Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 et des mémoires complémentaires enregistrés le 12 décembre 2022, le 19 juin 2024 et le 27 août 2024, la société du parc éolien de Bréhain, représentée par Me Darcet-Felgen, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale portant sur un parc de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Brehain, Château-Bréhain et Dalhain ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de procéder à un nouvel examen de sa demande et rendre une nouvelle décision dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 11 octobre 2021 est entaché de vice de procédure ; il est insuffisamment motivé ;
- l'avis défavorable de la direction de la sécurité aéronautique de l'Etat du ministère des armées du 26 juillet 2019 est insuffisamment motivé ; il est dépourvu de base légale ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le projet n'est pas de nature à créer des contraintes supplémentaires pour la navigation aérienne alors même qu'il est situé dans une zone du réseau très basse altitude défense (RTBA) ; l'avis ne peut légalement prendre en compte des projets éoliens qui ne sont pas encore autorisés par le préfet ;
- l'avis du 26 juillet 2019 ne correspond plus à la situation actuelle dès lors qu'un des projets pris en considération par le ministre des armées a été abandonné et qu'un nouveau projet a été autorisé le 9 aout 2024, dont les caractéristiques sont identiques au projet en litige ; l'office du juge du plein contentieux des autorisations environnementales implique par conséquent l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 compte tenu du changement intervenu dans les circonstances de fait.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022 par lequel il conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Le ministre des armées a présenté des observations par un mémoire enregistré le 23 avril 2024.
Le préfet de la Moselle a présenté un mémoire en défense enregistré le 7 aout 2024 par lequel il conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Halot pour la société du parc éolien de Bréhain.
Une note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2025, a été présentée pour la société du parc éolien de Bréhain.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mars 2019, la société du parc éolien de Bréhain a déposé une demande d'autorisation environnementale pour un projet de parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Bréhain, Château-Bréhain et Dalhain dans le département de la Moselle. Par un arrêté du 11 octobre 2021 dont la société du parc éolien de Bréhain demande l'annulation, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : (...) / 2° Le ministre de la défense (...) " et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée ".
3. Premièrement, aux termes de l'article R. 181-33 du code de l'environnement : " Les avis prévus par les articles R. 181-21 à R. 181-32 sont, sauf disposition contraire prévue dans la présente sous-section et sous réserve des dispositions de l'article R. 181-53-1, rendus dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la saisine de ces instances par le préfet. Ils sont réputés favorables, sauf disposition contraire prévue dans la présente sous-section, au-delà du délai dans lequel ils auraient dû être rendus ".
4. Si en application de l'article R. 181-33 du code de l'environnement, le ministre des armées est réputé avoir émis un avis favorable en l'absence de décision expresse dans le délai prévu par ces dispositions à compter de sa saisine le 11 mars 2019, l'intervention de cet avis tacite ne faisait pas obstacle à ce que se prononçant ensuite expressément sur le projet le 26 juillet 2019, le ministre des armées émette un avis défavorable se substituant à l'avis tacite précédemment rendu. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus d'autorisation environnementale opposée à la société du parc éolien de Bréhain serait entachée de vice de procédure doit être écarté. La société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur de droit en procédant néanmoins à l'instruction de sa demande et en lui demandant de compléter les insuffisances de son dossier sans avoir tiré immédiatement les conséquences de cet avis défavorable pour lui refuser sans délai l'autorisation environnementale qu'elle avait sollicitée.
