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06/05/2025 | FRANCE | N°22NC00183

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 06 mai 2025, 22NC00183


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'établissement public Voies navigables de France (VNF) a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une demande enregistrée sous le numéro 2002713, de condamner M. B... C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de mille euros au titre de la contravention constatée le 8 octobre 2020. Par une seconde demande enregistrée sous le numéro 2002721, VNF a demandé au tribunal administratif de condamner M. C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une a

mende de deux mille euros et de l'autoriser à procéder d'office, aux frais de M. C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France (VNF) a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une demande enregistrée sous le numéro 2002713, de condamner M. B... C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de mille euros au titre de la contravention constatée le 8 octobre 2020. Par une seconde demande enregistrée sous le numéro 2002721, VNF a demandé au tribunal administratif de condamner M. C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de deux mille euros et de l'autoriser à procéder d'office, aux frais de M. C..., au déchirage du bateau " Solvay 79 " et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial.

Par un jugement nos 2002713 et 2002721 du 25 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, après avoir joint les deux requêtes, a condamné M. C... à payer à VNF une amende de mille euros au titre de la contravention constatée le 8 octobre 2020 et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2022 et 14 octobre 2024 l'établissement public VNF, représenté par Me Salles de la SELARL Axone Droit Public, demande à la cour :

1°) de reformer l'article 2 du jugement du 25 novembre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy en ce qu'il ne prononce pas l'exécution du jugement du 30 décembre 2019 et la confiscation du bateau " Solvay 79 " ;

2°) de l'autoriser, au titre des articles L. 911-4 du code de justice administrative et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, à procéder d'office, aux frais de M. C..., au déchirage du bateau " Solvay 79 " et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a procédé à la jonction des deux requêtes ;

. la requête n° 2002721 avait pour objet d'obtenir l'exécution du jugement du 30 décembre 2019 du tribunal administratif de Nancy en ce qu'il enjoignait à M. C... de procéder à l'enlèvement de son bateau du domaine public fluvial ;

. la requête n° 2002713, si elle portait sur le même bateau, avait pour objet une procédure de contravention de grande voirie en raison de faits de pollution ;

. la circonstance que sa demande n° 2002721 devant le tribunal administratif ne mentionnait pas l'article L. 911-4 du code de justice administrative est sans incidence dès lors que sa volonté de voir exécuter le jugement du 30 décembre 2019 ressort de sa requête introductive d'instance et de son courrier adressé au tribunal administratif ;

. la jonction des deux requêtes par le tribunal administratif aboutit à une assimilation des procédures entre les deux demandes et caractérise une erreur de droit ;

. en déboutant VNF de sa demande d'exécution par le jugement litigieux du 25 novembre 2021, le tribunal administratif a vidé le jugement du 30 décembre 2019 de son caractère exécutoire ; l'article 2 du jugement attaqué méconnait donc l'article L. 911-4 du code de justice administrative ;

- compte tenu du fait qu'il sollicitait dans sa demande n° 2002721 l'exécution du jugement du 30 décembre 2019, il n'y avait aucune obligation de dresser un nouveau procès-verbal de contravention de grande voirie afin d'obtenir l'enlèvement du bateau " Solvay 79 " et la liquidation de l'astreinte ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande en l'absence d'un nouveau procès-verbal de contravention de grande voirie, lequel n'était pas nécessaire ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que VNF ne rapportait pas la preuve du caractère continu de la contravention de grande voirie :

. ses deux demandes devant le tribunal administratif démontraient bien que le bateau " Solvay 79 " continuait à occuper illégalement le domaine public fluvial ;

. un nouveau constat d'occupation du domaine public fluvial a été dressé le 16 décembre 2021 ;

- la présence de ce bateau cause un danger pour la sécurité des autres usagers du canal de la Marne au Rhin Est ; il existe donc une nécessité impérieuse de confisquer ce bateau ;

- aucune disposition, y compris celles de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ne limite les mesures d'exécution qui lui semble le plus approprié à la situation ; M. C... ne peut se prévaloir d'une perte de profits tirée de la vente de métaux de son bateau pour contester le déchirage de celui-ci.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Labrusse, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de l'établissement public VNF ;

2°) à la condamnation de l'établissement public VNF à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête n° 2002721 enregistrée devant le tribunal administratif de Nancy ne visait pas l'article L. 911-4 du code de justice administrative, se référant uniquement aux dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques et sollicitant sa condamnation au titre de l'action publique au paiement d'une amende de 2 000 euros et au titre de l'action domaniale à l'autorisation de procéder d'office au déchirage du bateau et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial ;

- VNF a déjà sollicité l'exécution du jugement du 30 décembre 2019 par une requête distincte du 10 mars 2022 ayant abouti à un jugement qui fait lui-même l'objet d'un appel enregistré devant la présente cour sous le n° 24NC00423 ;

- la demande de VNF devant le tribunal administratif sollicitant sans équivoque sa condamnation au titre de l'action publique et de l'action domaniale, un nouveau procès-verbal de contravention de grande voirie devait nécessairement être établi ;

- il ne peut pas être condamné de nouveau au titre de cette même contravention en vertu de la règle non bis in idem ;

- au surplus, l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques n'autorise nullement le déchirage du bateau mais seulement son enlèvement d'office aux frais du contrevenant.

