Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dôle (CAGD) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant qu'elle a classé intégralement sa parcelle cadastrée section ZB n° 77, située dans la commune de Châtenois, en zone agricole, ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2001117 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2021, le 10 juin 2022 et le 25 juin 2024, M. B..., représenté par Me Teixera, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dôle (CAGD) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant qu'elle a classé intégralement sa parcelle cadastrée section ZB n° 77, située dans la commune de Châtenois, en zone agricole, ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la CAGD une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération du 15 décembre 2015 prescrivant l'élaboration du PLUi méconnaît les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle n'indique que de manière très générique les objectifs poursuivis ;
- la preuve de la publicité suffisante de l'avis d'enquête publique n'est pas apportée ;
- la procédure est viciée dès lors que le dossier d'enquête publique était incomplet en l'absence en début de consultation des pièces ajoutées ;
- le classement en zone A de la parcelle ZB n° 77 est manifestement incompatible avec la vocation naturelle d'une partie du terrain, soit environ 800 m², devant être classé, comme le reste du quartier, en zone UV.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2022 et le 10 juin 2024, la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD), représentée par Me Brocard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la délibération du 15 décembre 2015 prescrivant l'élaboration du PLUi précise les objectifs poursuivis ainsi que les modalités de la concertation, conformément aux dispositions alors en vigueur des articles L. 300-3 et L. 123-6 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, l'illégalité éventuelle de cette délibération ne peut plus être invoquée au soutien de l'illégalité de la délibération d'approbation du PLUi ;
- dans son rapport, la commission d'enquête publique s'est prononcée sur la composition et la pertinence du dossier d'enquête publique et il n'en ressort pas que le dossier aurait présenté des insuffisances ayant nui à la bonne information du public ;
- le classement de l'intégralité de la parcelle litigieuse en zone agricole est justifié ; le choix de développement urbain de la commune répond au principe d'équilibre entre le renouvellement et le développement urbain maîtrisé et la préservation de la biodiversité et des zones agricoles ainsi que de la lutte contre l'étalement urbain conformément aux objectifs de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ; la circonstance que des terrains situés à proximité auraient fait l'objet d'un classement plus favorable est sans incidence sur le classement de la parcelle en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Brocard représentant la CAGD.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 15 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a décidé d'élaborer le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la collectivité, qui compte 47 communes, dont la commune de Châtenois. Par une délibération du 18 décembre 2019, le conseil communautaire de la CAGD a approuvé le PLUi. M. B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette délibération en tant qu'elle classait sa parcelle cadastrée section ZB n° 77 intégralement en zone agricole. Par la présente requête, il relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; (...) II. - Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) ".
3. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que la délibération du 15 décembre 2015 prescrivant l'élaboration du PLUi se soit prononcée sur les objectifs poursuivis, le moyen tiré de l'illégalité de cette délibération qui porte, d'une part, sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ce document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants et les associations locales ne peut, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le PLU. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant, alors en tout état de cause qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération en cause a fixé lesdits objectifs.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ". L'article L. 123-10 du code de l'environnement dispose que : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. (...) ".
5. Il ressort des certificats d'affichage produits par la CAGD ainsi que des conclusions de l'enquête publique relative au PLUi qui s'est déroulée du 11 juin au 19 juillet 2019 que l'arrêté n° 2019-006 du 30 avril 2019 prescrivant l'ouverture de cette enquête a fait l'objet d'un avis d'enquête publique qui a été affiché au siège de la CAGD ainsi que dans chacune des communes membres de cet établissement et publié dans les journaux " Le Progrès " et " La voix du Jura " les 16 mai et 13 juin 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'avis d'enquête publique n'aurait pas fait l'objet des mesures de publicité requises doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour soutenir que le dossier d'enquête publique était incomplet, le requérant se borne à se référer aux mentions du rapport de la commission d'enquête publique, lequel précise toutefois que si certains documents requis étaient manquants en début de consultation, ces omissions ont été régularisées dans un délai de 10 jours après le début de l'enquête qui a duré plus d'un mois. M. B... ne précisant pas l'impact qu'auraient eu les omissions relevées et alors que la commission d'enquête n'identifie aucune difficulté d'information ou d'expression du public, il n'est pas établi que l'incomplétude du dossier à l'ouverture de la consultation aurait nui à sa bonne information. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " VI. - Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 (...) ". Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, ainsi applicable à l'élaboration du plan local d'urbanisme en litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. En zone A peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".
8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
9. Il ressort du rapport de présentation librement accessible sur le site internet gouvernemental Géoportail et du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) que les auteurs du PLUi ont entendu maintenir la qualité du cadre de vie par la préservation et l'embellissement du cadre urbain et paysager et ainsi notamment limiter l'étalement urbain en promouvant le renouvellement par la densification de l'enveloppe urbaine existante et la mobilisation des " dents creuses " avant de développer des extensions urbaines, consommatrices de foncier agricole, naturel ou forestier. Dans ce but, une analyse des capacités de densification et de mutation des espaces bâtis a été menée commune par commune, et a conduit pour la commune de Châtenois à identifier un objectif de 20 logements supplémentaires à créer dans deux zones d'extension urbaine précisément identifiées au nord et au sud-ouest de la commune.
10. En l'espèce, si la parcelle litigieuse ZB n° 77 est située en sortie de village et est bordée d'un vaste espace agricole, il ressort des pièces du dossier que la bande d'environ 800 m² dont M. B... conteste le classement forme un décrochement par rapport au reste de la parcelle, présente une façade sur une rue pourvue d'habitations de part et d'autre, n'est séparée d'une voie départementale que par une étroite bande de terrain appartenant à la commune, est directement adjacente à la parcelle urbanisée ZB 56, qu'elle longe, et n'a pas de potentiel agricole particulier. Dans ces conditions, le classement en zone agricole de la partie de la parcelle ZB n° 77 située au sud de la parcelle ZB n° 56 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions relatives au classement intégral en zone agricole de sa parcelle.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté d'agglomération du Grand Dole, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre de ces dispositions .
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001117 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil communautaire de la CAGD du 18 décembre 2019 approuvant le PLUi est annulée en tant qu'elle classe en zone agricole la partie de la parcelle cadastrée ZB n° 77 située au sud de la parcelle cadastrée ZB n° 56.
Article 3 : La CAGD versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la CAGD tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté d'agglomération du Grand Dole.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC03319 2