5. Deuxièmement, aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".
6. D'une part, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation, et d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
7. D'autre part, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
8. Pour rejeter la demande d'autorisation environnementale déposée le 7 mars 2019 par la société du parc éolien de Bréhain, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis défavorable du 26 juillet 2019, confirmé le 6 juillet 2021 et le 1er septembre 2021 rendu par le ministre des armées au motif que le parc éolien est situé sous un tronçon du réseau de vol à très basse altitude des armées (RTBA) dénommé LF-R 45 N4 défini par un arrêté du 24 janvier 2012 portant création de la zone réglementée identifiée LF-R 45 en France métropolitaine, destiné à protéger les aéronefs des armées qui évoluent à très grande vitesse et par toutes conditions météorologiques et qui ne peut être contourné lorsqu'il est activé qu'en évoluant au-dessus ou en dessous. Cet avis retient que le projet associé à d'autres parcs déjà construits ou autorisés constituerait ainsi un obstacle massif de nature à compromettre ou empêcher le transit sous le RTBA en toute sécurité aux aéronefs volant à vue selon les règles de circulations aériennes civiles ou militaires. Le ministre des armées a ainsi considéré que, compte tenu des autres parcs éoliens existants ou autorisés dans ce secteur, l'implantation de nouveaux aérogénérateurs dans ce secteur serait de nature à induire une contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols et à l'accomplissement des missions de l'armée. Il en résulte que contrairement à ce que soutient la société requérante, cet avis est suffisamment motivé et n'est pas dépourvu de base légale.
9. Il résulte de l'instruction que le projet d'éoliennes du parc de Bréhain est situé sous un tronçon du réseau de vol à très basse altitude des armées (RTBA) dénommé LF-R 45 N4. En cas d'activation du RTBA, le contournement par le dessous par les aéronefs de combat qui s'entrainent en dehors du RTBA, les hélicoptères militaires des escadrons basés dans le Nord-est de la France et les aéronefs civils ou de transport militaire en transit nécessite le respect de marges de franchissement d'obstacles latérales et verticales qui ne pourraient pas être respectées en présence des éoliennes du projet, compte tenu de leur hauteur de 150 mètres et de leur implantation. En outre, eu égard aux projets existants ou en cours d'instruction et pour lesquels le ministre des armées avait déjà émis un avis favorable, le passage résiduel libre d'obstacle sous le RTBA est d'une largeur de 6, 261 miles nautiques et le projet en litige aurait pour conséquence d'interdire le survol en dessous de cette zone en cas d'activation du RTBA, en contraignant à son contournement. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le ministre des armées pouvait légalement tenir compte des projets non encore autorisés par le préfet de la Moselle pour lesquels il avait déjà émis un avis favorable, dès lors que l'appréciation du respect des règles de sécurité inhérentes à la navigation aéronautique militaire implique de tenir compte de tous les projets éoliens non seulement existants mais également potentiels afin de prévenir tout effet d'accumulation. Enfin, la circonstance que le parc " SALM ", situé au Nord-Est, a postérieurement été refusé par le préfet de la Moselle est sans incidence dès lors que le projet du parc de Bréhain demeure à une distance proche du parc éolien existant de Baronville, lequel réduit de manière significative les possibilités de transit latéral sécurisé pour les avions à réaction militaires en vol à vue sous le tronçon du RTBA. De même, l'avis favorable émis postérieurement par le ministre des armées sur le projet situé à Chicourt en bordure du tronçon RTBA, plus au nord que le projet en litige mais plus éloigné du parc existant de Baronville, ne saurait rendre a posteriori l'avis relatif au projet du parc de Bréhain illégal dans la mesure où ce projet n'a pas pour effet d'obstruer totalement le passage résiduel sous le RTBA dans des conditions similaires au projet en litige. Dans ces conditions, le ministre des armées n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet du parc éolien de Bréhain constituerait un obstacle massif de nature à compromettre ou empêcher le transit sous le RTBA en toute sécurité aux aéronefs volant à vue selon les règles de circulations aériennes civiles ou militaires et que l'implantation de ces nouveaux aérogénérateurs serait de nature à induire une contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols et à l'accomplissement des missions de l'armée.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle était en situation de compétence liée pour refuser de délivrer à la société du parc éolien de Bréhain l'autorisation environnementale qu'elle avait sollicitée. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, les conclusions de la société du parc éolien de Bréhain tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 11 octobre 2021 refusant de lui délivrer une autorisation environnementale pour la réalisation du projet éolien situé sur le territoire des communes de Bréhain, Château-Bréhain et Dalhain ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions relatives aux frais d'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société du parc éolien de Bréhain est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la société du parc éolien de Bréhain, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre des armées et des anciens combattants.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N° 21NC03261