Les parties ont été informées le 26 mars 2025, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel de VNF présentées sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, dès lors qu'elles soulèvent un litige relevant de la procédure d'exécution.

Des observations à ce moyen d'ordre public ont été produites par VNF le 28 mars 2025 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- les observations de Me Coissard, substituant Me Salles, représentant l'établissement public VNF et, à titre exceptionnel, M. A... C..., disposant d'un pouvoir pour représenter son fils M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., en sa qualité de propriétaire du bateau " Solvay 79 ", a fait l'objet, le 15 novembre 2017, d'un procès-verbal de grande voirie pour occupation, sans droit ni titre, du domaine public fluvial, en rive gauche du bief 23 du canal de la Marne au Rhin, au sein de la commune de Varangéville. Le 8 octobre 2020, il a fait l'objet d'un second procès-verbal pour dégradation du domaine public fluvial par pollution aux hydrocarbures au bief 23 du même canal. A raison de ces faits, Voies Navigables de France (VNF) a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une demande enregistrée sous le numéro 2002713, de condamner M. C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de mille euros au titre de la contravention constatée le 8 octobre 2020 et par une seconde demande, enregistrée sous le numéro 2002721, de condamner M. C..., au titre de l'action publique, au paiement d'une amende de deux mille euros et, au titre de l'action domaniale, de l'autoriser à procéder d'office, aux frais de M. C..., au déchirage du bateau " Solvay 79 " et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial. VNF sollicite la réformation de l'article 2 du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 25 novembre 2021 en ce qu'il ne prononce pas, en vue de l'exécution du jugement du 30 décembre 2019, la confiscation du bateau " Solvay 79 ".

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'exécution du jugement du 30 décembre 2019 :

2. Les conclusions présentées par VNF tendant à ce que la cour enjoigne à M. C... d'exécuter le jugement du 30 décembre 2019 soulèvent un litige distinct de celui soumis au tribunal administratif de Nancy et qui relève des dispositions des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative. Elles doivent, dès lors, être rejetées comme irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, VNF soutient que sa demande enregistrée sous le n° 2002721 tendait à l'exécution du jugement du 30 décembre 2019. Toutefois, les conclusions présentées à l'appui de cette demande tendaient à la condamnation de M. C... au paiement d'une amende au titre de l'action publique et, au titre de l'action domaniale, à l'autorisation de procéder d'office, aux frais de M. C..., au déchirage du bateau " Solvay 79 " et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial, alors même que le juge de l'exécution ne peut qu'ordonner les mesures nécessaires à l'exécution d'un jugement, sans en modifier le sens, ni même prononcer lui-même une nouvelle condamnation, en particulier au titre de l'action publique. Par ailleurs, si VNF a mentionné dans ses écritures que M. C... n'avait pas exécuté le jugement du 30 décembre 2019, il n'a invoqué à aucun moment les dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative relatif à la procédure d'exécution, ni même expressément sollicité l'exécution de ce jugement. Enfin, si VNF a informé le tribunal administratif, par un courrier du 6 décembre 2021, qu'il avait entendu solliciter l'exécution du jugement du 30 décembre 2019, cette circonstance, postérieure au jugement attaqué, n'est pas de nature à établir que la magistrate désignée aurait dénaturé la portée de ses écritures et le sens de ses conclusions. Par suite, ce moyen d'irrégularité doit être écarté.

4. En second lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. La jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel.

5. Les demandes jointes par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy concernaient le même requérant et tendaient toutes les deux, eu égard à leur contenu, à la répression d'atteintes portées au domaine public fluvial. Ces deux demandes, dont la seconde, ainsi qu'il a été exposé précédemment, ne peut être regardée comme une demande d'exécution du jugement du 30 décembre 2019, relevaient ainsi de la même formation de jugement et de la même procédure. Par suite, le moyen tiré de ce que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a entaché son jugement d'une irrégularité en procédant à une jonction doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Il est constant que VNF n'a pas engagé de nouvelles poursuites à l'encontre de M. C..., notamment par l'établissement d'un procès-verbal constatant l'infraction qui lui était reprochée. Par suite, et comme l'a jugé la magistrate désignée, aucune condamnation de M. C..., notamment au titre de l'action domaniale, ne pouvait être prononcée à l'encontre de ce dernier.

7. De plus, et dès lors que la cour n'est pas saisie comme juge de l'exécution, VNF ne peut utilement faire valoir que le bateau " Solvay 79 " continue d'occuper illégalement le domaine public fluvial, ni que celui-ci présenterait un danger pour la sécurité des autres usagers du canal, ni solliciter " l'enlèvement du bateau " en application du jugement du 30 décembre 2019.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement public VNF n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'autoriser à procéder d'office au déchirage du bateau " Solvay 79 " et à l'évacuation des débris du domaine public fluvial.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'établissement public VNF, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public VNF à verser à M. C... la somme de 2 000 euros au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'établissement public Voies navigables de France est rejetée.

Article 2 : L'établissement public Voies navigables de France versera la somme de 2 000 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public Voies navigables de France et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC00183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00183
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;22nc00183 ?
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