Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2201297 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, M. A..., représenté par Me Woldanski, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- il ne présente pas une menace à l'ordre public dès lors qu'il a été fait droit à sa requête en effacement du casier judiciaire ;
- il participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
Par un mémoire enregistré le 28 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né le 25 décembre 1996, est entré en France le 18 février 2007 sous couvert d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial. Le 18 février 2014, il a obtenu un premier titre de séjour portant la mention " enfant entré au titre du regroupement familial ", lequel a régulièrement été renouvelé de 2016 à 2021. Le 22 avril 2021, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 3 juin 2022, le préfet du Doubs a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 juin 2022 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père (...) d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent à permettre aux parents d'enfants français mineurs de demeurer sur le territoire national pour pourvoir, dans de meilleures conditions, à leur éducation et à leur entretien, que lorsque la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, la délivrance de ce titre est subordonnée à la condition, notamment, qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou au moins depuis deux ans. Il appartient, dès lors, pour l'application de ces dispositions, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, si le demandeur contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant.
4. Par ailleurs, les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour et d'éloignement et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
5. A supposer que M. A... ait entendu solliciter un titre de séjour en qualité de conjoint de français ou de parent d'un enfant français, il ressort des pièces du dossier que, depuis sa minorité, au mois d'octobre 2013, et jusqu'au mois de mai 2021, il a été impliqué, en qualité d'auteur, dans de nombreuses infractions à raison desquelles il a notamment été condamné à des peines d'emprisonnement de trois mois en 2017 pour des faits de communication non autorisée avec un détenu et de dix-huit mois en 2018 pour des faits de violences aggravées ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours de la victime et de dégradation de bien d'autrui. La circonstance que M. A... ait obtenu, au demeurant postérieurement à la décision attaquée, l'effacement de ces condamnations du bulletin n° 2 du casier judiciaire est sans incidence sur la réalité des faits commis et sur la menace pour l'ordre public qui procède du comportement délictueux récurrent de l'intéressé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait amendé à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le préfet du Doubs a pu, sans commettre une erreur d'appréciation, rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... au motif que, compte tenu de la nature et la répétition des infractions commises, sa présence sur le territoire français constitue une menace à l'ordre public.
6. Ensuite, M. A... se prévaut de sa vie commune avec son épouse et leur enfant, née le 23 juin 2021, ainsi que de la reconnaissance de sa situation de handicap. Toutefois, la relation dont il se prévaut présente un caractère récent, l'union ayant été célébrée le 7 novembre 2020. Par ailleurs, le 24 décembre 2021, les services de la police aux frontières ont présenté un rapport à la suite de l'enquête diligentée dans le cadre de la demande de renouvellement de titre de séjour dans lequel il est précisé que les époux se sont contredits sur plusieurs points, en particulier sur les circonstances de leur rencontre, M. A... n'ayant pas été en mesure de donner la date de leur mariage. M. A... n'apporte pas plus d'élément dans le cadre de la présente instance. Il ne justifie pas non plus contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille mineure. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour attaqué aurait été pris en violation des dispositions précitées.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entrée en France en 2014. S'il se prévaut de son union en date du 7 novembre 2020, il ne justifie pas, en dépit de l'ancienneté de son séjour de liens, de nature privée et familiale, particulièrement intenses et stables sur le territoire français. Il ne justifie pas non plus d'une intégration professionnelle en dépit de sa reconnaissance de travailleur handicapé lui permettant de travailler. Il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant. En outre, sa présence sur ce territoire représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., aurait porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux raisons pour lesquelles il a pris cette décision. Il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant née le 23 juin 2021.
9. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit quant à la légalité du refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de ce refus.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Woldanski et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2025.
La rapporteure,
Signé : N. B...
Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC01693