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21/01/2025 | FRANCE | N°21NC01890

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 21NC01890


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Génie civil Bâtiment du Centre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'établir le décompte général du marché de construction d'un complexe aquatique et sportif conclu avec la communauté de communes de l'Argonne Champenoise et, d'autre part, de condamner cette communauté de communes à lui verser la somme de 1 630 289,97 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux de 7,99 % à compter du 20 novembre 2015 avec capitali

sation des intérêts.



Par un jugement n° 1903083 du 27 avril 2021, rectifié par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Génie civil Bâtiment du Centre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'établir le décompte général du marché de construction d'un complexe aquatique et sportif conclu avec la communauté de communes de l'Argonne Champenoise et, d'autre part, de condamner cette communauté de communes à lui verser la somme de 1 630 289,97 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux de 7,99 % à compter du 20 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1903083 du 27 avril 2021, rectifié par une ordonnance du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fixé le solde du marché à la somme de 239 650,07 euros TTC et condamné la communauté de communes de l'Argonne Champenoise à verser cette somme à la société Génie civil Bâtiment du Centre, avec intérêts moratoires à compter du 20 novembre 2015 et leur capitalisation à compter du 19 décembre 2019, mis les frais d'expertise à la charge de cette société et de la communauté de communes respectivement à hauteur de 30 229,90 euros et de 90 689,70 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 juin 2021, le 21 septembre 2023 et le 12 septembre 2024, la SCP Olivier Zanni, en qualité de mandataire liquidateur de la société Génie civil Bâtiment du Centre (GBC), représentée par la SELARL Franz Touche Avocats, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 avril 2021 en fixant le solde du marché conclu avec la communauté de communes de l'Argonne Champenoise à la somme de 1 740 873,78 euros TTC et de condamner cette communauté de communes à verser à la SCP Zanni, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société GBC, cette somme avec les intérêts moratoires au taux de 7,99 % à compter du 20 novembre 2015 et leur capitalisation à compter du 19 décembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Argonne Champenoise la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la communauté de communes de l'Argonne Champenoise.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à la demande de paiement de travaux supplémentaires au titre de l'ordre de service n° 45 concernant la dépose de la grue pour un montant de 28 768 euros HT et de l'ordre de service n° 58 concernant la réalisation d'un mur de soutènement pour un montant de 16 624,21 euros HT qui n'était pas prévu dans le plan du BET ; les plans, par renvoi du CCTP constituent une pièce contractuelle ;

- le paiement des ordres de service n'est pas subordonné à l'utilité des travaux mais uniquement au fait qu'ils n'étaient pas prévus au marché, ce qui était le cas pour les ordres de service n° 10, 15, 22, 23 et 25, 31 et 50, 46, 52, 53, 56, 57, 60, 61 et 68 ;

- la demande de paiement de 11 685 euros HT au titre de la réalisation des surbaux est fondée dès lors qu'ils ne figuraient pas sur les plans BET structures qui constituent une pièce contractuelle ;

- la demande de paiement de 13 467,86 euros HT pour les retours sur ouvrage est justifiée dès lors que les travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et qu'ils ne constituent pas, comme l'a retenu le tribunal, des sujétions prévisibles liées à l'allongement de l'exécution des travaux ;

- l'allongement du délai d'exécution lui a causé un préjudice dont elle est fondée à solliciter l'indemnisation sur le fondement des sujétions imprévues ; les intempéries constituent selon l'expert une telle sujétion qui a contribué à l'allongement du délai d'exécution à hauteur de 6,5 mois ; les conséquences financières des intempéries, estimées à 438 824 euros TTC, constituent un bouleversement de l'économie du marché ; la défaillance de la société titulaire des lots 4 et 5, qui a entrainé un allongement du délai d'exécution de 10 mois, constitue une sujétion imprévue et extérieure aux parties qui a bouleversé l'économie du contrat et justifie une indemnisation à concurrence de 682 616,71 euros TTC ;

- le maître d'ouvrage a commis des fautes ayant contribué à l'allongement du délai d'exécution dès lors qu'il a remplacé tardivement la société défaillante titulaire des lots 4 et 5 ; si la maîtrise d'œuvre a informé, par un courrier du 1er février 2013, le maître d'ouvrage des démarches à accomplir, ce dernier connaissait la défaillance de cette société bien avant cette date ; cette société était absente du chantier depuis le 7 janvier 2013 et a été placée en redressement judiciaire le 21 septembre 2012 ; il a fallu sept mois pour la remplacer, entraînant un décalage des travaux de 10 mois ; le maître d'ouvrage a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle ;

- au titre du préjudice lié à l'allongement du délai d'exécution, le maître d'œuvre a validé l'immobilisation de la base de vie à hauteur de 6 618,67 euros HT ; les pièces du dossier établissent le coût de l'immobilisation du matériel à un montant de 201 810,20 euros HT ; les frais de personnel, de déplacements sur site et d'hébergement sont justifiés à hauteur respectivement de 331 793,20 euros HT et 214 991,52 euros HT ; le surcoût des frais généraux subséquent à l'allongement du délai d'exécution est incontestable pour un montant de 236 415,56 euros HT ; l'expert a retenu la justification de frais financiers d'un montant de 20 350,32 euros HT ;

- les frais dont elle demande l'indemnisation entrent dans le champ de la TVA ;

