La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2025 | FRANCE | N°23NC02243

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 23NC02243


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300962 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
>

Par une requête et des pièces enregistrées les 12 juillet 2023 et 26 février 2024, Mme B..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300962 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 12 juillet 2023 et 26 février 2024, Mme B..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait qui a eu une incidence sur la décision en litige dès lors qu'elle n'a jamais séjourné en Suisse ;

- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation quant à l'existence d'un trouble à l'ordre public ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er août 2023 et 5 mars 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 30 mai 1990, déclare être entrée en France le 21 mai 2017. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 décembre 2017, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 novembre 2018. Mme B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, sa requête a été rejetée comme irrecevable par le directeur général de l'OFPRA le 7 février 2020 puis par la CNDA le 27 mai 2020. Le 13 juillet 2022, elle a demandé son admission au séjour en se prévalant des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet a considéré, à tort, qu'elle a séjourné en Suisse lors du second trimestre 2020. Une telle erreur est néanmoins liée, comme la requérante l'indique elle-même dans ses écritures, à la mauvaise traduction en langue française de la fiche d'information Schengen renseignée par les autorités suisses. Toutefois, cette erreur de fait n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision en litige dès lors que le préfet s'est contenté de rappeler que Mme B... était défavorablement connue des services de police suisses d'une part, et qu'elle ne justifiait pas d'une résidence personnelle et stable en France d'autre part, sans que ces circonstances ne permettent à elles-seules de refuser le séjour.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

4. Mme B... déclare être entrée en France le 21 mai 2017 et se prévaut de sa présence continue en France depuis lors, de la présence de ses deux filles et de son insertion au sein de la société française. Toutefois, la durée de la présence de Mme B... sur le territoire français est la seule conséquence de l'instruction de ses demandes d'asile ainsi que de son refus de déférer à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre en 2019. Par ailleurs, le suivi de cours de français, la promesse d'embauche dont se prévaut Mme B..., ainsi que les activités exercées auprès de l'Eglise évangélique Tabor ne sont pas suffisants pour démontrer que la requérante a fixé en France de manière prépondérante, ancienne, intense et stable, le centre de ses intérêts matériels et moraux, alors que son séjour en France n'est pas ancien et qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie en Albanie, pays dont elle a la nationalité et où ses parents, son frère et sa sœur résident. Enfin, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses deux filles et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Albanie et qu'il existerait des obstacles à ce que ces dernières s'intègrent dans leur pays d'origine et y poursuivent leur scolarité. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de Mme B... en France, le préfet du Haut-Rhin, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

6. Eu égard aux conditions de séjour mentionnées au point 4 du présent arrêt, et alors même qu'elle se prévaut d'une promesse d'embauche, Mme B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui permettre de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste au regard des dispositions précitées.

7. En dernier lieu, si le préfet du Haut-Rhin a mentionné dans la décision en litige que Mme B... est défavorablement connue des services de police en France pour des faits de filouterie de taxi commis le 21 mai 2017 à Mulhouse et des services de police suisses en raison d'une entrée illégale sur le territoire suisse, ceci ne suffit pas à considérer que le préfet aurait entendu opposer à l'intéressée, pour refuser de lui accorder le droit au séjour, que son comportement constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Bohner.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC02243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02243
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;23nc02243 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award