Pour la même raison, la décision contestée ne constitue pas davantage une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée et familiale de l'enfant au sens de l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant, ou une atteinte à son droit au respect de sa vie privée au sens de l'article 9 du code civil et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. et Mme A... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté ces moyens.

14. En deuxième lieu, ne peuvent qu'être écartés le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 7, 10 et 14.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que la décision contestée ne met pas en œuvre le droit de l'Union et n'entre ainsi pas dans le champ d'application de ladite Charte tel que défini par son article 51, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 3 de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui fixent des obligations à la charge des seuls Etats et sont dépourvues d'effet direct, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies, laquelle ne figure pas au nombre des traités et accords qui ont été régulièrement ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 2 de l'article 29 de la convention internationale des droits de l'enfant, relatives à la liberté de créer et de diriger des établissements d'enseignement, et dont il ne saurait être tiré un droit à une éducation hors des règles fixées par le code de l'éducation. Par suite, M. et Mme A... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté ces moyens.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... E... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 septembre 2023 ni celle des décisions attaquées. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... E..., Mme D... A... E... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera transmise, pour information, au recteur de l'académie de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N°23NC03420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03420
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : PATOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;23nc03420 ?
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