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22/04/2025 | FRANCE | N°22NC00982

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 22NC00982


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... Dionisio a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant implicitement sa demande de révision de l'arrêté du 21 juillet 2020 la reclassant à compter du 13 janvier 2020 au 6ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale et d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen des modalités de son reclassement en faisant applicatio

n des articles 4 et 5 du décret n° 2066-1827 du 23 décembre 2006.



Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Dionisio a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant implicitement sa demande de révision de l'arrêté du 21 juillet 2020 la reclassant à compter du 13 janvier 2020 au 6ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale et d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen des modalités de son reclassement en faisant application des articles 4 et 5 du décret n° 2066-1827 du 23 décembre 2006.

Par un jugement n° 2002601 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 juillet 2020 prononçant le classement de Mme Dionisio dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation et la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant la demande de révision de Mme Dionisio à l'encontre de son arrêté de classement du 21 juillet 2020 et, d'autre part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à la révision de l'arrêté du 21 juillet 2020 prononçant le classement de Mme Dionisio dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent sur sa situation financière et administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée en première instance par Mme Dionisio.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- c'est à bon droit que l'administration a refusé d'appliquer les dispositions de l'article 5 du décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 pour procéder au reclassement de l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2022, Mme Dionisio, représentée par Me Lecour, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête du ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ;

- le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 ;

- le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 ;

- le décret n° 2010-1641 du 23 décembre 2010 ;

- le décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Dionisio, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, a été promue au grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation. Par un arrêté du 21 juillet 2020, elle a été reclassée, à la date du 13 janvier 2020, au 6ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale. Par un courrier du 14 septembre 2020, Mme Dionisio a contesté son reclassement. Elle a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant sa demande. Par un jugement du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 21 juillet 2020 prononçant le classement de Mme Dionisio dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation et la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant la demande de révision de Mme Dionisio à l'encontre de son arrêté de classement du 21 juillet 2020. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État : " I. - Les personnes nommées dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er qui justifient de services antérieurs sont classées à un échelon déterminé, sur la base des durées moyennes fixées par le statut particulier de ce corps pour chaque avancement d'échelon, en application des articles 3 à 10. Le classement est prononcé à la date de nomination dans le corps (...) II. - La situation et les périodes d'activité antérieures prises en compte pour le classement en application des articles 4 à 10 sont appréciées à la date à laquelle intervient le classement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " I. - Une même personne ne peut bénéficier de l'application de plus d'une des dispositions des articles 4 à 10. Une même période ne peut être prise en compte qu'au titre d'un seul de ces articles. / Les personnes qui, compte tenu de leur parcours professionnel antérieur, relèvent des dispositions de plusieurs des articles mentionnés à l'alinéa précédent sont classées en application des dispositions de l'article correspondant à leur dernière situation. / Ces agents peuvent toutefois, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de la décision prononçant leur classement dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, demander que leur soient appliquées les dispositions d'un autre de ces articles qui leur sont plus favorables ". Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Les fonctionnaires appartenant déjà, avant leur nomination, à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau sont classés dans leur nouveau corps à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leurs corps et grade d'origine. / Dans la limite de l'ancienneté moyenne fixée par le statut particulier du corps dans lequel ils sont nommés pour une promotion à l'échelon supérieur, ils conservent l'ancienneté d'échelon acquise dans leur grade d'origine lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui aurait résulté d'un avancement d'échelon dans leur ancienne situation. / Les fonctionnaires nommés alors qu'ils ont atteint le dernier échelon de leur grade d'origine conservent leur ancienneté d'échelon dans les mêmes limites lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui aurait résulté d'une promotion à ce dernier échelon. / Toutefois, les agents qui, avant leur nomination dans l'un des corps relevant du présent décret, appartenaient à un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau doté d'un indice brut terminal inférieur ou égal à 801 et qui, avant leur nomination dans ce corps ou cadre d'emplois, appartenaient à un corps ou cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau, doté d'un indice brut terminal au moins égal à 638, peuvent demander à être classés en application des dispositions de l'article 5 en tenant compte de la situation qui serait la leur s'ils n'avaient cessé d'appartenir à ce corps ou cadre d'emplois de catégorie B ". Et aux termes de l'article 5 de ce décret : " Les fonctionnaires appartenant avant leur accession à la catégorie A à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau sont classés à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'ils détenaient avant leur nomination augmenté de 60 points d'indice brut. Lorsque deux échelons successifs présentent un écart égal avec cet indice augmenté, le classement est prononcé dans celui qui comporte l'indice le moins élevé. / Dans la limite de l'ancienneté moyenne fixée par le statut particulier du corps dans lequel ils sont nommés pour une promotion à l'échelon supérieur, les bénéficiaires de cette disposition conservent l'ancienneté d'échelon acquise dans leur grade d'origine lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure ou égale à 60 points d'indice brut. Toutefois, lorsque le classement opéré en vertu de l'alinéa précédent conduit le fonctionnaire à bénéficier d'un échelon qu'aurait également atteint le titulaire d'un échelon supérieur de son grade d'origine, aucune ancienneté ne lui est conservée dans l'échelon du grade de catégorie A dans lequel il est classé ".

