Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2102213, 2104029 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Haubourdin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition de la SCI Denis Papin dont elle est associée à hauteur de 20 % est entachée d'une irrégularité en raison de sa méconnaissance des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; elle bénéficie d'un principe d'acceptation tacite dès lors que l'administration ne lui a adressé aucune correspondance dans le délai de soixante jours qui a suivi ses réponses des 20 février, 26 février, 7 mars et 23 avril 2018 à la demande de renseignement qu'elle lui avait transmise le 18 janvier 2018 ; contrairement à ce qu'ont considéré l'administration et les premiers juges, le courrier du 3 octobre 2018 qu'elle a adressé au service ne saurait constituer le point de départ de calcul de ce délai de soixante jours dès lors qu'il se bornait à rappeler qu'il n'existait pas de bail commercial conclu avec la SARL Technique de Chauffage ; ce principe d'acceptation tacite de soixante jours a fait l'objet d'une réponse ministérielle à la question n°107925 opposable au service ;
- c'est à tort que l'administration fiscale et les premiers juges ont considéré que les dépenses relatives aux travaux réalisés dans l'immeuble situé 7 rue de Boulay à Créhange ne pouvaient pas être qualifiées de dépenses de travaux de réparation ou d'amélioration ayant un caractère déductible au sens de l'article 31 du code général des impôts ;
- les dépenses réalisées par la SCI Denis Papin sur l'immeuble en litige sont justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à titre principal au rejet de la requête en raison de son irrecevabilité pour tardiveté et à titre subsidiaire à son rejet comme non fondée.
Il soutient que :
- la requête de première instance, formée par la requérante devant le tribunal administratif de Strasbourg, est tardive au regard du délai de deux mois, prévu aux articles R. 421-1 du code de justice administrative et R. 199-1 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a accusé réception de la décision de rejet de sa réclamation préalable le 11 janvier 2021 et que sa requête a été enregistrée au greffe de ce tribunal le 30 mars 2021, alors que le délai de recours contentieux expirait le 12 mars 2021 ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... détient 20 % du capital de la société civile immobilière (SCI) Denis Papin, société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes visé à l'article 8 du code général des impôts. Cette SCI, qui est propriétaire de biens immobiliers situés rue de Salomon à Vittel (Vosges) ainsi que rue Denis Papin et route de Boulay à Créhange (Moselle), a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 28 novembre 2018, qu'elle envisageait de remettre en cause le caractère déductible des dépenses de travaux concernant l'immeuble situé route de Boulay à Créhange. Par une proposition de rectification du 28 novembre 2018, le service a informé Mme A... qu'il envisageait en conséquence un rehaussement de ses revenus fonciers à concurrence de sa part dans le capital de cette société. Contesté, ce rehaussement a été maintenu dans la réponse aux observations du contribuable du 15 janvier 2020. La requérante a ainsi été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015, 2016 et 2017 s'élevant, en droits et pénalités, à la somme totale de 14 663 euros, qui ont été mises en recouvrement le 30 juin 2020. Mme A... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la SCI Denis Papin :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) ".
3. Mme A... fait valoir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, l'administration a adressé à la SCI Denis Papin le 18 janvier 2018 une demande de renseignements sollicitant la production de divers justificatifs, notamment la copie des contrats de location pour chaque bien loué ainsi que les justificatifs des dépenses de travaux déduites de ses revenus fonciers. Elle soutient qu'en l'absence de réponse du service dans le délai de soixante jours qui a suivi ses réponses des 20 février, 26 février, 7 mars et 23 avril 2018, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant tacitement reconnu que la demande de renseignements était close. Elle en déduit que l'envoi de la proposition de rectification du 28 novembre 2018, au-delà de ce délai de soixante jours, était par conséquent irrégulier. Toutefois, il résulte de l'instruction d'une part, et comme l'ont estimé les premiers juges, que ni les dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration un délai pour exploiter les informations recueillies en réponse à une demande de renseignements. D'autre part, la demande de renseignements du 18 janvier 2018 a été établie par le formulaire n°751 qui ne comporte aucune indication d'un délai de réponse de soixante jours dans lequel devrait être transmise la proposition de rectification. En tout état de cause, la transmission par le service de la proposition de rectification du 28 novembre 2018 à la société Denis Papin est intervenue moins de soixante jours après sa dernière réponse, par lettre du 3 octobre 2018, laquelle, contrairement à ce que soutient la requérante, valait réponse à la demande de renseignements formulée par l'administration le 18 janvier 2018. Par conséquent, Mme A... ne saurait se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales pour soutenir que la procédure suivie à l'égard de la SCI Denis Papin est irrégulière faute pour l'administration de lui avoir adressé une proposition de rectification avant l'expiration d'un délai de soixante jours suivant sa réponse à la demande de renseignements.
