Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 10 août 2023 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306842 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2024, M. C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2306842 du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 10 août 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire " Valls " ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision d'éloignement méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 15 février 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais né le 24 février 1979, déclare être entré en France le 10 mars 2015, afin de demander l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 20 mai 2016. M. C... a obtenu deux autorisations provisoires de séjour en tant qu'étranger malade. Il a ensuite fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 8 février 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 juin 2020. Le 14 octobre 2020, M. C... a sollicité une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables. Par un arrêté du 24 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement n° 2306842 du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Le requérant se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2015, de ses titres de séjour en raison de son état de santé délivrés du 6 décembre 2016 au 8 février 2019, de ses contrats de travail en qualité d'intérimaire pour Adecco et de la scolarisation depuis trois années de son fils, né le 6 décembre 2017, dont il soutient avoir contribué à l'entretien jusqu'au mois de juillet 2022, étant depuis lors en situation d'impécuniosité. Le requérant se prévaut en outre de sa relation avec une ressortissante congolaise, avec laquelle il a eu une fille le 14 août 2020, qui est scolarisée en petite section de maternelle. Toutefois, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu de liens. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il a également cinq autres enfants, qui résident en Angola, au Canada et au Brésil, et que les mères de ses deux autres enfants résidant en France sont également de nationalité congolaise. Il n'est en outre pas établi, ni même allégué, que ces dernières résideraient régulièrement sur le territoire et auraient vocation à s'y établir durablement. Enfin, si le juge aux affaires familiales a interdit à chacun des deux parents de son fils, B..., de quitter le territoire national sans l'accord de l'autre parent, cette circonstance ne lui confère pas un droit au séjour. En outre, cette restriction à la sortie du territoire de l'enfant ne fait pas obstacle à ce que les deux parents retournent avec lui au Congo dont ils sont tous deux originaires. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion du requérant, notamment professionnelle, la décision de refus de séjour ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète du Bas-Rhin n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
5. Les éléments énoncés au point 3 dont se prévaut le requérant pour demander son admission exceptionnelle au séjour ne suffisent pas à caractériser un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens des dispositions précitées. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 3, et alors que la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. C... de leurs parents, le moyen tiré des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
8. En dernier lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui ne comporte que de simples orientations générales et n'a pas de caractère réglementaire.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 10 août 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC00692