La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2025 | FRANCE | N°23NC00541

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 24 avril 2025, 23NC00541


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Alsace Sécurité Incendie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015.



Par un jugement n° 2006750 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête enregistrée le 19 février 2023 et une pièce enregistrée le 15 mars 2025, mais non communiquée, la SARL Alsace Sécurité Inc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alsace Sécurité Incendie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2006750 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2023 et une pièce enregistrée le 15 mars 2025, mais non communiquée, la SARL Alsace Sécurité Incendie, représentée par Me Arséguet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le service a réintégré à l'actif de son bilan au titre de l'exercice 2015 le véhicule VW Multivan à sa valeur d'achat de 19 836 euros dès lors que ce véhicule a été probablement cédé à l'insu du gérant par son frère et qu'en tout état de cause, ce bien est totalement amorti au taux de 25 % depuis 2011 ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la charge de la preuve de la vente du véhicule en litige, incombe à l'administration fiscale dès lors que son gérant a contesté les redressements en litige et qu'il a saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a émis un avis qui lui est favorable ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la provision constituée de 57 000 euros pour dépréciation d'immobilisation incorporelle dès lors que le frère du gérant, qui avait signé une reconnaissance de dette à hauteur de ce montant, a quitté la France en 2015 pour une adresse inconnue, rendant par suite irrécouvrable la créance.

Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger ;

- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Alsace Sécurité Incendie (ASI), qui exerce depuis 2003 une activité de commercialisation et de pose de systèmes de sécurité incendie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 30 mai 2017 au 5 juillet 2017 portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 mars 2017. Par une proposition de rectification du 8 août 2017, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale l'a informée qu'elle envisageait des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2014 à 2016 consécutifs, notamment, à la réintégration dans son actif de biens dont la cession ou la mise au rebut n'avait pas été justifiée et d'une provision injustifiée. Ces rehaussements ont été maintenus dans la réponse aux observations du contribuable du 26 octobre 2017. Par une réponse du 24 avril 2018, intervenue consécutivement au recours hiérarchique formé par la société requérante, le service a indiqué maintenir, notamment, les rappels en matière d'impôt sur les sociétés s'agissant d'un véhicule VW Multivan acheté en 2008 pour un montant de 19 836 euros dont la cession n'était pas justifiée ainsi qu'une provision d'un montant de 57 000 euros pour dépréciation d'immobilisation incorporelle injustifiée. Saisie à la demande de la société ASI, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a émis, lors de sa réunion du 28 janvier 2019, un avis favorable au rappel d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015 relatif à la régularisation d'une provision de 57 000 euros et un avis défavorable concernant la réintégration à l'actif du bilan d'un véhicule VW Multivan à sa valeur d'achat pour la même année. Toutefois, la totalité des rehaussements a été maintenue par le service avant que les impositions supplémentaires ainsi que les pénalités en résultant au titre des années 2014 à 2016 soient mises en recouvrement le 14 février 2020. La réclamation préalable de la société requérante, formée le 29 juin 2020, a été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 24 août 2020. La SARL ASI relève appel du jugement du 19 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la minoration d'actif immobilisé :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