4. En second lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. B..., député, n° 107925, publiée au Journal officiel le 20 décembre 2011, qui est relative à la procédure d'imposition. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :
5. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) ; (...) ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, (...) ".
6. Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable. Lorsque des travaux n'ayant pas ce caractère sont effectués dans la même opération, les dépenses exposées à ce titre ne sont déductibles que si les différents travaux sont dissociables.
7. Par ailleurs, il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu foncier brut les dépenses, constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges, en produisant des pièces justificatives permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le bien immobilier situé 7 route de Boulay à Créhange et appartenant à la SCI Denis Papin, comportait deux places de stationnement au sous-sol, un local commercial à usage de café au rez-de-chaussée, cinq pièces d'habitation et des dépendances au premier étage et des combles au second étage.
9. S'agissant du rez-de-chaussée, les travaux réalisés par la SCI Denis Papin ont permis de scinder le café en deux lots distincts dont l'un a été aménagé et équipé pour devenir un cabinet d'infirmières disposant d'une entrée séparée, d'une salle de consultation, d'un laboratoire et d'un coin sanitaire. A cet égard, et comme le souligne l'administration en défense, l'aménagement de ce cabinet d'infirmières a nécessité une importante modification du gros œuvre dès lors qu'une ouverture pour y avoir accès a été pratiquée dans le mur de l'une des façades latérales et qu'une issue de secours a été créée, ainsi que la requérante le reconnait d'ailleurs dans ses écritures.
10. Concernant le premier étage, Mme A... indique elle-même dans ses écritures que la surface totale initiale de cet étage était avant travaux évaluée à 94 m² dans l'acte de vente de l'immeuble et qu'elle a été augmentée à 95,38 m² par la création de deux appartements, comme l'atteste le certificat de superficie établi le 28 mars 2019 par la SARL Ciel Expertises. L'administration fait valoir, sans être utilement contestée sur ce point, que la création de ces deux appartements a nécessité la démolition du couloir central et de l'ensemble des cloisons afin de redistribuer les surfaces. Elle a également donné lieu au percement de la façade latérale afin de permettre un accès par l'extérieur via un escalier construit pour l'occasion sur un socle maçonné. Ces travaux ont par conséquent augmenté la surface des espaces de vie préexistants, restructuré le premier étage et affecté le gros œuvre.
11. Concernant le deuxième étage correspondant aux combles, contrairement à ce qu'affirme la requérante, il ressort des photographies versées aux débats, particulièrement celles figurant dans la décision de rejet de sa réclamation préalable, que l'installation de huit fenêtres de toit dans la toiture correspond à la création d'ouvertures qui n'existaient pas préalablement. Enfin, il n'est pas contesté que les combles ont fait l'objet d'une profonde transformation puisqu'y ont été créés un appartement de 65 m² et un studio de 15 m². Ces travaux d'aménagement du deuxième étage sous combles, y compris ceux qui ont entraîné la création de nouvelles ouvertures dans le toit, ont entraîné un agrandissement par création de nouveaux locaux habitables. Par conséquent, compte tenu de leur nature et de leur ampleur, les travaux dont il s'agit, qui ont affecté le gros œuvre et entraîné une redistribution de l'aménagement intérieur, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction. A cet égard, les quelques photographies produites par la requérante n'apparaissent pas probantes dès lors qu'elles ne sont pas datées mais comportent seulement des annotations manuscrites du gérant de la SCI et qu'elles ne permettent pas d'apprécier la nature et le volume de l'ensemble des travaux réalisés dans l'immeuble litigieux.
12. Par ailleurs, à supposer même que certains travaux de rénovation de l'espace d'habitation existant, pris isolément, puissent être regardés comme des travaux ayant généré des charges déductibles au sens des dispositions précitées, ils ne sont toutefois pas dissociables de l'opération globale de reconstruction de l'immeuble. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions citées de l'article 31 du code général des impôts que l'administration a réintégré ces dépenses dans les bases imposables de la SCI Denis Papin et en a tiré les conséquences en procédant à un rehaussement des revenus fonciers de Mme A... à concurrence de sa part dans le capital de cette société au titre des années 2015, 2016 et 2017.
13. En dernier lieu, à supposer que Mme A... ait entendu critiquer les rectifications apportées par le service au résultat de la SCI Denis Papin, en présentant dans ses écritures un tableau des recettes et des charges de la SCI Denis Papin au cours des années 2015 et 2017 pour les immeubles détenus par cette société rue Denis Papin et Route de Boulay, ainsi que des listes de dépenses concernant les mêmes années, sa contestation n'est toutefois pas assortie des précisions qui permettraient à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, ces documents ne sont pas probants dès lors que les chiffres qu'ils présentent ne sont corroborés par aucun justificatif.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non- recevoir opposée en défense par l'administration concernant la recevabilité de la requête de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Rousselle, présidente,
Mme Stenger, première conseillère.
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger La présidente,
Signé : P. Rousselle
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC02445