Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Seca Prestations Viticoles (ci-après SPV) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 17 septembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Grand Est lui a infligé une amende de 6 500 euros pour différents manquements aux articles L. 713-20 et R. 713-35 à 37 du code rural et de la pêche maritime et a retiré la décision initiale de sanction du 19 juin 2019, et d'annuler en conséquence la décision du 19 juin 2019.
Par un jugement n° 1902734 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 9 février 2024, la société SPV, représentée par Me Couvreur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 mars 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 17 septembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Grand Est lui a infligé une amende de 6 500 euros et a retiré la décision initiale de sanction du 19 juin 2019 et en conséquence d'annuler la décision du 19 juin 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions qu'elle avait présentées tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2019 au motif qu'elle avait été retirée par la décision du 17 septembre 2019 ;
- à titre principal, le jugement attaqué est insuffisamment motivé concernant le moyen qu'elle avait soulevé en première instance tiré de ce que la décision du 17 septembre 2019 est insuffisamment motivée en droit et en fait ; la décision du 17 septembre 2019 n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait, ce qui ne lui a pas permis de comprendre les manquements qui lui étaient reprochés ; le caractère contradictoire de la procédure, tel que prévu par les dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, a été méconnu dès lors qu'elle n'a pas été avisée correctement des manquements qui lui étaient reprochés ;
- à titre subsidiaire, la décision du 17 septembre 2019 est entachée d'une erreur de droit dès lors que la société n'est pas soumise à l'obligation de tenir un décompte horaire de chacun de ses salariés ; elle est également entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle retient, de manière erronée, treize travailleurs pour le calcul de l'amende alors qu'elle n'en énumère que onze ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'en transmettant, le 21 mai 2019, soit postérieurement au contrôle mais antérieurement à la décision du 19 juin 2019, des fiches de décomptes horaires individuelles et nominatives concernant les treize salariés en litige à la DIRECCTE, qui seule a un pouvoir de sanction et non pas l'agent de contrôle, la société a régularisé sa situation, qui n'appelait, le cas échéant, qu'un rappel à l'ordre ; les décomptes horaires des treize salariés n'ont pu être effectués que le 27 août 2018 au soir puisque cette date correspond à celle de leur embauche le matin même ; les premiers juges n'ont pas répondu à ce dernier moyen ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'amende prononcée est disproportionnée compte tenu de sa bonne foi, de sa taille et de sa situation financière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société SPV ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,
- et les conclusions de Mme A..., Mosser rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Seca Prestations Viticoles (SPV) exerce une activité de prestataire de services agricoles. A cet égard, elle met des équipes de travailleurs saisonniers à disposition des viticulteurs. Lors de contrôles effectués au sein de parcelles de vignes situées chemin d'Avize à Chouilly (Marne) les 27 août 2018, 3 septembre 2018 et 2 octobre 2018, l'inspection du travail a constaté la présence de treize salariés de nationalité polonaise affectés à la cueillette du raisin employés par la société SPV, dans le cadre du titre emploi simplifié. Par un rapport du 27 janvier 2019, l'inspectrice du travail a informé la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Grand Est que ces salariés vendangeurs étaient soumis à des horaires variables sans que des documents de décomptes horaires aient été établis par leur employeur, en méconnaissance des dispositions des articles L. 713-20 et R. 713-35 à 37 du code rural et de la pêche maritime. Aussi, par une première décision du 19 juin 2019, prise à l'issue de la procédure contradictoire prévue par l'article R. 8115-10 du code du travail, la DIRECCTE du Grand Est a prononcé à l'encontre de la société SPV une amende administrative d'un montant de 7 800 euros. A la suite du recours gracieux exercé le 8 août 2019 par la société requérante, la directrice régionale a, par une nouvelle décision du 17 septembre 2019, procédé au retrait de la décision du 19 juin 2019 et infligé à la société SPV une amende d'un montant réduit à 6 500 euros. La société SPV relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 septembre 2019 et de la décision du 19 juin 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments de la société requérante, ont répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par l'intéressée, en particulier au moyen tiré de ce que la décision du 17 septembre 2019 serait entachée d'un défaut de motivation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, les premiers juges ont indiqué au point 7 du jugement attaqué que la société requérante avait remis à la DIRECCTE des fiches horaires individuelles et nominatives des treize salariés à l'appui de ses observations écrites du 21 mai 2019, lors de la procédure contradictoire, mais que ces fiches étaient discordantes avec ses propres déclarations aux cours des opérations de contrôle. Ils soulignaient également que la société requérante ne contestait pas la réalité des manquements relevés par les agents de contrôle le 27 août 2018. Le tribunal administratif a ajouté que l'absence de remise, à cette date, des décomptes des heures de travail des salariés était de nature à justifier l'infliction de l'amende administrative. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges, qui, comme cela a été indiqué au point précédent, n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties mais seulement aux moyens qui ont été soulevés, ont omis de répondre à l'argument tiré de ce que sa situation n'appelait qu'un rappel à l'ordre de la part de la DIRECCTE. Par suite, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.