3. Lors des opérations de contrôle, le service vérificateur a constaté que le montant total des immobilisations indiqué dans le tableau d'immobilisation pour l'exercice clos en 2014 ne correspondait pas à celui qui était comptabilisé au 31 décembre 2015, en raison de la sortie de nombreux éléments d'actif, dont le véhicule de type " VW multivan " en litige, sous le libellé " mise au rebut ", sans que la société requérante n'ait justifié de la sortie réelle de ce bien. L'administration constatait également que lors de la réunion de synthèse, le gérant de la société ASI avait indiqué, de manière contradictoire, que le véhicule de type " VW multivan " avait en réalité fait l'objet d'une vente et qu'elle n'apportait pas la preuve de la cession de ce véhicule, tel que son certificat de cession. Enfin, si la SARL ASI persiste à soutenir en appel que le véhicule en litige, qu'elle avait acquis en 2008, a probablement été vendu par le frère de son gérant, à l'insu de ce dernier, elle ne le démontre pas par les pièces qu'elle produit, à savoir les extraits des deux procès-verbaux d'audition du gérant par les services de police, datés des 14 février 2017 et du 12 janvier 2016, dans lesquels il n'est jamais fait mention du véhicule litigieux, le courrier du 30 août 2018 par lequel elle a demandé aux services de la préfecture du Haut-Rhin de lui délivrer un duplicata du certificat de cession dudit véhicule et un relevé des opérations de Groupama qui fait état de l'expiration du contrat d'assurance de ce même véhicule. Par conséquent, en établissant que le véhicule litigieux faisait partie des immobilisations de la société requérante en 2014 mais qu'il avait disparu de sa comptabilité en 2015 sans justification, l'administration rapporte la preuve qui lui incombe que le véhicule VW Multivan aurait dû se trouver à l'actif du bilan au titre de l'exercice 2015.

4. En revanche, en se bornant à affirmer que le véhicule VW Multivan en litige devait être inscrit à l'actif net de la société requérante, au titre de l'exercice 2015, pour sa valeur d'origine, soit 19 836 euros, au motif que cette dernière avait eu la possibilité de le revendre à son prix d'achat, l'administration fiscale ne démontre pas, alors que la société ASI le conteste, que la valeur vénale de ce véhicule acquis en 2008 était effectivement, au 31 décembre 2015, égale à son prix d'achat. A cet égard, la société requérante produit un tableau simplifié des immobilisations au 31 décembre 2014 qui indique que le véhicule en cause était comptabilisé pour une valeur nette comptable nulle, comme l'a également retenu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis précité du 28 janvier 2019. Par suite, la société ASI est fondée à demander la décharge de l'imposition qui lui a été assignée à raison de la réintégration dans son bénéfice imposable de l'exercice 2015 de la valeur d'actif du véhicule VW Multivan.

En ce qui concerne la provision pour dépréciation d'immobilisation incorporelle :

5. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.

6. Il résulte de l'instruction que la société requérante a comptabilisé une provision de 57 000 euros pour dépréciation d'immobilisation incorporelle qu'elle a déduite de son bénéfice au titre de l'année 2015 que le service a réintégrée après avoir estimé qu'elle était dépourvue de toute justification. La société requérante entend justifier cette provision en faisant valoir que le frère de son gérant a signé une reconnaissance de dettes à hauteur de 57 000 euros, correspondant à des sommes qu'elle lui avait prêtées en 2009 et 2010 pour des travaux de rénovation de son appartement. Elle ajoute que ce dernier, ayant quitté la France en 2015 sans qu'elle ne puisse le contacter, sa créance est devenue douteuse. Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, le procès-verbal d'audition de son gérant par les services de police, établi le 14 février 2017 et dont elle se prévaut, est postérieur à l'exercice 2015 au cours duquel la somme de 57 000 euros a été provisionnée. Par ailleurs, si la société requérante soutient avoir porté plainte contre le frère de son gérant en 2015 en arguant de la reconnaissance de dettes que ce dernier aurait signée, il ne ressort pas de l'extrait du procès-verbal d'audition du 12 janvier 2016 produit aux débats que cette plainte ait porté précisément sur une telle reconnaissance de dettes ni qu'elle a été déposée pour le compte de la SARL ASI. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la provision litigieuse.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alsace Sécurité Incendie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge de l'imposition mise à sa charge à raison de la réintégration du véhicule VW Multivan dans son bénéfice imposable au titre de l'exercice 2015.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la SARL Alsace Sécurité Incendie les frais exposés par elle dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 19 836 euros est déduite du bénéfice imposable de la SARL Alsace Sécurité Incendie au titre de l'année 2015.

Article 2 : La SARL Alsace Sécurité Incendie est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2015, en conséquence de la réduction de la base d'imposition décidée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 2006750 du 19 décembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alsace Sécurité Incendie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : L. StengerLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00541 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00541
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ARSÉGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;23nc00541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award