3. Il résulte des dispositions précitées que lorsque sa situation relève des articles 4 à 10 du décret du 23 décembre 2006, eu égard à son parcours professionnel antérieur à sa nomination dans le corps de catégorie A considéré, le fonctionnaire intéressé est classé dans ce corps conformément à l'article du décret qui correspond à sa dernière situation à la date à laquelle intervient ce classement. Toutefois, l'agent peut, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de la décision prononçant son classement, demander à l'administration l'application de dispositions du décret du 23 décembre 2006 qui lui seraient plus favorables.

4. D'autre part, aux termes du décret du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, en vigueur jusqu'au 31 janvier 2019, le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation relevait de la catégorie B. En application de l'article 3 du décret du 23 décembre 2010 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels placés sous statut spécial des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, l'indice brut terminal de ce corps était, jusqu'au 31 janvier 2019, égal à 769.

5. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : " Le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation du ministère de la justice, régi par les dispositions du présent décret, est classé en catégorie A prévue à l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 ". En application de l'article 3 du décret du 23 décembre 2010 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels placés sous statut spécial des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, l'indice brut terminal de ce corps est égal à 796.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à compter du 1er février 2019, Mme Dionisio, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, corps relevant alors de la catégorie B et dont l'indice brut terminal était au moins égal à 638, a été intégrée dans le corps nouvellement créé des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, de catégorie A, dont l'indice brut terminal est inférieur à 801. Depuis le 19 novembre 2019, elle était au 4ème échelon du grade de conseiller d'insertion et de probation de première classe avec un indice brut de 627. Mme Dionisio a ensuite été nommé dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation à compter du 13 janvier 2020 et classée au 6ème échelon avec une ancienneté conservée d'un mois et vingt-quatre jours conformément aux dispositions précitées des trois premiers alinéas de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006.

7. Par ailleurs, par son courrier du 14 septembre 2020, Mme Dionisio a demandé, conformément aux dispositions précitées de l'article 3 du décret du 23 décembre 2006, à bénéficier, pour son classement, des dispositions du dernier alinéa de l'article 4 et de l'article 5 de ce même décret. Si le II de l'article 24 du décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation dispose que : " Les services accomplis dans les grades du corps régi par le décret du 23 décembre 2010 précité sont assimilés à des services accomplis dans le corps d'intégration. ", ces dispositions transitoires, relatives à la constitution du corps, n'avaient pour seul objet que de permettre aux agents concernés de conserver leur ancienneté en vue d'un avancement d'échelon ou de grade notamment, mais, en aucun cas, de leur conférer la qualité d'agent de catégorie A depuis leur entrée dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. L'indice brut terminal du grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation hors classe était alors de 769 points. Mme Dionisio remplissait dès lors la seconde condition prévue à l'article 4 du décret du 23 décembre 2006. Elle pouvait par suite se prévaloir des dispositions de cet article et par voie de conséquence de celle de l'article 5 du même décret.

8. Dans ces conditions, Mme Dionisio remplissait les conditions pour que son classement dans son nouveau grade soit prononcé en application de ces dispositions. Dès lors, en refusant de la reclasser à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'elle détenait avant sa nomination, augmenté de 60 points d'indice brut, le garde des sceaux, ministre de la justice a entaché sa décision d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 21 juillet 2020 ainsi que le rejet implicite de la demande tendant à la révision de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme Dionisio une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme A... Dionisio.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 22NC00982 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00982
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : LECOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;22nc00982 ?
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