Sur les vices propres de la décision 17 septembre 2019 :
4. Aux termes de l'article L. 719-10 du code rural et de la pêche maritime : " L'employeur encourt les amendes administratives prévues au premier alinéa de l'article L. 8115-1 et aux articles L. 8115-2 à L. 8115-7 du code du travail en cas de manquement : / (...) 3° Aux dispositions relatives au décompte du temps de travail prévues à l'article L. 713-20 et aux mesures réglementaires prises pour leur application (...). / Les sanctions sont mises en œuvre dans les conditions définies à l'article L. 8113-7 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 8115-5 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 713-19 du code rural et de la pêche maritime s'agissant du régime de l'amende administrative : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. ". Aux termes de l'article R. 8115-10 du même code : " Par dérogation à l'article R. 8115-2, lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4754-1 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient. ".
5. En premier lieu, la décision du 17 septembre 2019 vise les dispositions des articles L. 713-20 et R. 713-35 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Elle expose, notamment, les constats réalisés par l'inspectrice du travail tenant à l'absence de décomptes horaires des treize salariés vendangeurs présents lors des contrôles cités au point 1 du présent arrêt, ainsi que les différents documents transmis par la société requérante lors de la procédure contradictoire, intitulés " outils de calcul ". Elle relève que ces documents n'ont pas été remis à l'inspectrice du travail puisqu'ils ont été établis postérieurement aux contrôles et qu'ils indiquent un nombre d'heures de travail reconstituées à partir de la rémunération calculée à la tâche des salariés qui ne correspondent pas forcément au nombre d'heures de travail réellement effectuées, ce qui contrevient aux obligations définies aux articles précités. Dès lors, cette décision comporte, de manière suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du vice de forme doit être écarté comme manquant an fait.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que par un courrier du 10 mai 2019, la directrice régionale a informé la société SPV de son manquement à l'obligation d'établir des documents de décompte de la durée du travail de ses salariés et de la sanction envisagée et elle l'a invitée à présenter des observations écrites ou orales, sur sa demande. La société requérante soutient que ce courrier ne l'a pas mise à même de connaître l'infraction qui lui était reprochée au motif d'une part, qu'il mentionne, à tort, les dispositions de l'article L. 3171-2 du code du travail relatives au travail selon des horaires non collectifs, qui ne s'appliquent pas à sa situation, et que d'autre part, il vise les articles L. 713-20 et R. 713-25 et R. 713-36 du code rural et de la pêche maritime qui prévoient des obligations alternatives. Toutefois, le courrier litigieux indiquait avec une précision suffisante les constats effectués lors des contrôles par l'inspectrice du travail ainsi que les griefs qui étaient formulés à l'encontre de l'employeur, de nature à justifier la sanction administrative envisagée. Aussi, nonobstant la mention erronée de l'article L. 3171-2 du code du travail, simple erreur de plume n'ayant pu induire en erreur la société requérante, celle-ci, qui n'a au demeurant pas exercé la faculté qui lui était proposée par ce courrier d'obtenir communication du rapport de contrôle, a été en mesure de connaître les manquements qui lui étaient reprochés. D'ailleurs, en réponse à ce courrier, la société SPV a présenté des observations écrites dès le 21 mai 2019 qui étaient assortis de plusieurs documents relatifs, notamment, au nombre d'heures de travail effectués par quatorze salariés. Ce faisant, l'administration s'est conformée à la procédure contradictoire telle que prévue par l'article R. 8115-10 du code du travail. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, la décision initiale du 19 juin 2019, retirée ultérieurement par la décision 17 septembre 2019, a détaillé les dispositions applicables et l'ensemble des éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour décider de la sanction, tant dans son principe que dans son quantum, et le recours gracieux exercé par la société et dirigé contre cette décision du 19 juin 2019 a permis à la requérante de présenter utilement de nouvelles observations sur ces deux aspects, lesquelles ont été effectivement prises en compte par l'administration. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de caractère contradictoire de la procédure préalable à l'édiction de la sanction doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'amende administrative :
7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 713-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont soumis aux dispositions du présent chapitre : / 1° Les exploitations, entreprises et établissements énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 722-1, à l'exception des entreprises de travaux agricoles qui effectuent un travail aérien ; ". Aux termes de l'article L. 722-1 du même code : " Le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous : (...° / 2° Entreprises de travaux agricoles définis à l'article L. 722-2 ; ". Aux termes de l'article L. 722-2 du code rural et de la pêche maritime : " Sont considérés comme travaux agricoles : / 1° Les travaux qui entrent dans le cycle de la production animale ou végétale, les travaux d'amélioration foncière agricole ainsi que les travaux accessoires nécessaires à l'exécution des travaux précédents ; /2° Les travaux de création, restauration et entretien des parcs et jardins comprenant les travaux de maçonnerie paysagère nécessaires à l'exécution des travaux précédents ".
