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06/05/2025 | FRANCE | N°22NC02406

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 06 mai 2025, 22NC02406


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Genesius Construction et Rénovation a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le titre de recettes n° 80011-2021-59-234 émis le 29 avril 2021 par la communauté d'agglomération d'Epinal pour le paiement de la somme de 1 486,80 euros.



Par une ordonnance n° 2200511 du 21 juillet 2022, la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 septembre 2022, la SAS Genesius Construction et Rénovation, représentée par Me Gehin de la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Genesius Construction et Rénovation a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le titre de recettes n° 80011-2021-59-234 émis le 29 avril 2021 par la communauté d'agglomération d'Epinal pour le paiement de la somme de 1 486,80 euros.

Par une ordonnance n° 2200511 du 21 juillet 2022, la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2022, la SAS Genesius Construction et Rénovation, représentée par Me Gehin de la société AARPI G2A Avocats Géhin - Gerardin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2200511 du 21 juillet 2022 ;

2°) d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 29 avril 2021 par la communauté d'agglomération d'Epinal ;

3°) à titre subsidiaire, de la décharger de tout ou partie de l'obligation de payer cette créance ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Epinal la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière dès lors que c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Nancy a jugé que sa requête était irrecevable ;

- le titre exécutoire est irrégulier faute pour la collectivité de produire le bordereau de titre de recettes comportant la signature de son auteur ;

- il est entaché d'un défaut de motivation faute d'indiquer les bases de liquidation de sa dette ;

- la communauté d'agglomération d'Epinal ne pouvait émettre un titre exécutoire mais se devait de saisir le juge pour obtenir une indemnité ;

- la créance n'est pas fondée dès lors que les informations transmises par la communauté d'agglomération d'Epinal concernant la canalisation qui a été endommagée étaient très lacunaires.

La requête a été communiquée à la communauté d'agglomération d'Epinal, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 3 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fins de décharge présentées par la société Genesius dès lors qu'elles sont nouvelles en appel et, d'autre part, de l'irrecevabilité des moyens contestant la régularité du titre exécutoire litigieux dès lors que ces moyens ont été soulevés pour la première fois devant la cour après l'expiration du délai d'appel et qu'aucun moyen se rattachant à une telle cause juridique n'avait été soulevé devant la cour avant l'expiration de ce délai.

Des observations en réponse au courrier du 3 mars 2025, présentées pour la société Genesius, ont été reçues le 6 mars 2025 et communiquées le même jour.

Par un courrier du 7 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des moyens contestant la régularité du titre exécutoire litigieux dès lors qu'aucun moyen se rattachant à une telle cause juridique n'avait été soulevé devant le tribunal administratif de Nancy.

Des observations en réponse au courrier du 7 mars 2025, présentées pour la société Genesius, ont été reçues le 18 mars 2025 et communiquées le lendemain.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lusset, rapporteur,

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Genesius construction et rénovation, intervenant en qualité de sous-traitant de la société SOGETREL pour des travaux d'implantation de poteaux pour la pose de la fibre optique, a adressé le 1er mars 2021 une déclaration d'intention de commencement de travaux (DICT) au service des eaux de la communauté d'agglomération d'Epinal, telle que prévue par le code de l'environnement. Le 4 mars 2021, par mail, le service des eaux de la communauté d'agglomération d'Epinal a fait parvenir à l'entreprise Genesius construction et rénovation un récépissé en deux parties concernant la DICT précitée. Le 10 mars 2021, une équipe de la société Genesius construction et rénovation a endommagé une conduite d'eau potable à l'angle de la rue de Darney et de la rue d'Adoncourt dans la commune de Chaumousey. Le service des eaux de la communauté d'agglomération d'Epinal a adressé le 29 avril suivant un titre de recettes relatif aux frais de réparation de la canalisation endommagée, d'un montant de 1 486,80 euros. Le 2 août 2021, la société a été destinataire d'une lettre de relance de la direction générale des finances publiques concernant le titre de recettes émis le 29 avril 2021. Puis, par un courrier du 6 septembre suivant, elle a formé un recours gracieux à l'encontre du titre de recettes, lequel a été rejeté par le vice-président de la communauté d'agglomération d'Epinal le 29 septembre 2021. La société Genesius construction et rénovation fait appel de l'ordonnance du 21 juillet 2022 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce titre de recettes.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. La société Genesius construction et rénovation a demandé au tribunal administratif d'annuler le titre de recettes. En appel, elle demande à titre principal l'annulation du titre de recettes et, à titre subsidiaire, la décharge de la somme mise à sa charge. Ces conclusions subsidiaires à fin de décharge sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il résulte de ces dernières dispositions, d'une part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle et, d'autre part, qu'une mention portée sur un titre exécutoire indiquant au débiteur d'une créance qu'il peut la contester devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de cette créance, suivie d'une liste d'exemples ne comportant pas celui de la créance en litige, ne peut faire courir les délais de recours.

