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30/01/2025 | FRANCE | N°22NC02849

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 30 janvier 2025, 22NC02849


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2100646 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :>


Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Demailly, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2100646 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Demailly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de l'administration du 16 février 2021 en tant qu'elle ne fait pas entièrement droit à sa réclamation ;

3°) à titre principal, que le calcul des impositions mises à sa charge soit fondé sur un prix de cession des titres de la société Hôtellerie A... B... de 400 000 euros correspondant au montant arrêté dans le protocole transactionnel du 12 octobre 2015 et de prononcer en conséquence et à due proportion, la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

4°) à titre subsidiaire, que le calcul des impositions mises à sa charge soit fondé sur un prix de cession des titres de la société Hôtellerie A... B... de 460 162 euros correspondant au prix d'encaissement considéré établi par l'administration et de prononcer en conséquence et à due proportion, la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait réalisé une plus-value de cession de 652 000 euros avant abattement alors que le protocole transactionnel du 12 octobre 2015, signé postérieurement à l'acte de cession du 3 mars 2014, a prévu dans son article II-2 que le prix de cession total et définitif était de 400 000 euros ; c'est également à tort que les premiers juges ont refusé de prendre en considération la baisse du prix de cession ainsi actée dans ce protocole transactionnel alors que ce document a été pris en compte par l'administration dans sa décision d'admission partielle du 16 février 2021 ; sur le terrain de l'équité, il n'est pas acceptable qu'elle soit imposée sur une plus-value qui n'a pas été réalisée ni encaissée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne pouvait pas utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 70 de la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10 du 4 mars 2016 qui permettent au contribuable d'obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés si ultérieurement le contrat de cession est annulé, résolu ou rescindé au motif que la rectification en litige est une imposition primitive ; en application de cette doctrine administrative, elle demande, à titre principal, que le calcul des impositions mises à sa charge soit fondé sur un prix de cession des titres de la société Hôtellerie A... B... de 400 000 euros correspondant au montant arrêté dans le protocole transactionnel du 12 octobre 2015, soit un montant total de 111 641 euros au lieu de 206 056 euros ; à titre subsidiaire, elle demande que le calcul des impositions mises à sa charge soit fondé sur un prix de cession des titres de la société Hôtellerie A... B... de 460 162 euros au lieu de la somme de 555 662,32 euros correspondant au prix d'encaissement considéré établi par l'administration dans la décision d'admission partielle du 16 février 2021, sachant qu'elle a toujours contesté avoir perçu la somme de 95 500 euros au titre du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Sedan, somme dont le service n'a jamais au demeurant démontré la réalité de la perception ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, en déposant sa réclamation le 14 octobre 2020, elle a agi avant le terme du délai de reprise dès lors que la mise en recouvrement des impositions litigieuses est intervenue le 30 septembre 2018 ; l'expiration du délai de reprise, qui n'est d'ailleurs pas évoquée dans la décision d'admission partielle du service du 16 février 2021, n'est par conséquent pas le 31 décembre 2017 comme l'ont retenu les premiers juges dans le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte notarié du 3 mars 2014, M. A... B..., époux de la requérante, décédé en 2015, a cédé 350 parts de la société Hôtellerie A... B... numérotées de 1 à 350 à la société la société Financière Collective Générale Sparkassen Konzem (FCGS) pour 462 000 €. Le même jour, par acte sous seing privé, enregistré au service des impôts des entreprises de Charleville-Mézières le 6 mars 2014, M. B... a cédé 149 parts de la société Hôtellerie A... B... numérotées de 351 à 499 à la société FCGS pour 196 680 €. Son épouse, Mme D... C... a cédé 1 part de la société Hôtellerie A... B... numérotée 500 à la société FCGS pour 1 320 €. Le prix de cession des parts de la société Hôtellerie A... B... numérotées de 1 à 500 à la société FCGS a donc été fixé à la somme totale de 660 000 euros. Les intéressés n'ont pas déclaré la plus-value sur cession de valeurs mobilières et droits sociaux ainsi réalisée au titre de leurs revenus imposables pour l'année 2014. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 22 décembre 2017, établie selon la procédure de rectification contradictoire, a informé Mme C... qu'elle envisageait d'imposer, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, la plus-value issue de la cession des parts sociales, au titre de l'année 2014, qu'elle a estimée à 652 000 euros avant abattement après avoir retenu un prix d'acquisition des titres de 8 000 euros. Contestées par la requérante, les rectifications ont été intégralement maintenues dans la réponse aux observations du contribuable du 27 avril 2018. Les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2018 pour un montant total en droits et pénalités de 206 056 euros. Mme C... a contesté ces impositions par une réclamation du 19 octobre 2020, laquelle a fait l'objet d'une décision d'admission partielle de l'administration du 16 février 2021 accordant un dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 37 997 euros. Mme C... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des impositions restées à sa charge.

