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06/05/2025 | FRANCE | N°22NC00069

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 06 mai 2025, 22NC00069


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société publique locale (SPL) Transfensch a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 50 228,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020, en réparation des dégâts causés à l'un de ses autobus le 9 juin 2017.



Par un jugement n° 2002141 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Hayange à verser à la société

Transfensch la somme de 50 228,85 euros en réparation des dégâts causés à son véhicule le 9 juin 2017, av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société publique locale (SPL) Transfensch a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 50 228,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020, en réparation des dégâts causés à l'un de ses autobus le 9 juin 2017.

Par un jugement n° 2002141 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Hayange à verser à la société Transfensch la somme de 50 228,85 euros en réparation des dégâts causés à son véhicule le 9 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020, a mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à la société Transfensch et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier 2022 et 29 août 2022, la commune d'Hayange, représentée par Me Yon, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2002141 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la société Transfensch ;

3°) à titre subsidiaire, de diminuer le montant des dommages et intérêts demandés par la société Transfensch ;

4°) de mettre à la charge de la société Transfensch la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- A titre principal :

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir opposée en première instance car la demande de la société Transfensch est irrecevable :

. la société n'a effectué aucune demande indemnitaire préalable auprès d'elle ; si la société a effectué des demandes indemnitaires auprès de son assureur, la SMACL, cette dernière est seulement l'assureur de la commune et non son mandataire ; la SMACL n'a d'ailleurs jamais indiqué à la société Transfensch qu'elle intervenait en tant que mandataire de la commune ;

. en tout état de cause, à supposer même que la SMACL soit le mandataire de la commune, la SMACL a opposé un refus à la société Transfensch le 7 janvier 2020 qui a eu pour effet de faire courir le délai de recours de deux mois ; la requête de la société enregistrée au tribunal administratif le 17 mars 2020 était par suite tardive ;

- A titre subsidiaire :

- la responsabilité de la commune ne pourra être retenue car la société Transfensch ne démontre pas que son préjudice est lié à la commune ;

. il n'est pas démontré que le véhicule a été endommagé à la date du 9 juin 2017 par la plaque d'égout située boulevard des Vosges à Hayange ;

. aucun lien de causalité n'est rapporté entre l'ouvrage public et l'accident dont la société se prévaut ;

- A titre infiniment subsidiaire, si sa responsabilité devait être engagée, la faute du conducteur de la société Transfensch est de nature à l'exonérer.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 juin 2022 et 29 août 2022, la société publique locale (SPL) Transfensch, représentée par Me Richard, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune d'Hayange à lui verser la somme de 60 274,62 euros TTC en réparation intégrale de son préjudice ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Hayange la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son action est recevable :

. le contentieux est lié par les réponses de refus de la SMACL qui lui ont été adressées à la suite de ses demandes indemnitaires : la SMACL, au vu de son contrat d'assurance avec la commune d'Hayange, " doit être regardée comme agissant nécessairement en qualité de mandataire de la commune d'Hayange " ;

. sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive car le courrier de refus du 7 janvier 2020 ne mentionnait pas les délais et voies de recours et seule la prescription quadriennale lui était alors opposable ;

- la responsabilité pour faute de la commune d'Hayange est engagée :

. le fait dommageable survenu le 9 juin 2017 est imputable exclusivement à la commune ;

. il existe un lien de causalité entre l'ouvrage et le préjudice ; l'ensemble des éléments démontre que le dommage se situe sur la partie inférieure droite du véhicule du fait de la plaque d'égout qui s'est détachée lors de son passage ;

- sur son appel incident : si le montant fixé par l'expertise est de 50 528,85 euros HT, le montant qui doit lui être alloué doit inclure la TVA : elle est donc fondée à solliciter une indemnisation d'un montant de 60 274,62 euros TTC.

Les parties ont été informées le 18 mars 2025, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de l'irrecevabilité :

- des conclusions d'appel incident présentées par la société SPL Transfensch et tendant à la condamnation de la commune d'Hayange à lui verser une somme supérieure à celle demandée en première instance qui sont, dans cette mesure, nouvelles en appel ;

- des conclusions d'appel incident à fin d'indemnisation présentées par la société SPL Transfensch qui a obtenu satisfaction sur ce point en première instance.

La commune d'Hayange a présenté des observations à ces moyens d'ordre public, lesquelles ont été enregistrées au greffe de la cour le 21 mars 2025 et communiquées.

Par une dernière ordonnance du 29 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2022 à midi.

La commune d'Hayange a présenté un dernier mémoire, enregistré le 26 mars 2025, soit après la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Richard, représentant la commune d'Hayange.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juin 2017, alors qu'il circulait boulevard des Vosges à Hayange, un autobus appartenant à la société publique locale (SPL) Transfensch a percuté une plaque d'égout qui s'est encastrée entre l'une de ses roues et la carrosserie du véhicule. Par un courriel du 12 juin 2017, la société Transfensch en a informé la commune d'Hayange qui a alors déclaré le sinistre à son assureur, la SMACL. Par un premier courrier du 18 décembre 2018, la compagnie d'assurance Groupama, en sa qualité d'assureur protection juridique de la société Transfensch, a sollicité l'indemnisation du préjudice subi par sa mandante auprès de la société SMACL. Par une lettre du 21 mars 2019, la société SMACL a rejeté cette demande. Par un deuxième courrier du 28 novembre 2019, le conseil de la société Transfensch a adressé à la SMACL une nouvelle demande indemnitaire préalable. Cette nouvelle demande a été rejetée par une lettre du 7 janvier 2020. La société Transfensch a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 50 228,85 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement du 16 novembre 2021, dont la commune d'Hayange relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg, a condamné cette dernière à verser à la société Transfensch la somme de 50 228,85 euros. Par la voie de l'appel incident, la société Transfensch demande la condamnation de la commune d'Hayange à lui verser la somme de 60 434, 62 euros.