4. Il ressort des pièces du dossier que le titre exécutoire émis le 29 avril 2021 mentionne les délais de recours contentieux, puis indique seulement " vous pouvez contester la somme mentionnée en saisissant directement le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire compétent selon la nature de la créance ", sans préciser quelle est la juridiction compétente. Si sont ensuite cités deux exemples de créances et, pour chacune d'entre elles, la juridiction compétente, les demandes de remboursement de frais de réparation d'urgence, en cause dans le présent litige, ne figurent toutefois pas dans cette liste d'exemples. Le titre exécutoire contesté ne comporte ainsi pas une mention des voies et délais de recours répondant aux exigences de l'article R. 421-5 du code de justice administrative et n'a pas pu faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de la créance litigieuse. Dès lors, la demande de la société Genesius construction et rénovation, qui a été introduite dans un délai raisonnable, n'était pas tardive. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête comme irrecevable en raison de sa tardiveté, et à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Genesius construction et rénovation devant le tribunal administratif de Nancy.

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire :

6. En premier lieu, la société Genesius construction et rénovation n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois en appel, les moyens tirés du défaut de signature du titre exécutoire en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et du défaut de motivation de ce titre, qui sont fondés sur une cause juridique nouvelle en appel dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu, aucun moyen de régularité du titre de recettes n'a été invoqué en première instance.

7. En deuxième lieu, une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre. En particulier, les collectivités territoriales, qui peuvent émettre des titres exécutoires à l'encontre de leurs débiteurs, ne peuvent pas, en principe, saisir directement le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de leur créance. Par suite, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, la communauté d'agglomération d'Epinal, tiers par rapport aux travaux réalisés, pouvait légalement émettre un titre exécutoire à son encontre. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, même en l'absence de faute, la collectivité maîtresse de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

9. Par ailleurs, il résulte des articles R. 554-20 et R. 554-21 du code de l'environnement que le responsable de projet qui envisage la réalisation de travaux doit vérifier au préalable s'il existe dans ou à proximité de l'emprise des travaux un ou plusieurs ouvrages souterrains en service, en consultant le guichet unique prévu par les articles R. 554-1 à R. 554-9, et adresser une déclaration de projet de travaux à chacun des exploitants des ouvrages de cette nature dont la zone d'implantation est touchée par l'emprise des travaux. Aux termes de l'article R. 554-22 du même code : " I. - Les exploitants sont tenus de répondre, sous leur responsabilité, dans le délai de neuf jours, jours fériés non compris, après la date de réception de la déclaration de projet de travaux dûment remplie. (...) La réponse, sous forme d'un récépissé, est adressée au déclarant. Elle lui apporte toutes informations utiles pour que les travaux soient exécutés dans les meilleures conditions de sécurité, notamment celles relatives à la localisation des ouvrages existants considérés et celles relatives aux précautions spécifiques à prendre selon la nature des opérations prévues et selon la nature, les caractéristiques et la configuration de ces ouvrages (...). / VI. - Un arrêté du ministre chargé de la sécurité des réseaux de transport et de distribution fixe le modèle du formulaire du récépissé de la déclaration de projet de travaux ainsi que sa notice d'emploi, les règles relatives, le cas échéant, à la dématérialisation de l'envoi du récépissé, les règles relatives à la précision minimale des informations accompagnant le récépissé et les cas où un rendez-vous sur site à la demande de l'exploitant pour préciser la localisation de son ouvrage est obligatoire (...) ". Aux termes de l'article R. 554-29 de ce code : " Les méthodes et modalités relatives à la conception des projets et à leur réalisation que le responsable de projet prévoit, d'une part, et les techniques que l'exécutant des travaux prévoit d'appliquer, d'autre part, à proximité des ouvrages en service, pour tous travaux ou investigations entrant dans le champ du présent chapitre, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre, assurent, dans l'immédiat et à terme, la conservation et la continuité de service des ouvrages, ainsi que la sauvegarde, compte tenu des dangers éventuels présentés par un endommagement des ouvrages, de la sécurité des personnes et des biens et la protection de l'environnement. / Les prescriptions techniques visant cet objectif sont fixées par un guide technique élaboré par les professions concernées et approuvé par un arrêté des ministres chargés de la sécurité des réseaux de transport et de distribution et du travail (...) ".

