Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Par deux requêtes distinctes Mme G... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination, ainsi que les deux arrêtés du 25 septembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence.
Par deux requêtes distinctes M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination, ainsi que les deux arrêtés du 25 septembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2306784, 2306785, 2306814, 2306815 du 9 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé les demandes dirigées contre les deux refus de titre ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties vers une formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus.
Par un jugement n° 2306784, 2306785 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions dirigées contre les refus de titre de séjour.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23NC03646, Mme G... D..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 9 octobre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 7 juillet 2023 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination ;
3°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre, à la préfète du Bas-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2400 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre lequel méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- cette décision est illégale dès lors qu'elle doit se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier à défaut de prendre en compte les circonstances humanitaires dont elle s'est prévalue ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- cette décision prise alors que sa demande d'aide juridictionnelle pour contester la mesure d'éloignement n'a toujours pas été examinée la prive de son droit à un recours effectif ;
- la préfète du Bas-Rhin s'est à tort cru en situation de compétence liée à l'expiration du délai de départ volontaire ;
- l'interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que l'article 5.a de la du 16 décembre 2008 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- compte tenu de l'expiration de la durée de l'assignation à résidence il n'y aura plus lieu de statuer sur la légalité de cette décision.
II. Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23NC03647, M. C... B..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 9 octobre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 7 juillet 2023 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination ;
3°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre, à la préfète du Bas-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2400 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre lequel méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- cette décision est illégale dès lors qu'il doit se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier à défaut de prendre en compte les circonstances humanitaires dont il s'est prévalu ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- cette décision prise alors que sa demande d'aide juridictionnelle pour contester la mesure d'éloignement n'a toujours pas été examinée le prive de son droit à un recours effectif ;
- la préfète du Bas-Rhin s'est à tort cru en situation de compétence liée à l'expiration du délai de départ volontaire ;
- l'interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que l'article 5 a de la directive retour et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- compte tenu de l'expiration de la durée de l'assignation à résidence il n'y aura plus lieu de statuer sur la légalité de cette décision.
III. Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024 sous le n° 24NC00533, Mme F..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 novembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, à la préfète du Bas-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2400 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les orientations de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
IV. Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024 sous le n° 24NC00534, M. C... B..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 novembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, à la préfète du Bas-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, , à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2400 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les orientations de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Mme D... et M. B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 20 novembre 2023 et du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 23NC03646, 23NC03647, 24NC00533 et 24NC00534, relatives à la situation d'un couple de ressortissants étrangers de même nationalité, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
2. Mme D... et M. B..., de nationalité albanaise, nés respectivement en 1978 et 1979, sont entrés en France le 3 février 2017 pour y solliciter l'asile. Leur demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 septembre 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 août 2018. Par deux arrêtés du 7 juillet 2023 la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Par deux arrêtés du 25 septembre 2023 elle a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par les présentes requêtes, Mme D... et M. B... demandent à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 9 octobre 2023 et le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 novembre 2023 rejetant leurs demandes d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Mme D... et M. B... font valoir qu'ils sont entrés en France le 3 février 2017 accompagnés de leurs deux enfants mineurs A... et E... qui y sont depuis scolarisés avec de très bons résultats, que l'aîné est intégré avec son père dans un club sportif et que ce dernier bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon. Toutefois, ils n'établissent pas être démunis d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où résident six sœurs de M. B... et quatre sœurs de Mme D... et dans lequel ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de 46 et 39 ans. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie et que les enfants y poursuivent leur scolarité. En outre, alors que leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 27 août 2018, les requérants n'apportent aucun élément de nature à étayer l'existence de risques d'y subir des traitements inhumains et dégradants. S'ils font enfin valoir que leur fils aîné souffre d'un trouble réactionnel et bénéficie à ce titre d'un suivi psychiatrique, le seul certificat médical qu'ils produisent ne suffit, en tout état de cause, pas à établir que leur enfant ne pourrait être médicalement pris en charge en Albanie. Dans ces circonstances, Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a pris le refus de séjour en litige. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'elle n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur de leurs enfants. Par suite, la décision contestée ne méconnaît ni les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle ne méconnaît pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
6. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme D... et de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.
7. En troisième lieu, si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, Mme D... et M. B... ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont illégales par exception d'illégalité des refus de titre de séjour.
9. En second lieu, les moyens tirés de ce que les requérants entrent dans le champ des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile leur ouvrant droit à un titre de séjour de plein droit, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leur situation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions seraient illégales par exception d'illégalité des obligations de quitter le territoire français.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions seraient illégales par exception d'illégalité des obligations de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, pour motiver les interdictions de retour d'un an les arrêtés contestés relèvent que Mme D... et M. B... se sont maintenus sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui leur avait été accordé, qu'ils n'ont pas fait valoir et qu'il ne ressort pas de leurs dossiers que des circonstances humanitaires justifieraient que de telles mesures ne soient pas prononcées à leur encontre et, enfin, que leurs liens personnels et familiaux en France, au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, ne sont pas tels que la durée d'un an d'interdiction de retour porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Elles sont, par suite, suffisamment motivées.
14. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers et notamment des motivations des décisions contestées que la préfète du Bas-Rhin a pris en compte l'ensemble des éléments des dossiers et notamment ceux relatifs à la vie privée et familiale des intéressés. Par suite, alors même que les décisions relèveraient à tort que Mme D... et M. B... n'auraient pas formellement fait valoir de circonstances humanitaires, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de leurs situations doivent être écartés.
15. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète du Bas-Rhin se serait crue en situation de compétence liée à l'expiration des délais de départ volontaire accordés à Mme D... et M. B... pour édicter les décisions portant interdiction de retour. Ces moyens doivent donc être écartés.
16. En cinquième lieu, en application de l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français ne peut être exécutée d'office avant l'expiration du délai prévu pour exercer un recours contentieux à son encontre et 1'exercice de ce recours contentieux suspend son caractère exécutoire jusqu'à la fin de l'instance. Par suite, dès lors qu'une demande d'aide juridictionnelle préserve ce délai de recours, l'édiction des interdictions de retour litigieuses alors qu'il n'avait pas encore été statué sur les demandes d'aide juridictionnelle formulées par Mme D... et M. B... afin de contester les obligations de quitter le territoire prises à leur encontre le 7 juillet 2023 n'a pu avoir pour effet de porter atteinte à leur droit au recours qu'ils ont d'ailleurs effectué. Leurs moyens doivent donc être écartés.
17. En sixième et dernier lieu, la situation de Mme D... et M. B..., décrite au point 4 ne révèle pas de circonstances humanitaires pouvant justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour malgré leur non-respect du délai de départ volontaire. Pour les mêmes motifs que ceux exposés à ce même point, ces interdictions de retour ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que l'article 5 de la directive du 16 décembre 2008 et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle des requérants.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg et le magistrat désignés par son président ont rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin des 7 juillet 2023 et 25 septembre 2023. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme D... et M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULa présidente,
Signé : S. BAUERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03646, 23NC03647, 24NC00533, 24NC00534 2