- les frais financiers ne constituent pas des intérêts moratoires mais des frais induits directement par la gestion du chantier au-delà de la durée contractuelle ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les pénalités appliquées sur la situation n° 35 étaient justifiées alors qu'elle a contesté par un courrier du 17 février 2014 ces pénalités qui trouvaient leur fondement dans un ordre de service n° 67 de notification de planning d'exécution sur lequel elle a émis des réserves par courrier du 27 juillet 2013 ; le retard de 59 jours du 28 août 2013 au 25 octobre 2013 ne lui est pas imputable mais résulte de l'absence d'avenant pour certains travaux et du retard d'autres intervenants ;

- le tribunal a mis à tort une quote-part des frais d'expertise à sa charge dès lors qu'elle n'est pas la partie perdante et que la communauté de communes est seule responsable de l'engagement de l'expertise qui a permis de traiter huit réclamations financières relatives à huit lots distincts ;

- aucun retard ne peut lui être imputé pour justifier l'application de pénalités ;

- les travaux de reprise des têtes de pieux ont fait l'objet d'un avenant n° 5 signé par le maître d'ouvrage et correspondent à des travaux indispensables qui ouvrent droit à paiement ; en outre, cet avenant est consécutif à une erreur de conception des plans EXE par le maître d'œuvre ; la perte de subvention, dont la réalité n'est pas établie, est hypothétique ;

- la reprise de la poutre ferraillée est intervenue en cours de chantier et a fait l'objet d'un avenant n° 2 signé, sans aucune réserve ; la communauté de communes ne peut pas invoquer après réception ce désordre ; les plans EXE incombent selon l'article 5.2 du CCAP au maître d'œuvre ; la réalité de la perte de subvention n'est pas établie ;

- s'agissant des fondations du toboggan, les plans EXE incombent selon le CCAP au maître d'œuvre ; le maître d'ouvrage a mentionné sur le devis de travaux qu'ils trouvaient leur origine dans une erreur de conception des plans DCE relevant de la maîtrise d'œuvre ;

- s'agissant des travaux de renforcement des murs de la salle de gymnastique, les plans d'EXE relèvent, selon le CCAP, du maître d'œuvre ; le maître d'ouvrage a indiqué sur le devis que les travaux ont pour cause une erreur de conception des plans EXE par la maîtrise d'œuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, la communauté de communes de l'Argonne Champenoise, représentée par Me Beaujard de la SELAS ACG, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête de la société GBC et à titre subsidiaire, à ce que les frais d'immobilisations et généraux n'excèdent pas respectivement les sommes de 103 584,67 euros et de 236 415,56 euros ;

2°) en tout état de cause, à ce que la taxe sur la valeur ajoutée ne soit pas appliquée sur les sommes accordées au titre de ces frais et des frais financiers et que les intérêts moratoires ne soient appliqués qu'au solde positif éventuellement mis à sa charge déduction faite de la retenue de garantie, de la rémunération des travaux supplémentaires, de l'indemnisation du préjudice lié à l'allongement du délai d'exécution et des sommes qu'elle a retenues sur les situations de travaux au titre des pénalités provisoires ;

3°) par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, à la condamnation de la société GBC à lui verser, d'une part, la somme totale de 91 909,72 euros TTC au titre des surcoûts liés à la reprise de tête de pieux, de poutre béton, du renforcement des fondations du toboggan et des murs de la salle de gymnastique et, d'autre part, celle de 269 169,04 euros au titre des pénalités de retard ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société GBC à lui verser la somme totale de 51 453,95 euros correspondant à la perte des subventions afférentes aux travaux de reprise et celle de 150 708,30 euros en réparation du retard d'achèvement du marché ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la société GBC la somme totale de 34 825,08 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à ce que soit mise à la charge de la société GBC la somme de 41 856,03 euros au titre des frais d'expertise.

Elle soutient que :

- il résulte des stipulations des articles 10.1.1, 10.2 et 14.1 du CCAG Travaux 2009, des articles 13.1 à 13.3 du CCAP et du CCTP du lot 2 que le marché a été conclu à prix forfaitaire tenant compte de toutes les sujétions d'exécution normalement prévisibles ; des travaux exécutés sur ordre de service ne peuvent être présumés hors marché et ouvrir droit à une rémunération, surtout en l'absence d'incidence financière et d'avenant ; ceux effectués sans ordre de service malgré le refus du maître d'ouvrage ne donne pas lieu à rémunération, même s'ils sont indispensables ; la demande au titre des ordres de service n° 45 et 58 n'est pas justifiée et c'est à tort que le tribunal a fait droit à une rémunération pour les ordres de service n° 10, 15, 22, 23 et 25, 31 et 50, 46, 52, 53, 56, 57, 60, 61 et 68 qui correspondent à des travaux qui doivent être compris dans le marché ;

- la seule signature des ordres de service n° 10, 15, 22, 23, 25, 31, 50, 46, 52, 53, 56, 60, 61 et 68 est insuffisante pour justifier une rémunération supplémentaire alors qu'ils étaient " sans incidence financière " et devaient donc être regardés comme étant prévus dans le marché à prix global et forfaitaire ; l'absence de mention par le maître d'ouvrage d'une incidence financière signifie qu'il n'entend pas les prendre en charge au titre des travaux supplémentaires ; leur utilité n'est pas démontrée ;

- les demandes de paiement supplémentaires pour les surbaux et les retours sur ouvrage ne sont pas fondées comme l'a jugé le tribunal ;