Sur les conclusions tendant à la réduction des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2014 : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes du 1. de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable à la même année : " Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci diminué, le cas échéant, des réductions d'impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l'article 199 terdecies-0 A, ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ". Aux termes de l'article 1583 du code civil : " (...) la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ". Il résulte des dispositions précitées que la plus-value dégagée par la cession de titres d'une société est imposable au titre de l'année au cours de laquelle s'opère le transfert de propriété de ces titres. Ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix. Le fait que les modalités de paiement du prix de cette cession soient déterminées en fonction de données qui ne sont pas complètement connues avant le 31 décembre de l'année où s'opère le transfert de propriété, ou qu'elles soient revues ultérieurement, n'est pas de nature à affecter le caractère imposable de la plus-value concernée au titre de cette année, laquelle constitue le fait générateur de l'imposition, dès lors que la convention de cession détermine précisément tous les éléments permettant de calculer le prix de cession sans que ces éléments ne dépendent de la volonté de l'une des parties ou de la réalisation d'accords ultérieurs. De même, le fait générateur de la plus-value étant comme il vient d'être dit, le transfert de propriété des actions, le montant de la plus-value doit en principe, sous réserve de textes contraires, être apprécié à la date de cession des actions, sans que puissent être invoqués des évènements qui, ne procédant pas de la cession elle-même, sont intervenus postérieurement à cette date.

3. Il résulte de l'instruction, particulièrement du protocole transactionnel du 12 octobre 2015 conclu entre la requérante et la société FCGS, qu'à l'occasion des actes notariés et sous-seing privé du 3 mars 2014, Mme C..., son époux et la société FCGS ont réalisé, par accord sur la chose et le prix, la cession des titres numérotés de 1 à 500 de la société Hôtellerie A... B.... Ainsi, la date réelle d'échange des consentements sur la chose et le prix ainsi que la date d'accomplissement des formalités légales de publicité à l'égard des tiers de la cession litigieuse se situent en 2014. Dans ces conditions, la circonstance que le prix de cession de ces parts a été ramené de 660 000 euros à 400 000 euros par le protocole transactionnel du 12 octobre 2015, événement survenu postérieurement à l'année au cours de laquelle la cession a été réalisée et à l'année d'imposition de la plus-value, n'était de nature à affecter ni le caractère imposable de cette plus-value au titre de l'année 2014 ni son montant. Par suite, sont également sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige les circonstances, d'une part, que par sa décision du 16 février 2021, le service s'est référé, entre autres, au protocole d'accord du 12 octobre 2015, pour estimer pouvoir accorder un dégrèvement partiel des impositions initialement mises à la charge de la requérante, en faisant application, selon lui, des dispositions combinées de l'article 150 0 D du code général des impôts et de l'article 74-0 B de l'annexe II de ce code et que, d'autre part, Mme C... n'aurait finalement perçu que la somme de 460 162,32 euros au titre de la cession en litige.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

5. Mme C... se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale énoncée au paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-RPPM -PVBMI-30-10-10 du 4 mars 2016, selon laquelle : " La plus-value ayant en principe été soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de la conclusion de la transaction, si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés. La demande de dégrèvement de l'imposition initialement établie peut être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date d'annulation, de la rescision ou de la résolution de la vente, et qui expire le 31 décembre de la deuxième année suivante ".

6. D'une part, Mme C... ne saurait se prévaloir des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour faire échec à l'imposition de la plus-value en cause dès lors qu'ayant omis, avec son époux, de déclarer cette plus-value au titre de ses revenus 2014, l'imposition litigieuse mise à sa charge à l'issue du contrôle fiscal dont elle a été l'objet est une imposition primitive qui ne procède pas du rehaussement d'une imposition antérieure. D'autre part, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du second alinéa, alors applicable, de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations du texte fiscal antérieures à l'expiration du délai de déclaration. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des énonciations du paragraphe 70 de la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10 du 4 mars 2016, qui est postérieure à l'expiration du délai de déclaration de la plus-value en litige qui aurait dû intervenir au titre de l'année 2014, année lors de laquelle a été réalisée la cession des parts de la société Hôtellerie A... B... à la société FCGS. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du protocole d'accord du 12 octobre 2015, qu'aient été prononcées l'annulation, la rescision ou la résolution de la vente intervenue le 3 mars 2014. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine citée au point précédent qui fixe le point de départ de la demande de restitution de l'imposition contestée à la date de résolution de la vente. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à solliciter, sur le terrain de la doctrine, la restitution des impositions auxquelles elle a été assujettie à raison de la plus-value dégagée lors de la cession de ses titres en 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction des impositions restées à sa charge.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Stenger, première conseillère.

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC02849

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02849
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : DEMAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;22nc02849 ?
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