Sur les conclusions d'appel principal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 127-1 du code des assurances : " Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'à compter de la déclaration de sinistre adressée à son assureur par le sociétaire et mentionnant explicitement cette garantie de protection juridique, l'assureur dispose d'un mandat de ce dernier pour accomplir, en son nom, toute démarche utile à la résolution du litige. Par suite, le rejet opposé par une personne publique à une réclamation préalable indemnitaire formée, dans ces conditions, par l'assureur est opposable à l'assuré, quand bien même ce dernier n'aurait pas eu connaissance de cette décision.

4. Par ailleurs, l'annexe 3 du contrat d'assurance conclu entre la commune d'Hayange et la SMACL relatif aux conditions particulières du contrat " protection juridique personnes morales " stipule qu'il a pour objet " d'assurer en cas de survenance d'un différend ou d'un litige garanti la défense des droits de l'assurée soit dans un cadre amiable soit dans un cadre judiciaire ".

5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que, par un courriel du 12 juin 2017, la commune d'Hayange a déclaré le sinistre auprès de la SMACL. Elle doit donc être regardée comme ayant demandé à bénéficier de la garantie protection juridique prévue dans son contrat d'assurance. D'autre part, la société Groupama, assureur de la société Transfench, puis la société elle-même, ont adressé à la SMACL, assureur de la commune d'Hayange, une réclamation indemnitaire qui a été expressément rejetée par la SMACL le 7 janvier 2020. Par conséquent, le rejet de la réclamation indemnitaire par l'assureur de la commune d'Hayange, dans ces conditions, a eu pour effet de lier le contentieux.

6. En deuxième lieu, il est constant que le courrier de refus du 7 janvier 2020 opposé par la SMACL à la réclamation de la société Transfensch ne mentionnait pas les délais et voies de recours, s'opposant ainsi au déclenchement du délai de recours de deux mois. Il s'ensuit que la requête de la société requérante, enregistrée au tribunal administratif le 17 mars 2020, n'était pas tardive.

7. En dernier lieu, il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage. La personne en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. Cette responsabilité peut ainsi être pondérée par la disposition des lieux, ou par la connaissance de ceux-ci par la victime, ou encore par les inconvénients auxquels doivent nécessairement s'attendre à rencontrer les usagers des voies publiques.

8. Il résulte de l'instruction que la déclaration de sinistre a été formée par la société Transfensch le 12 juin 2017, soit trois jours après l'accident du 9 juin 2017 et est corroborée par l'attestation du chauffeur qui conduisait l'autobus le jour de l'accident, les factures des réparations et les deux rapports d'expertise des 14 décembre 2018 et 7 mars 2019 des assureurs respectifs de la société Transfensch et de la commune d'Hayange qui indiquent que les points d'impact se situent au niveau des soufflets sous le véhicule côté droit. De plus, la plaque d'égout se situe bien sur la voie publique, en bordure du trottoir. Dans ces conditions, eu égard à ce faisceau d'éléments concordants, le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public doit être regardé comme établi.

9. Par ailleurs, la commune d'Hayange n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le soulèvement de la grille d'égout et sa projection sous l'autobus ne résulterait pas d'un défaut d'entretien normal.

10. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le chauffeur du bus aurait commis une faute d'imprudence de nature à exonérer la commune d'Hayange, laquelle ne saurait se déduire de la seule circonstance qu'il a roulé sur la plaque située à l'extrémité de la bande de roulement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Hayange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la société Transfensch la somme de 50 228,85 euros au titre de la réparation des dégâts causés à l'autobus.

Sur les conclusions d'appel incident :

12. D'une part, la société Transfensch a obtenu en première instance la somme qu'elle a sollicitée de 50 228,85 euros. Elle n'est dès lors pas recevable, faute d'intérêt à agir, à solliciter, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la commune d'Hayange à lui verser à nouveau ce montant.

13. D'autre part, la société Transfensch a demandé au tribunal de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 50 228,85 euros HT. Si elle demande, pour la première fois en appel, la condamnation de la commune à lui verser la taxe sur la valeur ajoutée supportée sur cette somme, cette prétention, qui ne correspond pas à un dommage qui est né, s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué mais qu'elle pouvait réclamer en première instance, est irrecevable.

14. Il y a donc lieu de rejeter l'appel incident de la société Transfensch.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'une des parties la somme demandée, par chacune d'elle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Hayange est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la société Transfensch est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Transfensch sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hayange et à la société publique locale Transfensch.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00069
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : YON PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;22nc00069 ?
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