- la demande d'indemnisation du préjudice consécutif à l'allongement du délai d'exécution imputable aux intempéries, à la faute du maître d'ouvrage et à la fourniture tardive des plans d'exécution n'est pas fondée ; il n'est pas établi que les intempéries constituent des sujétions imprévues et la requérante ne démontre pas avoir été impactée ; en admettant que les conditions météorologiques constituent des sujétions imprévues, elles n'ont pas bouleversé l'économie du contrat ; l'article 10.3 du CCAP n'envisage les intempéries que pour la prolongation du délai d'exécution ; la défaillance d'une entreprise n'est pas exceptionnelle ; elle a réagi avec diligence pour réattribuer les lots 4 et 5 ; elle ne peut être responsable du fait des autres participants aux travaux, notamment du maître d'œuvre qu'elle a relancé à plusieurs reprises pour les plans d'exécution ; l'indemnisation au titre des frais d'immobilisation ne peut excéder la somme admise par l'économiste et n'est pas soumise à la TVA ; les frais généraux ne sont pas justifiés et en tout état de cause ils ne sont pas assujettis à la TVA ; les frais financiers réclamés correspondent en réalité à des intérêts moratoires sur les pénalités provisoires qui ont été appliquées et ne peuvent être fondés que si le tribunal rejette sa demande reconventionnelle à ce titre et si le décompte général est positif ; en outre l'article 11.1 du CCAP stipule que si le retard est résorbé, la pénalité est remboursée sans donner lieu à des intérêts moratoires ; les intérêts moratoires ne sont pas soumis à TVA ;

- un retard est imputable à la société GBC dans l'exécution, dans les délais impartis, de ses obligations ce qui justifie des pénalités ; c'est à tort que le tribunal a exclu les pénalités pour les situations n° 25 et 29 à concurrence respectivement de 27 780,96 euros et 46 980,61 euros ; si l'expertise impute le retard au retard global de l'exécution lié à la liquidation d'une entreprise, aux intempéries et à la défaillance de la maîtrise d'œuvre, cela n'exclut pas le retard imputable à la société GBC dès lors que le bâtiment était clos et couvert lui permettant de travailler normalement à l'intérieur ; l'impact spécifique des intempéries n'a pas été appréhendé ; le maître d'œuvre a apprécié le nombre de jours de retard spécifiquement imputable à la requérante ;

- elle est fondée à solliciter le remboursement d'un devis pour une reprise de pieux, inutile selon une expertise, que la société GBC lui a fait supporter pour un montant de 60 911,30 euros TTC ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle avait signé le devis en connaissance de cause et ne pouvait prétendre à un remboursement de ce montant ; subsidiairement ce surcoût a induit une perte de subvention qui s'élève à un montant global de 416 294,07 euros, dont la somme de 37 757,87 euros, calculée au prorata de sa part de responsabilité dans le surcoût du marché, doit être supportée par la société GBC ;

- elle est fondée à demander le remboursement d'un avenant pour la reprise d'une poutre béton pour un montant de 11 694,53 euros TTC qu'elle a dû accepter alors que la société GBC, chargée des études d'exécution, ne s'est pas assurée de la conformité du ferraillage aux règles de l'art ; subsidiairement, elle a perdu des subventions qui représentent, eu égard à la part de responsabilité de la société GBC dans le surcoût global, la somme de 5 245,31 euros ;

- la société GBC aurait dû mettre en œuvre des fondations sous le toboggan mais à la suite du refus du bureau de contrôle, elle a dû accepter un avenant du 19 avril 2013 d'un montant de 11 195,01 euros TTC pour la mise en place de pieux et longrines supplémentaires ; l'expertise a mis en exergue que la société GBC devait réaliser les études d'exécution et s'assurer de la conformité aux règles de l'art des fondations ; elle est donc fondée à solliciter le remboursement de cette somme ou subsidiairement l'indemnisation de la subvention perdue de 4 912,27 euros ;

- elle a accepté un avenant du 19 avril 2013 de 8108,88 euros TTC, sur proposition du maître d'œuvre, qui ne lui a pas précisé que les travaux concernés de renforcement des murs de la salle de gymnastique résultaient d'une erreur de la société GBC ; l'expertise a également montré que la société GBC devait réaliser des études d'exécution et s'assurer de la conformité aux règles de l'art des fondations ; elle est donc fondée à solliciter le remboursement de cette somme ou subsidiairement l'indemnisation de la subvention perdue de 3 538,50 euros ;

- les intérêts moratoires majorés ne s'appliquent pas à l'indemnisation due en raison de l'allongement des délais.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux, président,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Lutringer, substituant Me Beaujard, pour la communauté de communes de l'Argonne Champenoise.

Considérant ce qui suit :

