Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement no 2400587 du 11 avril 2024 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai et 27 août 2024, M. A..., représenté par Me Boulanger, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 11 avril 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable sa requête au motif d'une tardiveté dès lors qu'elle a été présentée dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêté en litige, par son conseil via l'application Télérecours et non pas par M. B... A... ; à supposer que la requête initiale présente une erreur matérielle s'agissant du prénom du requérant, cette circonstance est sans incidence sur sa recevabilité, l'avocat mandataire ayant seul qualité à agir pour le représenter devant le tribunal administratif de Strasbourg ; l' ordonnance de clôture d'instruction du 9 février 2024 a été adressée au conseil du requérant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu qu'il tire d'un principe général du droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a des conséquences manifestement excessives par rapport au but poursuivi ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de départ volontaire ;
Sur la légalité de la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendu qu'il tire d'un principe général du droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la légalité de l'assignation à résidence :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de la Moselle ne justifie pas qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête en raison de son irrecevabilité pour tardiveté.
Il soutient que la demande de M. A... n'a pas été enregistrée dans le délai de quarante-huit heures, prévu par les dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juillet 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Stenger.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 janvier 2024, notifié le même jour à 18h50, le préfet de la Moselle a fait obligation à M. C... A..., ressortissant albanais né le 5 avril 1960, de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il pourra être renvoyé d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 11 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024, en raison de sa tardiveté.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 juillet 2024. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressé tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la recevabilité de la demande :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II. Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code ". Aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation./Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent./Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures ou de quinze jours selon les cas, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions./En fixant à quarante-huit heures le délai dans lequel un recours peut être introduit, le législateur a entendu que ce délai soit décompté d'heure à heure et ne puisse être prorogé ".
5. Il est en l'espèce constant que l'arrêté du 24 janvier 2024 en litige a été notifié le même jour à 18h50 à M. C... A.... Le délai de recours de quarante-huit heures, prévu par les dispositions précisées, expressément mentionné dans la notice B annexé à cet arrêté, expirait donc le 26 janvier 2024 à 18 heures 50. Or, il ressort des pièces du dossier que la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, le 25 janvier 2024 à 13 heures 34, a été expressément présentée par Me Quatreboeufs pour M. B... A... contre un arrêté du préfet de la Moselle du 4 janvier 2023 qui n'est pas celui en litige. Dans cette requête, le rappel des faits, tout comme l'articulation des moyens, concernent exclusivement la situation de M. B... A... et non pas celle du requérant. Par ailleurs, les conclusions de cette requête sont dirigées uniquement contre l'arrêté du 4 janvier 2023 qui ne concerne pas la situation de M. C... A.... Par conséquent, compte tenu des termes de la demande, lesquels ne sauraient être regardés comme entachés d'une simple erreur matérielle relative au prénom du requérant, la circonstance que l'arrêté attaqué était annexé et identifié comme la décision attaquée ne permet pas de considérer que ce recours était en réalité présenté pour le requérant. Dans ces conditions, et comme l'ont estimé les premiers juges, la demande présentée par M. B... A..., qui ne justifie d'aucune qualité pour agir au nom de M. C... A..., n'a pas eu pour effet d'interrompre le délai de recours de quarante-huit heures, prévues par les dispositions susvisées, contre l'arrêté en litige du 24 janvier 2024. A cet égard, est sans incidence la circonstance alléguée tirée de ce que la requête a été présentée par un avocat et que les pièces de procédure ont été adressées à ce dernier. Il s'ensuit que les conclusions présentées par M. C... A... contre l'arrêté attaqué, qui n'ont été enregistrées que le 27 février 2024, soit plus d'un mois après l'expiration du délai de recours de quarante-huit heures, étaient tardives. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité la demande présentée par M. C... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024 en raison de sa forclusion.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Boulanger et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : L. StengerLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 24NC01256 2