Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301508 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Gaffuri, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 en tant qu'il lui refuse un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa demande de titre de séjour " salarié " en vertu du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont la préfète dispose ;
- le refus de le régulariser à titre exceptionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1990, est entré irrégulièrement en France le 30 avril 2011 et s'est maintenu sur le territoire depuis cette date. Sa demande d'admission exceptionnelle au séjour formée le 19 février 2018 a été rejetée par un arrêté du préfet de la Marne du 19 juillet 2018, lui faisant également obligation de quitter le territoire. Par un arrêté du 3 janvier 2021, le préfet de l'Aube lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le 20 avril 2022, M. A... a, de nouveau, sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 17 mai 2023, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023. M. A... relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. D'une part, il ressort de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de droit et de fait précises pour lesquelles la préfète de l'Aube n'a pas délivré de titre de séjour " salarié " à M. A... que ce soit sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ou dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation. S'agissant du refus de faire usage de son pouvoir discrétionnaire, la préfète de l'Aube a précisé, après avoir visé l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour le 28 février 2023 au motif que l'intéressé avait travaillé sous couvert d'un faux document administratif et qu'il n'avait pas de véritable projet en France, qu'eu égard à l'ensemble des éléments relatifs à sa situation professionnelle, personnelle et familiale, et en dépit de l'ancienneté de son séjour en France, M. A... ne pouvait être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant permettre son admission exceptionnelle au séjour. D'autre part, la décision en litige comporte également une motivation suffisante du rejet de la demande de titre de séjour " vie privée et familiale " au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que, ainsi qu'il vient d'être dit, la préfète de l'Aube a procédé à l'examen de la demande de titre de séjour " salarié " de M. A... au regard de la possibilité de le régulariser pour motif exceptionnel au titre du pouvoir discrétionnaire dont elle peut faire usage s'agissant d'un ressortissant tunisien. Par ailleurs, la préfète de l'Aube a également procédé à l'examen de la situation personnelle et familiale de l'intéressé en France. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen de la demande de titre de séjour doivent être écartés.
5. En troisième lieu, d'une part, si le requérant se prévaut de son recrutement en contrat à durée indéterminée le 1er novembre 2021 en qualité d'employé polyvalent, il ne conteste pas avoir présenté une fausse carte d'identité italienne pour obtenir cet emploi. Les bulletins de salaire qu'il produit n'établissent une activité salariée qu'à compter du 1er juin 2022. Si M. A... soutient avoir également travaillé, comme intérimaire en 2011 et 2012, puis dans la restauration en 2013, et depuis 2017, il ne produit aucune pièce permettant de l'établir. Il ne peut ainsi être regardé comme justifiant d'une intégration professionnelle en France. D'autre part, s'il n'est pas contesté que M. A... réside sur le territoire français depuis douze ans à la date de la décision en litige, il tient la durée de son séjour de son refus de déférer à une mesure d'éloignement prononcée à son encontre par un arrêté du 19 juillet 2018. La circonstance qu'il dispose d'attaches familiales sur le territoire français, notamment une sœur et un frère ainsi que des cousins, ne suffit pas à faire regarder l'intéressé, qui est par ailleurs célibataire, comme ayant définitivement ancré en France l'essentiel de sa vie personnelle. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Aube aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de le régulariser au titre de son pouvoir discrétionnaire.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 de cet arrêt, et alors que M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7, M. A... n'établit pas que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ".
11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le refus de titre de séjour est suffisamment motivé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, qui a été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code précité, serait entachée de défaut de motivation.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023 en tant qu'il lui refuse un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Gaffuri et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC03607