1. En 2010, la communauté de communes de la région de Sainte-Menehould, devenue la communauté de communes de l'Argonne Champenoise, a lancé une consultation pour la construction d'un complexe aquatique et sportif sur le territoire de la commune de Sainte-Menehould. La maîtrise d'œuvre a été confiée au groupement d'entreprises JAPAC, devenu Octant Architecture et Soja Ingénierie. Le lot n° 2 " terrassement - fondation - gros-œuvre " a été confié à la société Génie Civil Bâtiment du Centre (GBC) pour un prix global et forfaitaire de 3 295 041,86 euros HT, lequel a été porté, par six avenants, à la somme de 3 619 671,03 euros HT. Le démarrage des travaux était prévu le 19 juillet 2010, pour une durée d'exécution de 23 mois, intempéries comprises de deux mois. Les travaux, achevés le 25 octobre 2013, ont finalement été réceptionnés le 20 novembre suivant. A la demande de la communauté de communes, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a donné lieu au dépôt d'un rapport d'expertise de l'expert désigné, assisté d'un sapiteur économiste de la construction, en juin 2019. Parallèlement, par un courrier du 18 novembre 2015, reçu le 20 novembre suivant, la société GBC a mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir le décompte général conformément à l'article 13.5.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux de 2009, applicable au marché en litige, qui, compte tenu de l'expertise en cours, n'a pas été réalisé. La société GBC a alors demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'établir le décompte général du marché et de condamner la communauté de communes de l'Argonne Champenoise à lui verser la somme de 1 630 289,97 euros TTC correspondant au solde du marché. La communauté de communes a appelé en garantie le maître d'œuvre et présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation in solidum de celui-ci et de la société GBC à lui verser une somme globale de 102 982,57 euros TTC au titre de coûts de travaux supplémentaires et à la condamnation de la seule société GBC à lui verser la somme de 269 169,04 euros TTC au titre des pénalités de retard. Par un jugement du 27 avril 2021, rectifié par une ordonnance du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fixé le solde du marché à la somme de 239 650,07 euros TTC et condamné la communauté de communes de l'Argonne Champenoise à verser cette somme à la société GBC avec les intérêts moratoires au taux de 0,99 % augmenté de sept points à compter du 20 novembre 2015 et leur capitalisation à compter du 19 décembre 2019, mis les frais d'expertise à la charge de cette société et de la communauté de communes respectivement à hauteur de 30 229,90 euros et de 90 689,70 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties. La SCP Zanni, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société GBC, fait appel de ce jugement en tant uniquement qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de paiement du solde du marché et a mis partiellement les dépens à sa charge. La communauté de communes de l'Argonne Champenoise conclut au rejet la requête et présente des conclusions d'appel incident tendant à la réduction de la somme à laquelle elle a été condamnée et à la réformation du jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions.

Sur le solde du marché :

En ce qui concerne les demandes de rémunération de travaux supplémentaires :

2. Le titulaire d'un marché conclu à prix global et forfaitaire peut obtenir une rémunération complémentaire lorsqu'il effectue des prestations non prévues au marché et commandées par ordre de service. Par ailleurs, le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

S'agissant des travaux réalisés suivant un ordre de service :

Quant aux travaux supplémentaires au titre de l'ordre de service n° 45 concernant la dépose de la grue :

3. La société GBC sollicite l'indemnisation d'une somme de 28 768 euros HT correspondant au surcoût de la location d'un chariot élévateur et de main d'œuvre durant quatre mois, engendré par l'exécution de l'ordre de service n° 45 du 28 novembre 2012 lui prescrivant l'enlèvement d'une grue qui devait servir à la réalisation d'une passerelle et de murets de soutènement. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces contractuelles que les travaux en cause, d'une durée prévisionnelle de trois semaines, devaient être réalisés avec une grue, selon les observations non contredites formulées par le maître d'œuvre pour justifier l'absence de prise en compte de cette somme dans le projet de décompte final. D'autre part, il n'est pas établi que ces coûts induits par l'ordre de service n° 45 sont allés au-delà de ce qui incombait contractuellement à la société requérante dans le cadre du marché à prix forfaitaire. Par suite, la société GBC n'est pas fondée à demander l'indemnisation de prestations supplémentaires au titre de cet ordre de service n° 45.

Quant aux travaux supplémentaires au titre de l'ordre de service n° 58 concernant la réalisation d'un mur de soutènement :

4. La société GBC demande l'indemnisation, à concurrence de la somme de 16 624,21 euros HT, des travaux supplémentaires imposés par l'ordre de service n° 58 du 27 mai 2013 portant sur la réalisation de murets de soutènement qui, selon elle, n'étaient pas reportés sur les plans de structures. Toutefois, il résulte de l'instruction que le point 2.9.1.a du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de son lot mentionne expressément à sa charge la réalisation de murets de soutènement, ainsi que l'a relevé le rapport d'expertise du sapiteur B2M, et renvoie, pour leur localisation précise, aux plans BET ou architecte. Même s'il n'est pas établi, en l'absence de production des plans, que ces murets figuraient effectivement dans le plan d'architecte, comme l'a mentionné le maître d'œuvre pour s'opposer à la réclamation de la requérante sur ce point, il n'en demeure pas moins que ces ouvrages doivent être regardés comme ayant été contractuellement prévus dès l'origine dans le marché de la requérante. Il s'ensuit que la société GBC n'est pas fondée à demander une rémunération pour ces travaux qui relevaient des prestations prévues par les pièces contractuelles.

Quant aux travaux supplémentaires au titre des ordres de service n° 10, 15, 22, 23, 25, 31, 50, 46, 52, 53, 56, 57, 60, 61 et 68 :

5. La communauté de communes, par la voie de l'appel incident, conteste l'indemnisation accordée à la société GBC par le tribunal pour les travaux supplémentaires réalisés à la suite des ordres de service n° 10, 15, 22, 23, 25, 31, 50, 46, 52, 53, 56, 57, 60, 61 et 68. Elle se borne toutefois dans ses écritures à soutenir que les travaux réalisés à la suite d'un ordre de service avec la mention " sans incidence financière " sont compris dans le forfait, que selon le maître d'œuvre, ils relevaient du marché de la société GBC et que leur utilité n'est pas démontrée. Elle ne développe aucune argumentation spécifique à chacun de ces ordres de service, ni ne critique la réponse apportée par le tribunal qui, pour accueillir les demandes d'indemnisation de ces travaux a estimé, au vu du rapport du sapiteur, qu'ils n'étaient pas prévus initialement au marché et que, s'agissant même de l'ordre de service n° 68, le devis n° 10B0302MTS84INDB du 29 août 2013 a été accepté par le maître d'ouvrage. Il y a lieu, dès lors, d'adopter les motifs retenus à juste titre par le tribunal aux points 6 à 10, 12 à 16,18, 19 et 20 du jugement attaqué pour accorder une rémunération supplémentaire à la société GBC.

