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03/04/2025 | FRANCE | N°21NC03173

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 03 avril 2025, 21NC03173


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 148 433 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'accident médical dont il aurait été victime.



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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, M. A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 148 433 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'accident médical dont il aurait été victime.

Par un jugement n° 2000144 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Quentin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 148 433 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'accident médical dont il aurait été victime ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le caractère anormal du dommage :

- il remplit les conditions pour bénéficier d'une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale ;

- le dommage qu'il a subi résulte directement d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ;

- il constitue un aléa thérapeutique non fautif ;

- il a entraîné des conséquences anormales sur son état de santé ;

- les experts ont relevé l'anormalité du dommage et ont évalué les préjudices susceptibles d'être indemnisés ;

- la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

- le préjudice de frais médicaux non pris en charge doit être indemnisé à hauteur de 710 euros ;

- le préjudice de perte de gains professionnels doit être indemnisé à hauteur de 18 000 euros ;

- le préjudice de frais pour travaux en raison du caractère inadapté de son logement doit être indemnisé à hauteur de 10 128 euros ;

- le préjudice de frais de remplacement de véhicule en raison de son caractère inadapté doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

- les préjudices de déficit fonctionnel temporaire total et de déficit fonctionnel temporaire partiel doivent être indemnisés à hauteur de 8 595 euros ;

- le préjudice de souffrances endurées doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;

- le préjudice de déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 66 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros ;

- le préjudice d'agréement doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros, soit un total d'indemnisation de préjudices à hauteur de 148 433 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, conclut au rejet de la requête de M. A....

L'Office soutient que :

- l'acte médical litigieux n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;

- la survenance du dommage ne présentait pas une probabilité faible.

La procédure a été communiquée aux caisses primaires d'assurance maladie des Ardennes et de la Haute-Marne qui n'ont produit aucun mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 30 juillet 1958, a été opéré en 2012 pour une pose d'une valve aortique pour laquelle il a fait l'objet d'un traitement au long cours à base d'anticoagulant par antivitamine K (AVK). Le 17 novembre 2016, il a été opéré afin de bénéficier d'une arthroplastie totale de la hanche gauche. Le 22 novembre 2016, un hématome du psoas est apparu et a nécessité une intervention chirurgicale le même jour. En raison de douleurs très intenses éprouvées du 12 au 13 février 2017, M. A... s'est rendu aux urgences du groupe hospitalier Sud Ardennes où lui a été diagnostiqué un hématome du psoas, muscle fléchisseur de la hanche, qui a justifié son hospitalisation à la clinique Saint-André du 13 février au 12 mars 2017 et une nouvelle intervention chirurgicale pour évacuer l'hématome le 23 février 2017. Au cours de cette hospitalisation a été constatée une parésie crurale gauche qui a justifié par la suite une réadaptation et une rééducation pendant de nombreux mois. Le 7 juillet 2017, M. A... a sollicité auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation des accident médicaux de Champagne-Ardenne l'indemnisation du dommage qu'il a subi en raison de cette dernière intervention. Par un avis du 2 juillet 2019, cette commission a retenu qu'il incombait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale de faire une offre d'indemnisation au requérant. Par un courrier du 22 novembre 2019, l'ONIAM a refusé de faire une offre d'indemnisation à l'intéressé. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 148 643 euros en réparation du dommage qu'il a subi.

Sur le caractère anormal du dommage :

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions.

3. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.

4. En premier lieu, M. A... soutient qu'il a subi un dommage anormal au regard de son état de santé antérieur dès lors qu'aucun élément du dossier ne permettrait de conclure que l'évolution de sa pathologie initiale ayant motivé la pose d'une prothèse de hanche aurait été l'aggravation de la symptomatologie d'origine l'exposant à une invalidité du membre inférieur gauche. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des conclusions des Dr C... et Dr D... transcrites dans leurs rapports d'expertise des 3 avril 2018 et 17 mai 2019 ainsi que dans le complément d'expertise du 22 juin 2018, que la parésie crurale dont demeure atteint M. A... est une conséquence de l'hématome du psoas survenu en février 2017, qui a nécessité, pour l'évacuer, une intervention chirurgicale le 23 février 2017, lui-même consécutif à une complication due à la prise de son traitement au long cours d'anticoagulants par anti-vitamines K. Les experts médicaux ont d'ailleurs conclu que cet hématome du psoas était sans rapport avec l'intervention de prothèse de hanche. En l'absence de prise en charge de l'hématome du psoas, M. A... aurait probablement souffert d'une paralysie du membre inférieur gauche compte tenu de sa vulnérabilité liée à son traitement anticoagulant curatif au long cours et de l'hypocoagulabilité en résultant de sorte que, contrairement à ce que le requérant soutient, la prise en charge de l'hématome du psoas n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

5. En second lieu, M. A... se prévaut de ce que la survenance du dommage présentait une probabilité faible qui serait inférieure à 5 % en reprenant les termes des rapports d'expertise. Il résulte notamment du rapport du Dr C... et du Dr D... que le traitement anticoagulant suivi était un facteur de vulnérabilité favorisant la survenue d'hématomes ou de saignements et que la probabilité de survenance de cruralgie liée à un hématome du psoas, si elle est de l'ordre de 1,1 et 4,9 % en principe, est trois fois plus élevée en présence, comme en l'espèce, d'une valve aortique mécanique. Aux termes de l'article " Taux annuel d'hémorragies majeures et/ou fatales sous AVK " publié dans " Repères pratique " en 2001 et versé au débat, le taux d'accident hémorragique majeur annuel varie de l'ordre de 0,41 à 8,3 % chez les patients porteurs de prothèses valvulaires sous anticoagulant par antivitamines K. La probabilité est plus élevée pour les patients en situation de surdosage d'AVK atteignant dans ce cas une fréquence de 17 %. Ces données sont confirmées par les études publiées sur cette question en 2009 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et les recommandations de la Haute Autorité de santé en avril 2008. Or, selon les rapports d'expertise, M. A... présentait le 13 février 2017 un indice de coagulation élevé de 5,1 (INR) correspondant à un surdosage de son traitement par antivitamines K qui est susceptible d'accroitre de manière significative les risques d'accident hémorragique. Dans ces conditions, et en prenant en compte l'âge et l'examen clinique de l'intéressé, M. A... ne peut être regardé comme ayant subi un dommage accidentel dont la probabilité de survenance est faible et ne peut soutenir, par suite, que ce dommage présente un caractère anormal ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions susvisées.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 148 643 euros en réparation du dommage qu'il a subi.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I DE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : M. WallerichL'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

Signé : Mme Guidi

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 21NC03173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03173
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : UGGC AVOCATS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;21nc03173 ?
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