Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et, d'autre part, de lui enjoindre de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Par un jugement n° 2304688 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'intervention du présent arrêt, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de 15 jours et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'intervention du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le maire de sa commune de résidence aurait dû être saisi pour avis préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux, l'inexécution de cette obligation l'ayant privé d'une garantie ;
- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard de la présence sur le territoire français de quatre enfants de M. A... ;
- l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux dispositions des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est contraire aux dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle contrevient également aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de celle l'obligeant à quitter le territoire ;
Le préfet du Bas-Rhin a été mis en demeure de produire des observations le 23 janvier 2025.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Barlerin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 2 novembre 1986, de nationalité nigériane, est entré irrégulièrement en France le 15 juillet 2009. Il a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié, sa demande ayant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 29 mars 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 février 2012. En janvier 2010 il avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et a bénéficié à ce titre de cinq cartes de séjour temporaires successives. Il a ensuite bénéficié d'une mesure d'admission exceptionnelle au séjour valable du 28 août 2020 au 27 août 2021. Il a sollicité, en juillet 2021, le renouvellement de son titre de séjour, qui lui a été refusé par un arrêté du 24 janvier 2023. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mai 2023. La préfète du Bas-Rhin a alors pris, le 5 juin 2023, un nouvel arrêté lui refusant le séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... relève appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 juin 2023. Le requérant ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale en cours d'instance, sa demande d'admission provisoire à cette aide est devenue sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 426-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'accorder la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " prévue à l'article L. 426-17 est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7 ". Aux termes de l'article L. 413-7 du même code : "Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle l'étranger réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. (...) ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Si M. A... fait valoir en appel qu'il n'est pas justifié de la saisine du maire de sa commune de résidence, le refus de délivrance d'une carte de résident en litige est cependant fondé sur la circonstance que l'intéressé présente une menace pour l'ordre public au motif de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné à une peine ferme de trois ans d'emprisonnement, en raison de son implication dans un trafic d'êtres humains et pour proxénétisme aggravé. Cette circonstance fait obstacle à la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'omission par le préfet de saisir le maire pour avis aurait pu priver l'intéressé d'une garantie ou exercer une influence sur le sens de la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'une carte de résident aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il s'ensuit que le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que la préfète du Bas-Rhin, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin ait été informée de la naissance, postérieurement au dépôt de la demande de titre de séjour, du quatrième enfant de M. A.... Dès lors, et en tout état de cause, la circonstance qu'elle n'ait pris en compte que ses trois premiers enfants ne saurait caractériser un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen doit dès lors être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement ferme de trois ans par un jugement du tribunal correctionnel de Nancy du 12 février 2015, pour des faits de traite d'être humain, proxénétisme aggravé, aide à l'entrée et au séjour irrégulier, faux et participation à une association de malfaiteurs, commis de 2009 à 2012. Eu égard, d'une part, à la gravité des faits et à la circonstance qu'ils ont été commis dès l'arrivée du requérant en France, ces éléments, en dépit de leur relative ancienneté à la date de l'arrêté attaqué, sont de nature à caractériser une menace grave, réelle et actuelle pour l'ordre public. Au demeurant, ne ressortent pas des pièces du dossier des circonstances qui caractériseraient un amendement notable du comportement du requérant. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en se fondant sur ces dispositions, la préfète aurait commis une erreur d'appréciation.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423- 22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France irrégulièrement en juillet 2009, et qu'il a bénéficié à plusieurs reprises d'un titre de séjour en raison de son état de santé puis d'une mesure d'admission exceptionnelle au séjour du 28 août 2020 au 27 août 2021. Il réside avec sa concubine, avec laquelle il a quatre enfants, nés en 2010, 2012, 2016 et 2022 et soutient travailler de manière continue depuis 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, M. A... a été condamné pour des faits particulièrement graves, commis dès son arrivée sur le territoire français et sur une période de plusieurs années. Il a été incarcéré pendant une période de deux ans, sa concubine ayant été condamnée par le même jugement, pour des faits similaires, à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée de quatre ans. L'ancienneté du séjour en France du requérant se caractérise par des faits, commis pendant plusieurs années, qui ont porté une atteinte grave à l'ordre public. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit pas entretenir en France des liens personnels et familiaux d'une particulière intensité et compte tenu du fait que la cellule familiale peut se reconstituer dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la mesure contestée a été prise.
11. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 et compte tenu de la circonstance que la décision contestée, d'ailleurs distincte de celle portant obligation de quitter le territoire français, n'a pas pour conséquence l'éclatement de la cellule familiale, qui pourra être reconstituée au Nigéria, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Dès lors que cette dernière est, comme il a été dit, régulièrement motivée, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait insuffisamment motivée doit être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" ".
15. M. A... fait valoir qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans dès lors qu'il était titulaire à compter de 2010 et jusqu'en 2020 d'un titre de séjour en raison de son état de santé, puis à compter de 2020 d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne produit cependant à l'appui de sa requête que des titres de séjour pour les années 2010 à 2012, puis pour l'année 2020, et un courrier de la préfète du Bas-Rhin en date du 25 août 2020, qui constate qu'il a sollicité un renouvellement de son titre de séjour le 25 janvier 2019. Dès lors, il n'établit pas avoir résidé régulièrement en France pendant cette période, et n'apporte pas la preuve de ce qu'il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit être écarté.
16. En troisième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt, la décision litigieuse ne contrevient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
20. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Steven Airiau et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. BarlerinLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC03232