Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 13 novembre 2023 par lesquels le préfet du Doubs, d'une part, a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter, sans délai, le territoire français, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Doubs pendant une durée de six mois.
Par un jugement n° 2302140 du 17 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302140 du 17 novembre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour et assignation à résidence notifiés par le préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, avec autorisation de travail, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'illégalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français est illégal car il n'est pas suffisamment motivé faute de fixer un pays de destination identifié ;
- il est également entaché d'erreur de droit car il ne répond pas aux exigences de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'établissement de risques encourus dans le pays d'origine, qui est démontré par l'exclusion de l'Afghanistan comme pays de destination, justifie l'annulation de la mesure d'éloignement ;
Sur l'illégalité des décisions refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français :
- l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraine par voie de conséquence celle des décisions refusant un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation puisque le retour dans son pays d'origine est impossible en raison des risques encourus et son admission dans un autre pays est également inexistante ;
- les éléments de force majeure liés à la situation géopolitique de l'Afghanistan, sont établis et sont invocables à l'encontre des décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ;
- ces décisions sont entachées d'erreur d'appréciation ;
Sur l'illégalité de la décision portant assignation à résidence :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fixe un délai de 6 mois alors que le préfet n'a pas accordé de délai de départ volontaire, ce qui démontre les difficultés pour son éloignement ;
- la motivation est erronée en fait car il n'existe aucune perspective raisonnable d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2025, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 26 mars 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tenant à l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il se rattache à une cause juridique distincte en appel de celle sur laquelle reposaient les moyens soulevés devant le tribunal.
Par une dernière ordonnance du 5 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2025 à midi.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... ressortissant afghan, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 28 août 2021. Il a déposé le 8 septembre 2021 une demande de reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 mars 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui a été confirmée par une décision du 16 mars 2023 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a sollicité une première demande de réexamen le 24 mars 2023 que l'OFPRA a déclaré irrecevable par une décision du 24 mai 2023, confirmée par une décision de la CNDA du 28 août 2023. Le préfet du Doubs a pris à son encontre le 6 juin 2023 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Il a déposé une seconde demande de réexamen le 3 octobre 2023. Par des arrêtés du 13 novembre 2023, le préfet du Doubs, d'une part, a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter, sans délai, le territoire français à destination de tout pays, à l'exception de l'Afghanistan, où, avec son accord, il est légalement admissible et a assorti cette décision d'une interdiction de retour pendant une durée de deux ans et, d'autre part, a assigné l'intéressé à résidence dans le département du Doubs pour une durée de six mois. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, si le requérant soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, ce moyen se rattache à une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les moyens soulevés devant le tribunal à l'encontre de cette décision et est, par suite, irrecevable.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ".
4. Le requérant soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, faute de mentionner le pays de destination et qu'en outre le pays n'est pas identifiable. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que le pays de renvoi est déterminé par une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français et qui fait, d'ailleurs, l'objet d'une motivation qui ne se confond pas avec cette dernière. La circonstance que le préfet n'ait pas précisément déterminé le pays de destination dans l'arrêté est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, la fixation du pays de destination ayant seulement pour effet de conditionner son exécution d'office. Il s'ensuit que le moyen, tel qu'il est articulé par le requérant, ne peut qu'être écarté dans l'ensemble de ses branches.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est également inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, décision qui est, ainsi qu'il vient d'être exposé précédemment, une décision distincte de celle fixant le pays de destination.
6. En dernier lieu, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de droit au motif qu'elle méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles s'appliquent à la décision fixant le pays de destination. En admettant même que M. A... soit regardé comme ayant entendu invoquer l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, il ressort des termes de l'arrêté en litige que l'intéressé pourra être reconduit à la frontière à destination de tout pays dans lequel il est, avec son accord, légalement admissible à l'exclusion du pays dont il a la nationalité en raison des risques qu'il y encourrait. Contrairement à ce que fait valoir l'intéressé, et dès lors qu'il n'est aucunement établi qu'il n'est admissible dans aucun autre pays que celui dont il a la nationalité, en mentionnant qu'il sera renvoyé vers tout pays où, avec son accord, il est légalement admissible, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit. L'intéressé ne peut pas utilement soutenir qu'il encourrait un risque de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vers son pays de nationalité, l'Afghanistan, que le préfet a exclu.
En ce qui concerne les décisions refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. En premier lieu, au regard de ce qui a été dit aux points précédents, le requérant n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. Le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays d'origine et de la situation politique en Afghanistan pour contester la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dès lors que son éloignement vers ce pays a été expressément exclu, ne fait valoir aucune circonstance de nature à démontrer qu'en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour, le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées.
10. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer même établie, que le requérant ne pourrait être éloigné vers aucun pays n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, laquelle prend effet d'ailleurs à compter du départ de l'intéressé du territoire français.
11. En dernier lieu, si le requérant fait valoir qu'il ne peut retourner dans son pays d'origine en raison des risques qu'il y encourt, situation dont a tenu compte l'arrêté en litige, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
12. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants :1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut prononcer une assignation à résidence jusqu'à ce qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement. En se bornant à soutenir que le prononcé d'une assignation à résidence d'une durée de six mois confirme l'existence de difficulté d'éloignement, le requérant, qui ne conteste pas ne pas être en mesure de quitter le territoire français, n'établit pas qu'il n'existerait pas une perspective raisonnable d'éloignement dans le délai de six mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Bertin.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC00114