S'agissant des travaux réalisés sans ordre de service :

Quant à la réalisation de surbaux pour les planchers chauffants :

6. La société GBC sollicite, selon un devis n° 10 b 03 02MTS52, la somme de 11 685 euros HT correspondant à la réalisation de surbaux pour les planchers chauffants du bâtiment. Toutefois, il résulte des stipulations du point 2.9.8 du CCTP de son lot qu'elle était tenue d'exécuter les acrotères et relevés en béton armé, y compris toutes sujétions de coffrage droit et courbe, aciers HA et toutes sujétions d'exécution. Les surbaux relevaient ainsi des prestations lui incombant contractuellement, même si leur localisation ne figurait pas dans les plans d'architecte ou BET structures, comme le prévoyaient ces mêmes stipulations du CCTP. Dans ces conditions, alors même qu'ils étaient indispensables à l'exécution des travaux dans les règles de l'art, ces travaux ne sauraient être regardés comme n'ayant pas été initialement inclus dans le prix global et forfaitaire du marché. La requérante ne peut donc pas demander un supplément de prix à ce titre.

Quant aux retours sur l'ouvrage :

7. La société GBC réclame la somme globale de 13 467,86 euros HT correspondant, selon sa réclamation adressée au maître d'œuvre, d'une part, à l'allongement d'une poutre allège courbe sur la coursive extérieure du complexe aquatique pour un montant, selon le devis 10b 03 03MTS41, de 3 821,60 euros HT, et d'autre part, à l'allongement de la voile courbe située dans la zone d'accueil, et à la création de poteaux dans le local à vocation de bar et dans les locaux administratifs du bassin sportif, selon devis 10b 03 02MTS46, d'un montant de 4204,26 euros HT. Elle ajoute également qu'en raison d'une modification du phasage des travaux et en particulier de la pose de la charpente, de manière différente de ce qui était initialement prévu, elle a dû mettre en place des réservations dans les voiles du local d'entretien et de rangement ainsi qu'au niveau de la dalle en béton du RDC au droit des poteaux de la charpente pour permettre leur implantation et achever ces ouvrages après la pose de la charpente, rendant plus complexe l'exécution des travaux qui devaient, en principe, être effectués avant la pose de la charpente. Cependant, si la réalité de ces travaux, effectués à la suite d'une modification des plans d'exécution par le maître d'œuvre, n'est pas contestée, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que de tels travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Enfin, en admettant même que la modification des modalités techniques d'implantation de la charpente et du phasage des travaux a rendu plus complexe les prestations de la requérante, cette circonstance relève des sujétions techniques d'exécution normalement prévisibles dont le prix du marché est réputé tenir compte selon l'article 13.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP). Par suite, ce chef de demande ne peut qu'être rejeté.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices résultant de l'allongement de la durée du marché :

8. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

9. Il résulte de l'instruction que le délai global d'exécution des travaux était fixé à 23 mois à compter de l'ordre de service n° 1 prescrivant le démarrage des travaux, comprenant la période de préparation du chantier et deux mois d'intempéries. Il est constant que cet ordre de service a été notifié le 20 juillet 2010 pour un démarrage des travaux au 19 juillet. Le lot gros-œuvre devait être effectué entre le 4 octobre 2010 et le 15 avril 2011. La réception de l'ouvrage a finalement été prononcée le 20 novembre 2013, avec un retard de 18 mois par rapport au délai prévisionnel d'achèvement des travaux. Il ressort du rapport établi par le sapiteur, la société B2M, que l'allongement des délais d'exécution serait imputable pour 36 % aux intempéries, 56 % à la défaillance de l'intervenant titulaire des lots 4 et 5 et enfin 8 % au retard de communication des plans d'exécution aux entreprises. La société GBC sollicite une indemnité globale de 1 218 958,42 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard dans l'exécution de son marché sur le fondement des sujétions imprévues et des fautes commises par le maître d'ouvrage.

S'agissant des sujétions imprévues :

Quant aux intempéries :

10. La société GBC se prévaut d'un total de 238 jours d'interruption des travaux liés aux intempéries, ce qui représente, selon le rapport d'expertise, déduction faite des jours d'intempéries prévus par l'article 10.3 du CCAP, 178 jours d'interruption qui lui ont causé un préjudice qu'elle évalue, au prorata de la part de cette sujétion dans son préjudice global, à la somme de 438 824 euros TTC. Toutefois, en admettant que ce surcoût soit fondé et résulte du retard d'exécution de son marché du fait de ces jours d'intempéries qui ont présenté, selon l'expert, un caractère exceptionnel et imprévisible, il ne représente que 11,09 % du montant du marché initial de 3 954 050,23 euros TTC et ne saurait, dès lors, caractériser un bouleversement de l'économie du contrat.

Quant à la défaillance d'une société titulaire des lots bardage et charpente :

11. La société GBC se prévaut de l'allongement du délai d'exécution des travaux partiellement imputable à la défaillance à compter du 7 janvier 2013 de la société titulaire des lots 4 et 5 relatifs respectivement à la charpente et au bardage, et qui n'a été remplacée, à la suite de son redressement judiciaire et de la rupture consécutive du marché, par de nouveaux attributaires qu'à partir de mai et juin 2013. Toutefois, le placement en liquidation judiciaire d'une société ne constitue pas une sujétion imprévue. Par suite, la société GBC n'est pas fondée à solliciter une indemnisation au titre des sujétions imprévues en raison de la défaillance de cette société.

