Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Par un jugement n° 2303738 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 novembre 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a enjoint à la préfète des Vosges de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2024, sous le n° 24NC01119, la préfète des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303738 du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges, pour annuler l'arrêté du 23 novembre 2023, ont considéré qu'elle avait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux et complet de la situation personnelle de M. B... aux motifs :
. qu'elle n'avait pas pris en compte le diplôme de celui-ci obtenu dans le domaine de la construction et de l'isolation thermique en 2007, lequel a seulement été produit à l'instance et non lors de sa demande de titre de séjour ;
. qu'elle ne s'était pas intéressée aux difficultés de recrutement du secteur professionnel dans lequel M. B... souhaitait travailler alors qu'elle a mentionné dans la décision litigieuse que ce secteur de l'isolation thermique n'est pas " sous tension " dans la région Grand Est, alors qu'il appartenait à M. B... de démontrer les difficultés de recrutement effectives ; ce faisant, les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2025, M. B..., représenté par Me Jeannot, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) en tout état de cause, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2023 et à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
3°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Vosges, d'une part, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et, d'autre part, de le retirer du signalement aux fins de non admission dans le système Schengen (DIS) dont il fait l'objet sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à la condamnation de la préfète des Vosges à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que c'est à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral et reprend les moyens de première instance.
Par une intervention, enregistrée le 5 mars 2025, la SARL Isola Scala, employeur de M. B..., demande à la cour de rejeter la requête de la préfète des Vosges.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux ;
- et les observations de Me Jeannot représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 12 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 31 décembre 1989, est entré une première fois en France en 2018 et est retourné dans son pays en vue d'y solliciter un visa, lequel lui a été refusé le 25 octobre 2019. Il est entré une nouvelle fois en France à une date indéterminée et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 21 juillet 2023. Par un arrêté du 28 novembre 2023, la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté préfectoral du 28 novembre 2023 et a formulé également des conclusions à fin d'injonction. La préfète des Vosges relève appel du jugement du 11 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 novembre 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B....
Sur l'intervention de la SARL Isola Scala :
2. La SARL Isola Scala, qui a présenté une intervention, n'était pas représentée par un avocat. Par suite, son intervention n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement des dispositions précitées, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle
au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond
à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre
la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait
d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient,
en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment,
si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques
de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Pour refuser à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, la préfète des Vosges a mentionné dans l'arrêté litigieux du 28 novembre 2023 que si M. B..., présentait une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée du 11 avril 2023, en tant que calorifugeur, il ne faisait état d'aucune qualification particulière, d'expérience ou de diplôme au regard de cet emploi et que ce domaine professionnel n'était pas considéré comme en tension dans la région Grand Est.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. B... avait suivi une formation de construction d'isolation thermique entre 2005 et 2007 en Albanie, en lien avec l'emploi de calorifugeur pour lequel il a produit une promesse d'embauche. Dans ces conditions, et dès lors que l'attestation de formation révèle une situation qui existait à la date d'édiction de l'arrêté en litige, M. B... est fondé à soutenir que la préfète des Vosges a commis une erreur de fait en estimant qu'il ne justifiait d'aucune qualification pour l'emploi envisagé.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète des Vosges n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 novembre 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la SARL Isola Scala n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la préfète des Vosges est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à la SARL Isola Scala.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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No 24NC01119