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21/01/2025 | FRANCE | N°22NC02891

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 22NC02891


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS le comptoir montagnard a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision révélée par le marquage au sol par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a créé une place de stationnement au droit de son commerce et, d'autre part, la décision du 2 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a refusé de retirer cette décision.



Par un jugement n° 2103961-2104074 du 11 octobre 2022, le tribunal

administratif de Strasbourg a d'une part, annulé la décision révélée par le marquage au sol par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS le comptoir montagnard a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision révélée par le marquage au sol par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a créé une place de stationnement au droit de son commerce et, d'autre part, la décision du 2 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a refusé de retirer cette décision.

Par un jugement n° 2103961-2104074 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, annulé la décision révélée par le marquage au sol par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a créé une place de stationnement au droit du commerce de la SAS le comptoir montagnard, ensemble la décision du maire de la commune de Ribeauvillé du 2 juin 2021 refusant de retirer cette décision révélée et d'autre part, enjoint au maire de la commune de Ribeauvillé de supprimer la place de stationnement au droit du local de la SAS Le Comptoir montagnard dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés les 18 novembre 2022, 23 octobre 2024 et 12 novembre 2024, la commune de Ribeauvillé représentée par la Selarl Soler-Couteaux et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la SAS le comptoir montagnard ;

3°) de mettre à la charge de la SAS le comptoir montagnard la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont statué ultra-petita : la SAS le comptoir montagnard n'a pas soulevé en première instance le moyen d'annulation retenu par les premiers juges tiré de ce que la décision serait disproportionnée au but poursuivi ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que le stationnement d'un véhicule sur la place de stationnement querellée empêche la société d'accéder à la fenêtre de son commerce et d'utiliser dans des conditions normales les volets ; au demeurant c'est sans autorisation d'urbanisme que la société a modifié sa fenêtre et c'est sans autorisation d'occupation du domaine public qu'elle procède à la vente de produits depuis la fenêtre de son local ;

- la société n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des articles L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales et R. 417-3 du code de la route :

. l'article L. 2213-2 qui vise à réglementer le stationnement ne s'applique pas car le marquage au sol, qui matérialise un emplacement de stationnement, ne revêt qu'un caractère recognitif ;

. en tout état de cause les travaux du 25 avril 2021 ont eu pour effet de révéler une décision du maire de créer un emplacement de stationnement et ont en outre été réalisés sur le fondement de l'arrêté municipal du 20 avril 2012, remplacé par celui du 27 avril 2021 ayant le même objet et qui classe la Grand'Rue en zone bleue ;

. la place de stationnement n'entraîne aucune gêne pour les piétons et pour l'accès au commerce ;

. elle ne s'étend pas sur la totalité du cheminement réservé aux piétons et se situe sur une rue semi-piétonne dans laquelle d'autres emplacements de stationnement ont été matérialisés dans les mêmes conditions ;

. le maire peut, en vertu de ses pouvoirs de police de la circulation, sur le fondement de l'article R. 417-10 du code la route, autoriser le stationnement sur les trottoirs ;

- la création de l'emplacement litigieux est justifiée par la nécessité de faciliter la rotation des véhicules ainsi que de faire bénéficier le plus grand nombre d'usagers d'un emplacement de proximité dans le centre historique de Ribeauvillé ;

- cette décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation et ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'à la liberté d'entreprendre de la SAS le comptoir montagnard.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 et 30 octobre 2024, la SAS le comptoir montagnard conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la commune de Ribeauvillé ;

2°) en tout état de cause :

. à l'annulation de la décision du 2 juin 2021 par laquelle la commune de Ribeauvillé a refusé de faire droit à sa demande tendant à retirer la décision révélée par le marquage au sol par laquelle la commune a décidé d'installer une place de stationnement au droit de son commerce ;

. et à ce qu'il soit ordonné à la commune de Ribeauvillé d'effacer le marquage au sol autorisant le stationnement au droit de ses locaux dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) à la condamnation de la commune de Ribeauvillé à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité : les premiers juges n'ont pas statué ultra-petita ; ses écritures et ses illustrations jurisprudentielles page 12 de sa requête du 29 novembre 2021 démontrent bien qu'elle entendait prouver que la décision litigieuse était disproportionnée par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi par la commune ;

- les décisions litigieuses ne sont justifiées par aucune considération d'intérêt général ;

- elles sont entachées d'erreur d'appréciation ;

- elles sont disproportionnées ;

- elles portent atteinte à la liberté du commerce et d'entreprendre ; sa vitrine est cachée par le véhicule stationné, ce qui est préjudiciable pour son activité ; elle ne peut ni fermer ses volets quand un véhicule est stationné trop près du mur, ni utiliser la fenêtre pour vendre ses produits à emporter ; cette place de stationnement est dangereuse car les piétons et cyclistes n'ont plus de place pour circuler en toute sécurité dans cette rue étroite et très touristique ;