S'agissant de la faute du maître d'ouvrage :

12. La société GBC reproche à la maîtrise d'ouvrage d'avoir tardé à remplacer la société titulaire des lots 4 et 5 relatifs à la charpente et au bardage, placée en redressement judiciaire le 21 septembre 2012 et absente du chantier depuis le mois de janvier 2013, entraînant un décalage d'exécution de près de dix mois. Toutefois, les pièces du dossier révèlent que le maître d'ouvrage n'a été informé par le maître d'œuvre de la défaillance de cette société que par un courrier du 1er février 2013. Il ne résulte pas de l'instruction qu'antérieurement à cette dernière date, la maîtrise d'ouvrage aurait été avisée de cette situation et aurait par conséquent dû procéder à un marché de substitution plus tôt. Il résulte de l'instruction que dès le 4 février 2013, le maître d'ouvrage a sollicité le mandataire judiciaire sur la poursuite du marché de travaux, lequel, par un courrier réceptionné le 18 février 2013, l'a informé de ce qu'il entendait résilier le marché en application de l'article L. 622-13 du code du commerce. Il résulte également de l'instruction qu'après un état des lieux des travaux réalisé par cette société défaillante, le maître d'ouvrage a engagé, dès le mois d'avril 2013, une procédure de passation de nouveaux marchés pour les lots 4 et 5. A la suite de l'analyse des offres reçues, le 27 mai 2013, le lot 4 a été attribué à une nouvelle entreprise. L'appel d'offre du lot 5 ayant été déclaré infructueux, il a été attribué à une autre société le mois suivant, dans le cadre d'une procédure de marché négocié. Ainsi, en attribuant les deux lots de l'entreprise défaillante dans un délai d'environ 5 mois, le maître d'ouvrage, qui a agi avec diligence, n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

13. L'article 10.2 du CCAP du lot n° 2 stipule : " (...) Le délai d'exécution de chaque lot fera également l'objet d'un ordre de service de démarrage. Cet ordre de service de démarrage des travaux devra être notifié à chaque entrepreneur titulaire d'un lot dans un délai qui ne pourra excéder 8 mois à compter de sa notification par dérogation à l'article 19.1.1 du CCAG Travaux. (...) / Le délai d'exécution de chaque lot s'insère dans ce délai global d'exécution de l'ouvrage dans les conditions fixées dans le calendrier prévisionnel d'exécution. En s'appuyant sur ce calendrier prévisionnel d'exécution et après consultation des titulaires des différents lots, la maîtrise d'œuvre, titulaire de la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination, OPC élabore le calendrier détaillé d'exécution. Ce dernier distingue les différents ouvrages dont la construction fait l'objet de travaux. / Pour chacun des lots il indique : - la durée et la date probable de départ du délai d'exécution qui lui est propre ; la durée et la date probable de départs des délais particuliers correspondant aux interventions successives du titulaire sur le chantier. Le calendrier détaillé d'exécution sera mis au point pendant la période de préparation visée par l'article 5.1 du CCAP. Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à la date d'effet de l'ordre de service prescrivant au titulaire concerné de commencer les travaux lui incombant ". L'article 10.3 de ce CCAP stipule : " Un changement de la masse des travaux ou une modification de l'importance de certaines natures d'ouvrages, une substitution à des ouvrages initialement prévus d'ouvrages différents, une rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier, un ajournement des travaux décidé par la maîtrise d'ouvrage ou encore un retard dans l'exécution d'opérations préliminaires qui sont à la charge de la maîtrise d'ouvrage ou des travaux préalables qui font l'objet d'un autre marché peuvent justifier : - soit une prolongation du délai d'exécution de l'ensemble des travaux ou d'une ou plusieurs tranches de travaux ; - soit le report du début des travaux. L'importance de la prolongation ou du report est débattue entre la maîtrise d'œuvre, l'entrepreneur concerné et, le cas échant, la maîtrise d'ouvrage. Par dérogation à l'article 19.2 du CCAG Travaux, la prolongation arrêtée fait l'objet d'un ordre de service signé par la maîtrise d'œuvre, contre signé et notifié par le maître d'ouvrage. Cette notification peut être accompagnée d'un nouveau calendrier détaillé d'exécution. (...) ".