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 713-20 du code rural et de la pêche maritime : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les obligations mises à la charge des employeurs en vue de permettre le contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article R. 713-35 de ce code : " En vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37 (...)" Aux termes de l'article R. 713-36 du même code : " L'employeur enregistre, chaque jour, sur un document prévu à cet effet, le nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié, ou groupe de salariés, ou les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail ". Aux termes de l'article R. 713-37 dudit code : " A défaut de mettre en œuvre les modalités prévues à l'article R. 713-36, l'employeur affiche, pour chaque jour de la semaine, les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. / Cet horaire est affiché dans chacun des lieux de travail auxquels il s'applique, aux emplacements réservés aux communications destinées au personnel ou, à défaut, dans un local qui lui est accessible. /Signé par l'employeur ou un de ses représentants, il précise la date à laquelle il prend effet. Un exemplaire en est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail avant sa mise en vigueur. / Toute modification de l'horaire doit être, préalablement à sa mise en service, portée à la connaissance du personnel et de l'agent de contrôle de l'inspection du travail selon les mêmes modalités. Il en est de même si l'employeur décide de substituer à l'affichage de l'horaire le procédé de l'enregistrement prévu à l'article R. 713-36./ Sauf preuve contraire de l'employeur, les salariés sont présumés avoir accompli l'horaire affiché ; ils ne peuvent être employés en dehors de cet horaire./ Aux lieu et place de l'affichage, l'employeur peut remettre au salarié concerné, contre décharge, un document sur lequel est porté son horaire, établi dans les conditions et avec les effets énoncés aux alinéas 1 à 5./ Mention est faite de cette remise sur l'exemplaire de l'horaire transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail. ". Aux termes de l'article R. 713-39 de ce code, " Les documents et autres supports mentionnés aux articles R. 713-36 et R. 713-37 doivent permettre d'identifier les salariés auxquels ils s'appliquent ".
9. Il est constant que l'activité exercée par la société SPV entre dans le champ des dispositions combinées des articles L. 713-1, L. 722-1 et L. 722-2 du code rural et de la pêche maritime citées au point précédent. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société requérante était soumise à l'obligation définie à l'article R. 713-35 tenant à l'établissement de décomptes horaires de ses salariés, cette obligation n'étant pas dépendante du fait que ces derniers soient, ou non, soumis au même horaire collectif de travail. A cet égard, la société SPV ne saurait se prévaloir des dispositions du code du travail qui dispensent l'employeur, en pareille hypothèse, d'établir un décompte individualisé du temps de travail de chaque salarié, dès lors que ces dispositions ne lui sont pas applicables. En outre, elle ne saurait soutenir que les décomptes horaires des treize salariés ne pouvaient être effectués que le 27 août 2018 au soir au motif qu'ils avaient été embauchés le matin même. Au surplus, et comme l'ont relevé les premiers juges, si l'employeur a le choix entre les modalités de contrôle prévues aux articles R. 713- 36 et R. 713-37 du code rural et de la pêche maritime, il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, la société SPV n'a fait application ni des dispositions de l'article R. 713-36, ni de celles de l'article R. 713-37 précités. C'est par conséquent sans erreur de droit que l'autorité administrative a infligé à la société SPV l'amende en litige.