- elles méconnaissent l'article L.2213-2 du code général des collectivités territoriales et les articles R. 417-3 et R. 417-10 du code de la route et sont dépourvues de base juridique :

. s'il est loisible au maire de réglementer le stationnement, sa décision doit nécessairement être prise " par arrêté motivé " eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement ;

. une décision limitant le stationnement dans les zones dites bleues doit obligatoirement faire l'objet d'un arrêté spécifique qui doit préciser la durée maximale de stationnement ainsi que les horaires de stationnement autorisé ; or l'arrêté du 20 avril 2012 ne vise pas la Grand'Rue en zone bleue et l'arrêté du 27 avril 2021 est postérieur à la création de l'emplacement litigieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Erkel, représentant la commune de Ribeauvillé et de Me Maamouri, représentant la SAS le comptoir montagnard.

Considérant ce qui suit :

1. Un emplacement de stationnement devant le local exploité par la SAS le comptoir montagnard Grand'Rue à Ribeauvillé a été matérialisé le 25 avril 2021 par les services communaux à l'aide d'un marquage au sol. Par une lettre du 7 mai 2021, la SAS le comptoir montagnard a demandé au maire de la commune de Ribeauvillé de retirer la décision de création de cette place de stationnement au droit de son commerce révélée par le marquage au sol. Par une décision du 2 juin 2021, le maire de la commune de Ribeauvillé a rejeté cette demande. Par un jugement n° 2103961-2104074 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a, sur la demande de la société le comptoir montagnard, annulé la décision révélée par le marquage au sol par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a créé une place de stationnement au droit du commerce de la SAS le comptoir montagnard, ensemble la décision du maire de la commune de Ribeauvillé du 2 juin 2021 refusant de retirer cette décision. La commune de Ribeauvillé relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures de première instance que la SAS le comptoir montagnard a soulevé le moyen tiré du caractère disproportionné de la création d'un emplacement de stationnement au droit de son commerce au regard du but de police poursuivi. Les premiers juges n'ont ainsi pas retenu un moyen qui n'était pas soulevé alors même que l'argumentation, au soutien de ce moyen, était principalement orientée sur une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2542-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du titre Ier du livre II de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l'exception de celles des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2212-3, L. 2212-4, L. 2213-6, L. 2213-7, L. 2213-8, L. 2213-9, L. 2213-21, L. 2213-26, L. 2213-27, L. 2214-3, L. 2214-4,L. 2215-1 et L. 2215-4. ". Aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales, et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation (...) : 2°Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules (...) ".

4. D'autre part, dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont ainsi confiés, il appartient au maire de prendre les mesures nécessaires pour concilier les droits de l'ensemble des usagers de la voie publique et les contraintes liées, le cas échéant, à la circulation et au stationnement de leurs véhicules.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement de stationnement en litige au droit du commerce le comptoir montagnard est, du fait de son marquage au sol, directement accolé à la façade du commerce de sorte qu'un véhicule pourrait régulièrement y stationner en empêchant l'ouverture des volets de la fenêtre devant laquelle il se trouve. Au surplus, et quand bien-même le rue serait semi-piétonne, la configuration de cette place de stationnement et donc de son utilisation empêche tout cheminement des piétons le long du commerce qui se trouvent contraints de se déporter sur le milieu de la voie. Dans ces conditions, même si l'objectif de la création de cet emplacement était de permettre une rotation plus rapide des véhicules afin de faire bénéficier un plus grand nombre d'usagers d'un emplacement de proximité dans le centre historique de Ribeauvillé, la restriction apportée à la SAS le comptoir montagnard, riveraine de la voie, qui ne peut utiliser dans des conditions normales les volets d'une fenêtre de son commerce, excède celle que le maire pouvait légalement imposer au regard des nécessités de stationnement dans la commune.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Ribeauvillé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part annulé la décision révélée par le marquage au sol par laquelle le maire de la commune de Ribeauvillé a créé une place de stationnement au droit du commerce de la SAS le comptoir montagnard, ensemble la décision du maire de la commune de Ribeauvillé du 2 juin 2021 refusant de retirer cette décision et d'autre part, enjoint au maire de supprimer la place de stationnement au droit du local de la SAS Le Comptoir montagnard.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS le comptoir montagnard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Ribeauvillé, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ribeauvillé la somme demandée par la SAS le comptoir montagnard, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Ribeauvillé est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS le comptoir montagnard présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ribeauvillé et à la SAS le comptoir montagnard.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC02891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02891
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;22nc02891 ?
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