Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202904 du 5 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2023, Mme A..., représentée par la SCP Bloquaux et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 mai 2023 ;
2°) d'annuler du 28 novembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte et de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet des Ardennes n'a pas produit.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., ressortissante béninoise, née le 26 janvier 1988, est entrée en France le 30 avril 2019 sous couvert d'un visa de long séjour, valant titre de séjour, en sa qualité de conjoint de Français, valable jusqu'au 24 avril 2020, à la suite de son mariage le 15 mars 2019. Elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour le 21 décembre 2021. Par un arrêté du 28 novembre 2022, le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année. Par un jugement du 5 mai 2023, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet des Ardennes, après avoir visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment l'article L. 423-1 relatif à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français, a indiqué que l'intéressée n'en remplissait plus les conditions à défaut de justifier d'une communauté de vie avec son époux, en se référant à une enquête de police réalisée le 2 novembre 2022. Alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l'enquête de police réalisée le 2 novembre 2022 et des déclarations de son époux que la requérante ne justifie plus d'une communauté de vie avec ce dernier depuis le 4 octobre 2019 et qu'elle réside à Menton avec ses deux filles qui y sont scolarisées. Si la requérante soutient que le couple a rencontré des difficultés pour trouver un logement, qu'ils ont dû être hébergés par sa sœur ainsi que par l'ancienne compagne de M. A... et qu'elle est contrainte de faire des allers-retours entre les Ardennes et les Alpes-Maritimes pour voir ses filles, aucun des éléments produits ne permet d'infirmer le constat d'une rupture de la communauté de vie, alors que les attestations produites établissent au contraire que chacun des époux a fait une demande de logement social, respectivement dans les Ardennes et à Menton, et que rien n'établit qu'ils auraient l'intention d'y résider ensemble. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
7. Si Mme B... épouse A... soutient qu'elle est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine, elle ne soutient, ni même n'allègue, avoir informé le préfet des Ardennes de son état de santé, ni avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Le préfet des Ardennes n'ayant par ailleurs pas examiné ce fondement dans la décision litigieuse, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme inopérant. Il appartient seulement à la requérante, si elle s'y croit fondée, de présenter une nouvelle demande de titre de séjour en faisant valoir son état de santé.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de Mme A..., entrée sur le territoire en avril 2019, soit depuis un peu plus de trois ans à la date de la décision contestée, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 31 ans dans son pays d'origine, ne présente pas de caractère d'ancienneté. Ainsi qu'il a été indiqué, elle ne justifie pas d'une communauté de vie avec son époux français, ni avoir constitué en France des liens d'une particulière intensité. Si elle se prévaut de la présence en France de ses deux filles nées de précédentes unions, qui y sont scolarisées, elle n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Bénin, alors qu'elle a la garde exclusive de ses enfants. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de Mme A... en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... de ses filles, dès lors qu'elles ont vocation à suivre leur mère dans leur pays d'origine, où il n'est par ailleurs pas établi ni même soutenu qu'elles ne pourraient poursuivre leur scolarité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait l'intérêt supérieur de ses enfants.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que précédemment énoncés, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel qui appartient au préfet doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision portant refus de séjour opposée à la requérante est suffisamment motivée. Au surplus, la décision litigieuse mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir le refus de séjour de l'obligation de quitter le territoire français. Ainsi le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
16. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
17. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait au regard des critères énoncés par les dispositions précitées, de sorte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
18. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision contestée que le préfet des Ardennes n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A....
19. En troisième lieu, pour les motifs rappelés précédemment, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle est entachée d'erreur d'appréciation de la situation personnelle de Mme A... ne peuvent qu'être écartés.
20. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 423-1 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont relatifs qu'à la délivrance de titres de séjour, sont inopérants.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC01918 2