10. En deuxième lieu, si la société SPV soutient que la décision du 17 septembre 2019 est également entachée d'une erreur de fait au motif qu'elle retient, de manière erronée, treize travailleurs pour le calcul de l'amende alors qu'elle n'en identifie que onze, il ressort toutefois des termes de cette décision qu'elle fait référence au " manquement concernant treize salariés " et à une amende encourue de 26 000 euros calculée sur la base de ces treize salariés. Ainsi, dès lors que l'administration ne s'est pas fondée sur un nombre de salariés inexact pour calculer l'amende en litige, la circonstance que seuls onze salariés soient nominativement identifiés dans cette décision ne l'entache pas d'erreur de fait, alors par ailleurs que la société requérante a elle-même produit des justificatifs pour treize salariés présents sur le site lors du contrôle. Par suite, ce moyen doit être écarté.
11. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a régularisé sa situation en transmettant à la DIRECCTE, le 21 mai 2019, soit postérieurement au contrôle mais antérieurement à la décision du 19 juin 2019, des fiches de décomptes horaires individuelles et nominatives concernant les treize salariés en litige, et que par conséquent, sa situation ne pouvait, le cas échéant, faire l'objet que d'un rappel à l'ordre de la part de la DIRECCTE. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
12. En quatrième lieu, il résulte de l'article L. 8115-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, issue de l'ordonnance n° 20216-413 du 7 avril 2016, que " le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement ". Selon l'article L. 8115-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 10 avril 2018 : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
13. Il résulte de l'instruction que pour fixer, dans sa décision du 17 septembre 2019, le montant de l'amende en litige à 6 500 euros, la directrice régionale a retenu un montant de 500 euros pour chacun des treize salariés. Elle a évalué ce montant en retenant l'absence, lors des contrôles, de document de décompte de la durée du travail permettant à l'inspection du travail de s'assurer du respect des règles relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos et de vérifier la rémunération correspondante due aux salariés. Elle a également retenu le fait que la période des vendanges est caractérisée habituellement par un nombre d'heures de travail élevé qui rend d'autant plus utile la tenue de tels documents de contrôle. Elle a également estimé que la bonne foi de l'employeur ne pouvait pas être retenue compte-tenu des trois rappels à ses obligations et de ce que les documents finalement produits par la société SPV étaient contradictoires et inexploitables. Enfin, elle a réduit le montant de l'amende initialement envisagée en décidant de prendre en compte la transmission de deux bilans comptables déficitaires présentés par la société SPV dans le cadre de son recours gracieux exercé le 8 août 2019. Or, en se bornant à faire valoir que la réglementation en la matière est complexe, qu'il s'agit d'une petite entreprise, que le gérant a été coopératif avec l'administration, ce qui est au demeurant erroné, et que sa situation financière était déficitaire, la société requérante ne démontre pas le caractère disproportionné de l'amende qui lui a été infligée. Dans ces conditions, le montant de la sanction retenue par l'administration apparaît adapté et proportionné aux circonstances et à la gravité des manquements ainsi qu'au comportement de leur auteur, comme à ses ressources et à ses charges. Par ailleurs, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de sa bonne foi alors que d'une part, ses déclarations relatives aux horaires de travail de ses salariés ont été discordantes au cours des opérations de contrôle, que d'autre part, elle a adressé aux services de contrôle des documents inexploitables et qu'enfin, les derniers décomptes qu'elle a enfin transmis à l'inspection du travail à la suite de demandes formulées à trois reprises sont en contradiction avec ceux qu'elle a déposés auprès de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Par conséquent, le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de l'amende doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société requérante, dès lors qu'ils ont admis la légalité de la décision de retrait du 17 septembre 2019 et rejeté les conclusions à fin d'annulation y afférentes, c'est à juste titre que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision précédente du 19 juin 2019.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Seca Prestations viticoles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 septembre 2019 par laquelle la DIRECCTE du Grand Est lui a infligé une amende de 6 500 euros et de la précédente décision du 19 juin 2019.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société SPV au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Seca Prestations Viticoles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Seca Prestations Viticoles et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience publique du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°21NC01339 2