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24/04/2025 | FRANCE | N°23NC03610

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 24 avril 2025, 23NC03610


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence.



Par un jugement n° 2303316 du 23 novembre 2023

, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, d'une part, a admis M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2303316 du 23 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, d'une part, a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'autre part, a annulé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de douze mois et, enfin, a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Mine, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination ainsi que l'arrêté du 14 novembre 2023 portant assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de défaut de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des 1°, 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il doit se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait s'agissant de la menace à l'ordre public qu'il représenterait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 9 septembre 2003, est entré en France le 28 août 2019 selon ses déclarations, en compagnie de sa famille, son père étant muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen délivré par les autorités espagnoles. Devenu majeur, il a sollicité son admission au séjour le 2 août 2021. Sa demande a été classée sans suite le 10 septembre 2021 au motif qu'elle était incomplète. Par un arrêté du 10 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de douze mois. Le 13 octobre 2023, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de ses liens privés et familiaux en France. Sa demande a été classée sans suite le 14 novembre 2023. Par un arrêté du même jour, la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a, de nouveau, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Par un autre arrêté, M. B... a été assigné à résidence. Par un jugement du 23 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 14 novembre 2023. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ".

3. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète de Meurthe-et-Moselle a, contrairement à ce que le requérant soutient, notamment mentionné sa situation familiale en France et le fait qu'il poursuivait des études. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux que la préfète de Meurthe-et-Moselle ne s'est pas refusée à procéder à l'examen particulier de la situation personnelle du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ; 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".

6. D'une part, il ressort de la décision en litige que la préfète de Meurthe-et- Moselle a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'entré en France avec un visa délivré par les autorités consulaires espagnoles, il ne justifiait pas avoir satisfait à l'obligation prévue à l'article 22 de la convention de Schengen. Le requérant ne produit aucun élément permettant de combattre ce motif tiré de l'entrée irrégulière sur le territoire français. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration du visa avec lequel il est entré en France, sans être titulaire d'un titre de séjour et en dépit d'ailleurs d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre par un arrêté du 10 septembre 2021. Ainsi, la préfète de Meurthe-et-Moselle pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° et, le cas échéant, du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A supposer même que le requérant puisse être regardé comme ne constituant pas une menace pour l'ordre public, il ressort de la décision en litige que la préfète de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même mesure d'éloignement en se fondant uniquement sur les 1° et 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige au motif que le comportement de M. B... ne constitue pas une menace pour l'ordre public doit être écarté.

7. En quatrième lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, à supposer que le motif tiré de ce que son comportement constituait une menace pour l'ordre public soit entaché d'erreur de fait, la préfète de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même mesure d'éloignement à l'encontre de M. B....

8. En cinquième lieu, l'étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... résidait, à la date de la décision en litige, depuis quatre ans sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 septembre 2021. Entré mineur en France avec ses parents, sa sœur née en 2005 et ses deux frères nés en 2013 et en 2016, il réside avec eux à Tomblaine. Après avoir été scolarisé en lycée professionnel, il était, au titre de l'année 2023/2024, inscrit en BTS " gestion de la PME " et avait signé un contrat d'apprentissage pour la période du 1er novembre 2023 au 31 août 2025. Il avait par ailleurs également signé un contrat d'engagement en service civique pour la période du 29 septembre 2023 au 28 mai 2024 au sein d'un club de football. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est défavorablement connu des services de police, ses empreintes ayant été enregistrées en lien avec des faits de transport, usage et acquisition non autorisés de stupéfiants, tandis qu'il a, la veille de l'arrêté en litige, été placé en garde-à-vue pour des faits de trafic de produits stupéfiants et conduite sous l'emprise de produits stupéfiants. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... devait se voir délivrer de plein droit le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète de Meurthe-et-Moselle aurait entaché sa décision d'erreur de droit.

10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas que la décision de refus de titre de séjour portait, à la date à laquelle elle est intervenue, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. N'étant pas le représentant légal de ses frères mineurs, M. B... ne saurait utilement se prévaloir des stipulations précitées pour le compte de ces derniers. En tout état de cause, il n'est pas contesté que ses deux frères mineurs résident avec leurs parents.

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, M. B... n'établit pas que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Mine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC03610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03610
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : MINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;23nc03610 ?
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