10. Ces dispositions font peser sur l'exploitant du réseau souterrain une obligation d'information précise sur ses réseaux à destination des entrepreneurs qui l'ont informé de leur intention de commencer des travaux publics. Il appartient toutefois aux entrepreneurs de solliciter avant de commencer leurs travaux, s'ils estiment la réponse à leur déclaration insuffisamment précise, des informations complémentaires pour identifier le réseau.

11. Il résulte de l'instruction que la société Genesius construction et rénovation, intervenant en qualité de sous-traitante de la société SOGETREL pour des travaux d'implantation de poteaux pour la pose de la fibre optique, a adressé le 1er mars 2021 une déclaration d'intention de commencement de travaux au service des eaux de la communauté d'agglomération d'Epinal en précisant, dans un plan joint à la déclaration, l'emplacement exact des travaux. A la suite de cette déclaration, le service des eaux de la communauté d'agglomération d'Epinal a retourné le 4 mars 2021 un récépissé de déclaration d'intention de commencement de travaux, précisant qu'elle avait au moins un ouvrage concerné, et a joint un plan à cet effet. Toutefois, ce plan ne permet pas d'apprécier la localisation exacte de l'ouvrage souterrain et notamment de déterminer s'il se situe sous la voie proprement dite ou ses accotements, et n'était en outre accompagné d'aucune recommandation technique. La collectivité n'a également pas préconisé un repérage préalable en commun dans sa réponse à la déclaration d'intention de commencement des travaux. Ces circonstances, qui ne présentent pas le caractère d'un évènement de force majeure, sont constitutives d'une faute de la victime. Cependant, compte tenu des imprécisions affectant le récépissé du 4 mars 2021 et du plan qui lui était annexé, la société Genesius construction et rénovation, en sa qualité de professionnelle, n'allègue ni ne justifie avoir effectué une quelconque démarche auprès de la communauté d'agglomération d'Epinal afin d'obtenir un complément d'information avant de débuter ses travaux. Dans ces conditions, la faute commise par la collectivité exploitante du réseau souterrain ne peut qu'exonérer partiellement la société requérante de sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge de la communauté d'agglomération d'Epinal 50 % des conséquences dommageables de l'accident.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Genesius construction et rénovation est uniquement fondée à demander l'annulation du titre de recettes du 29 avril 2021 émis par la communauté d'agglomération d'Epinal en tant qu'il excède la somme de 743,40 euros.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Epinal la somme que demande la société Genesius construction et rénovation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 21 juillet 2022 de la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulée.

Article 2 : Le titre de recettes du 29 avril 2021 émis par la communauté d'agglomération d'Epinal est annulé en tant qu'il excède la somme de 743,40 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Genesius construction et rénovation et à la communauté d'agglomération d'Epinal.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. Lusset

Le président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet des Vosges, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 22NC02406 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02406
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;22nc02406 ?
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