Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, l'arrêté du 6 mars 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401992 du 6 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2401992 du 6 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle car la préfète n'a pas pris en compte la présence de tous les membres de sa famille en France avec lesquels il entretient des liens forts ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait et en droit, notamment au regard de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 :
. il ressort des termes de la décision litigieuse que la préfète, qui n'a pas mentionné cet article, n'a également pas procédé à la vérification de son droit au séjour alors qu'elle y était tenue ;
. il a ainsi été privé d'une garantie ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en raison du défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La procédure a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 12 août 2024 à midi.
Les parties ont été informées le 5 mars 2025, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible d'enjoindre d'office au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. A... B....
Le préfet du Bas-Rhin a émis des observations le 5 mars 2025 qui ont été communiquées.
Les parties ont été informées le 6 mars 2025, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à la condamnation de M. A... B... au paiement de l'amende prévue à l'article R. 742-12 du code de justice.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant congolais né en 1993, est entré sur le territoire français le 11 février 2023. Il a sollicité l'asile le 16 février 2023. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 septembre 2023, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 29 janvier 2024. Par un arrêté du 6 mars 2024, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... B... demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement du 6 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.
3. L'arrêté en litige mentionne que M. A... B... est célibataire et sans enfant et que " les liens personnels et familiaux de l'intéressé en France ne sont pas anciens, intenses et stables ". Il ressort toutefois des pièces du dossier et en particulier du formulaire de demande d'asile remis le 16 février 2023 à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de la fiche d'évaluation de vulnérabilité établie par l'Office français de l'immigration de l'intégration (OFII) le 16 février 2023 et du résumé de l'entretien avec l'officier de protection qui s'est déroulé à l'Office le 26 mai 2023 que la mère du requérant, ainsi que son père, son frère et ses trois sœurs vivent en France. Sa mère est titulaire d'une carte de résidant et ses deux sœurs ainées et son frère sont de nationalité française. Enfin, le requérant est père d'un enfant né en France le 12 septembre 2023 issu de sa relation avec une ressortissante camerounaise. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été exposé au point 2, M. A... B... est fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, qui n'établit pas qu'elle aurait pris la même décision si elle avait été informée de ces circonstances, a entaché sa décision d'une erreur de fait. Par suite la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination et celle portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 mars 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "
6. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet du Bas-Rhin réexamine la situation de M. A... B.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 6 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 6 mars 2024 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de cette même date.
Article 3 : L'Etat versera à Me Airiau une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Airiau.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président de chambre,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 21NC01493