14. Aux termes du CCAG Travaux de 2009 : " 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l'article 13.1.1. / 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre. (...) / 20.1.3. Les dispositions des deux alinéas qui précèdent sont applicables aux pénalités éventuellement prévues par les documents particuliers du marché pour le cas de retard dans la réalisation de certains ouvrages, parties d'ouvrages ou ensembles de prestations faisant l'objet de délais partiels ou particuliers ou de dates limites fixés dans le marché. / 20.1.4. Une fois le montant des pénalités déterminé, celles-ci sont prises en compte et la formule de variation prévue au marché leur est appliquée dans les conditions prévues à l'article 13.2.1. / 20.1.5. En cas de retard sur un délai partiel prévu au marché, si le délai global est respecté, le représentant du pouvoir adjudicateur rembourse au titulaire les pénalités provisoires appliquées, à la condition que le retard partiel n'ait pas eu d'impact sur les autres travaux de l'ouvrage. (...)". L'article 11.1 du CCAP du lot n° 2 stipule que " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG Travaux, à chaque fois qu'il est constaté un dépassement des délais d'exécution des travaux, l'entreprise se voit appliquer une pénalité journalière provisoire de 1/1000ème du montant du marché concerné, par jour de retard (le minimum journalier est fixé à 500 € HT). Cette pénalité ne devient définitive que si le retard n'a pas été résorbé avant la fin de ses travaux et que si le retard n'a pas eu d'impact sur les autres travaux de l'ouvrage. Si le retard est résorbé, la pénalité est remboursée sans pour autant que cela donne droit à des intérêts moratoires. (...) Les samedis, les dimanches et les jours fériés ou chômés ne sont pas déduits pour le calcul des pénalités et des primes. Le montant des pénalités n'est pas plafonné. (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que le planning initial d'exécution des travaux a fait l'objet de plusieurs modifications notifiées aux participants par un ordre de service du 30 mai 2012, pour une réception au 21 décembre 2012, puis par un ordre de service du 19 décembre 2012, reportant la réception au 7 mai 2013, et enfin par un ordre de service du 25 juillet 2013 pour une réception au 3 septembre 2013. Il est constant que la réception est finalement intervenue le 20 novembre 2013 constatant un achèvement des travaux à la date du 25 octobre 2013.

S'agissant de la pénalité imputée sur la situation n° 35 de juillet 2013 :

16. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 67, le maître d'œuvre a notifié le 25 juillet 2013 à la société GBC un planning d'exécution recalé pour l'ensemble des lots, prévoyant pour son propre lot une exécution des travaux du 24 juillet au 27 août 2013 pour une durée de 25 jours. Il ressort du procès-verbal de réunion du 15 octobre 2013, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les travaux prescrits par cet ordre de service n'étaient toujours pas réalisés à la date de cette réunion. Si la société requérante, par un courrier du 29 juillet 2013, a émis des réserves sur cet ordre de service en arguant du retard d'autres " corps d'état ", il ne résulte pas de l'instruction que ce retard dans l'achèvement de ses propres travaux serait imputable à d'autres intervenants alors que dans un courrier du 28 août 2013, le maître d'œuvre a déploré son absence sur le chantier depuis plusieurs semaines ainsi que des malfaçons des supports en béton s'opposant à l'intervention du titulaire du lot peinture. Enfin il résulte des stipulations de l'article 3.8.3. du CCAG Travaux, auquel le marché en litige ne déroge pas, que " le titulaire se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non fait l'objet de réserves de sa part, à l'exception des seuls cas que prévoient les articles 15.2.2 et 46.2.1. ". Or, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, que la requérante se trouvait dans le champ de l'une des exceptions auxquelles renvoie cet article, elle était tenue d'exécuter l'ordre de service précité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge la pénalité de 194 407,47 euros correspondant à 59 jours de retard, pour la période du 28 août au 25 octobre 2013, au taux de 1/1000 appliqué au montant initial du marché.

S'agissant de la pénalité imputée sur la situation n° 25 de juillet 2012 :

17. Le maître d'œuvre a appliqué, sur la situation n° 25 du 20 septembre 2012, une pénalité provisoire pour un montant de 27 780,96 euros correspondant à un retard de 8,4 jours. Il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté que la société GBC a pris du retard sur certains travaux, le maître d'œuvre, par un ordre de service n° 33 du 3 juillet 2012, lui a ordonné de couler les voiles béton sur charpente métallique dans le gymnase et de mettre en œuvre les socles bétons des supports WC dans toutes les zones pour le 17 juillet 2012. A cette dernière date, il a été constaté contradictoirement que les travaux des voiles béton n'avaient toujours pas été réalisés. Toutefois, ce seul constat ne suffit pas à établir que le retard serait imputable à la société GBC alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un courriel du 13 septembre 2012 qu'à cette date le BET n'avait pas modifié les plans d'exécution pour le déplacement de la maçonnerie dans la salle du gymnase pour remédier à un conflit avec le contreventement. De plus, quand bien même un retard serait effectivement imputable à la société GBC, il n'est pas établi que celui-ci n'aurait pas été résorbé avant la fin de ses travaux, ni qu'il aurait eu un impact sur les travaux des autres intervenants. Dans ces conditions, la communauté de communes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte la pénalité provisoire d'un montant de 27 780,96 euros.

S'agissant de la pénalité imputée sur la situation n° 29 de février 2013 :

18. Le maître d'œuvre a appliqué, sur la situation n° 29 du 12 mars 2013, une pénalité provisoire pour un montant de 46 980,61 euros correspondant à un retard de 169 jours ramené à 14,3 jours. Si, dans un courriel du 22 janvier 2013, le maître d'œuvre a reproché à la société GBC des retards dans l'exécution de ses travaux, il ne résulte pas de l'instruction que ces retards lui seraient imputables alors que, comme elle le fait valoir, les délais d'exécution ont été recalés à plusieurs reprises, et en dernier lieu par un ordre de service n° 67 du 25 juillet 2013, en raison des intempéries, de la défaillance de l'entreprise titulaire des lots 4 et 5, et de retards dans la fourniture des plans d'exécution. Par ailleurs, par de nombreux courriers, la société GBC a également fait part au maître d'œuvre des difficultés à respecter les délais d'exécution du fait du retard d'autres lots ou de la communication tardive des plans d'exécution. Il n'est ainsi pas établi, par la seule référence à un dire du maître d'œuvre explicitant les modalités de calcul des retards imputables à chacun des intervenants, dont la société GBC, que le retard retenu de 14,3 jours serait imputable à cette dernière. En outre, en admettant même un tel retard, il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été résorbé avant la fin de ses travaux, ni qu'il aurait eu une incidence sur les délais d'exécution des autres lots. Il s'ensuit que la communauté de communes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte la pénalité provisoire pour un montant de 46 980,61 euros.

