Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'abroger le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Tavaux ainsi que le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) en tant que ces plans classent en zone naturelle et forestière les parcelles cadastrées section AP n° 13 et n° 367 situées sur le territoire de la commune de Tavaux, d'autre part, d'ordonner la modification de la servitude de passage permettant l'accès à ces parcelles en la déplaçant de 4 à 5 mètres.
Par un jugement n° 2000253 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions relatives à la modification de la servitude de passage comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et le surplus des conclusions de la demande comme irrecevables ou infondées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 26 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Lehmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du 18 décembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) ;
2°) d'annuler cette délibération en tant que le PLUi classe en zone naturelle et forestière les parcelles cadastrées section AP n° 13 et n° 367 situées sur le territoire de la commune de Tavaux ;
3°) d'enjoindre à la CAGD de procéder au classement desdites parcelles en zone UBa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la CAGD une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le classement en zone naturelle et forestière des parcelles AP n° 13 et 367 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'est pas justifié en raison de l'intérêt archéologique du site ; si au lieudit " La Motte " s'élevait au Moyen-Age un château doté d'un fossé de vingt mètres de large, celui-ci fut détruit en 1636 et il n'en reste plus rien à l'heure actuelle ; il s'agit en réalité d'un terrain plat labourable vierge de toute construction ; il n'est pas justifié d'un arrêté de classement du site ;
- il n'est pas davantage justifié au motif de la conservation d'un poumon vert sur le site ; les parcelles litigieuses sont les seules classées en zone N au milieu d'une zone à urbaniser et d'une zone déjà urbanisée ; ces dernières constituent une dent creuse, dont le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) a prévu l'utilisation en priorité pour la production de logements en densification de l'enveloppe urbaine existante ; elles ne sauraient être regardées comme un poumon vert, alors que l'acte notarié de 2012 les présente comme des terres labourables cadastrées, qui ont d'ailleurs été historiquement utilisées comme des terres agricoles ; la présence de quelques arbres au demeurant non classés ne saurait en faire un site écologique justifiant une protection particulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2022, la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD), représentée par Me Brocard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dans le précédent document d'urbanisme de la commune, ces parcelles étaient déjà classées en zone naturelle ; le zonage du PLUi a été effectué en conformité avec les principes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme prévoyant une utilisation économe des espaces naturels et la protection des sites, milieux et paysages naturels et les dispositions de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme ; il est par ailleurs en conformité avec les orientations du PADD visant à " concilier les lieux de vie en ville et dans les villages ", en visant une armature solidaire du territoire, et à " faire du bien-vivre un vecteur de développement " en mettant en scène un patrimoine naturel et paysager positif ;
- les parcelles litigieuses ont été classées en zone N afin d'une part de protéger leur intérêt archéologique qui résulte de la présence sur celles-ci d'une ancienne motte féodale, d'autre part, afin de conserver un poumon vert au centre d'un secteur qui présente une urbanisation à forte densité afin de contribuer au bien-être de ses habitants ; les terrains en cause accueillent actuellement diverses strates végétales, y compris des arbres de haute tige et des arbres fruitiers ; ces parcelles ne peuvent par ailleurs recevoir la qualification de dents creuses, si elles sont certes bordées par une zone U, elle sont surtout situées dans le prolongement d'une vaste parcelle cultivée de plus de 2 hectares qui constitue la zone 1AUb au nord, et leur superficie de 6 720 m² s'y oppose.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Brocard représentant la CAGD.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 15 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a décidé d'élaborer le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la collectivité, qui compte 47 communes dont celle de Tavaux. Après en avoir arrêté le projet, par une délibération du 21 janvier 2019, et avoir procédé à une enquête publique qui s'est déroulée du 11 juin au 19 juillet 2019, le conseil communautaire de la CAGD a approuvé ce PLUi par une délibération du 18 décembre 2019. M. B..., propriétaire de deux parcelles, cadastrées section AP n° 13 et n° 367, situées sur le territoire de la commune de Tavaux, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe ces parcelles en zone naturelle et forestière. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger (...) ". L'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " VI. - Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels (...) ".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage déterminant les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Il résulte du parti d'aménagement retenu par les auteurs du PLUi qu'ils ont entendu concilier le développement urbain avec la préservation des espaces naturels, le PADD prévoyant, à cette fin, de " concilier vie en ville, vie dans les villages au sein d'une armature solidaire " et de " faire du bien-vivre un vecteur de développement ", notamment par la mise en valeur, sur le territoire des communes de la CAGD, d'un patrimoine naturel et paysager positif. Le règlement du PLUi dispose, par ailleurs, que la zone naturelle et forestière correspond aux secteurs des communes à protéger en raison, notamment, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique.
5. En l'espèce, les parcelles AP n° 13 et 367 ont été classées en zone N, d'une part, au motif de l'intérêt archéologique du site et, d'autre part, aux fins de conserver un poumon vert au sein d'un vaste espace urbanisé.
6. Toutefois, s'il est constant que s'élevait, au Moyen Age, sur ces parcelles, un château doté d'un large fossé, il ressort des éléments versés au dossier, notamment des photographies du site, que cet édifice a été entièrement détruit, que la motte qu'il surplombait a disparu et que le fossé a été comblé, de sorte que le terrain en cause est désormais au niveau de la plaine. Si la CAGD soutient que ce site ferait l'objet d'une protection au titre du code du patrimoine, elle n'en justifie pas alors qu'il n'est pas contesté que ces parcelles ont été exploitées de longue date comme terres agricoles et labourées. Ce premier motif n'apparaît donc pas justifié.
7. En outre, si l'objectif de la préservation d'un vaste espace naturel au sein du village apparaît conforme aux orientations retenues par les auteurs du PLUi, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en cause sont entièrement enclavées entre, d'une part, des parcelles déjà urbanisées et, d'autre part, un vaste ensemble à urbaniser dans le cadre d'un projet de lotissement, lequel a fait l'objet d'une autorisation environnementale délivrée par arrêté du préfet du Jura du 3 juin 2019. Elles constituent ainsi une dent creuse, nonobstant leur superficie à rapporter à celle bien plus grande des espaces urbanisés qui les entourent, dont le PADD a prévu l'utilisation en priorité pour densifier l'enveloppe urbaine. Alors qu'elles ne comportent par ailleurs que quelques arbres et qu'il n'est pas justifié de leur particulière sensibilité écologique, le classement des parcelles litigieuses en zone naturelle et forestière doit être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions relatives au classement en zone naturelle et forestière des parcelles AP n° 13 et n° 367.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation. (...) ".
10. L'exécution du présent arrêt implique, compte-tenu de son motif, que le conseil communautaire de la CAGD réexamine le classement des parcelles cadastrées section AP n° 13 et n° 367. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la CAGD, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000253 du tribunal administratif de Besançon du 26 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil communautaire de la CAGD du 18 décembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal est annulée en tant qu'elle classe en zone naturelle et forestière les parcelles cadastrées section AP n° 13 et n° 367 situées dans la commune de Tavaux.
Article 3 : Il est enjoint au conseil communautaire de la CAGD de réexaminer le classement desdites parcelles dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : La CAGD versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la CAGD sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté d'agglomération du Grand Dole.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC03288 2