En ce qui concerne le surcoût de travaux supportés par la communauté de communes :

19. La communauté de communes sollicite l'indemnisation des surcoûts qu'elle estime avoir supportés pour des travaux de rehaussement de pieux, la mise en place de pieux et longrines supplémentaires sous le toboggan et enfin la reprise d'une poutre en béton et subsidiairement le remboursement de la perte de subventions qu'elle aurait pu solliciter au titre de chacun de ces surcoûts.

20. Toutefois, il résulte de l'instruction que la communauté de communes a accepté, sur l'avis du maître d'œuvre, par un avenant n° 5 du 19 avril 2013, la rémunération d'une part, d'un devis du 2 février 2013, correspondant au rehaussement de pieux, pour un montant de 60 911,30 euros TTC et, d'autre part, un devis du 25 janvier 2013, d'un montant de 11 195,01 euros TTC pour la mise en place de pieux et longrines supplémentaires sous un toboggan. Par un avenant n° 2 du 20 décembre 2011, elle a également accepté d'intégrer dans le coût initial du marché la reprise d'une poutre en béton, en raison d'un problème de dimensionnement du ferraillage, pour un montant de 11 694,53 euros TTC. Si la communauté de communes fait valoir qu'elle a supporté à tort ces surcoûts dès lors que les travaux étaient soit inutiles, soit la conséquence d'une méconnaissance par la société GBC de ses obligations, en particulier celles relatives à l'établissement des plans d'exécution, il résulte de l'instruction qu'elle a signé les deux avenants précités sans aucune réserve alors même que pour la reprise des pieux, elle avait été informée, par un rapport d'expertise privé, de l'absence d'erreur des cotes altimétriques. En outre, et contrairement à ce qu'elle allègue, il ne résulte pas de l'instruction que son consentement aurait été vicié par la société GBC. Il s'ensuit que la communauté de communes n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à concurrence des surcoûts supportés pour les prestations intégrées au montant du marché pour la reprise des pieux, les fondations mises en place sous le toboggan et la reprise d'une poutre en béton. Elle n'est pas davantage fondée à demander l'indemnisation d'une quelconque perte de subvention en l'absence de tout manquement établi de la société GBC en lien avec la perte alléguée.

En ce qui concerne les frais d'expertise privée :

21. Si la communauté de communes fait valoir qu'elle a supporté des frais d'expertise privée dont elle sollicite qu'une quote-part soit mise à la charge de la société GBC, il résulte de l'instruction que ce rapport du 6 mars 2013, qui met essentiellement en exergue les défaillances de la maîtrise d'œuvre, ne présente aucune utilité pour la solution du litige. Par suite, la prétention de la communauté de communes ne peut être accueillie.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

22. La communauté de communes de l'Argonne Champenoise, qui ne conteste pas le point de départ des intérêts retenu par le tribunal, fait valoir que les intérêts moratoires majorés ne s'appliquent ni sur l'indemnisation de travaux supplémentaires, ni sur celle due en raison de l'allongement des délais, ni sur la retenue de garantie, ni enfin sur les retenues pratiquées au titre des pénalités provisoires. Toutefois, les intérêts moratoires dus par l'administration en cas de retard de paiement courent sur le seul solde du décompte. Par suite, la communauté de communes ne peut utilement soutenir que certaines des sommes prises en compte en crédit et en débit par le tribunal pour établir judiciairement le solde du décompte, et confirmées en appel, devraient être exclues des intérêts moratoires.

23. Il résulte de tout ce qui précède que ni la société GBC, par la voie de l'appel principal, ni la communauté de communes de l'Argonne Champenoise, par la voie de l'appel incident, ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fixé le solde du décompte du lot n° 2 à la somme de 199 708,39 euros HT, soit 239 650,07 euros TTC au crédit de la société GBC et condamné la communauté de communes à lui verser ce montant avec les intérêts moratoires à compter du 20 novembre 2015 et leur capitalisation à compter du 19 décembre 2019.

Sur les dépens :

24. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge du fond, même d'office, de répartir la charge des frais d'expertise entre les parties, en fonction de leur qualité de partie perdante ou de circonstances particulières justifiées.

25. Il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise a notamment permis de justifier une partie des prétentions de la société GBC et a donc présenté une utilité non seulement pour la communauté de communes, en litige également avec d'autres participants, mais aussi pour cette société. Par suite, quand bien même la communauté de communes de l'Argonne Champenoise est pour l'essentiel perdante, compte tenu de l'utilité de l'expertise pour chacune des parties en cause, ni la société GBC, ni la communauté de communes ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis à leur charge respectivement un quart et trois quarts des frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 120 919,60 euros TTC.

Sur les frais liés aux instances :

En ce qui concerne les frais de première instance :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". La communauté de communes de l'Argonne Champenoise, qui est en partie tenue aux dépens et qui a la qualité de partie perdante pour l'essentiel, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté, dans les circonstances de l'espèce, sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les frais exposés en appel :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société GBC est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la communauté de communes de l'Argonne Champenoise ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Olivier Zanni, en qualité de mandataire liquidateur de la société Génie civil Bâtiment du Centre et à la communauté de communes de l'Argonne Champenoise.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de la Marne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 21NC01890 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01890
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;21nc01890 ?
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