Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg Grand Est a confirmé la décision de la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim lui infligeant un avertissement.
Par un jugement n° 1908673 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui avait été accordé à M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021, M. B..., représenté par Me Ciaudo de la SCP Thémis Avocats et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg Grand Est a confirmé la décision de la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim lui infligeant un avertissement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement lui a irrégulièrement retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle alors que sa demande ne présentait pas un caractère abusif ou dilatoire ;
- il n'est pas établi que l'autorité qui a décidé son renvoi devant la commission de discipline disposait d'une délégation du directeur de l'établissement en méconnaissance de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale ;
- il n'est pas établi que son conseil a pu consulter le dossier disciplinaire plus de trois heures avant l'audience de la commission de discipline, en méconnaissance des articles R. 57-6-9 et R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;
- les faits reprochés ont été inexactement qualifiés de faute au regard des dispositions de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale.
Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2024, à 12 heures.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a produit un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2024, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux, président,
- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., incarcéré depuis le 13 octobre 2015, à la maison d'arrêt d'Ensisheim, a été sanctionné d'un avertissement prononcé par le président de la commission de discipline le 25 juillet 2019. A la suite d'un recours administratif préalable obligatoire exercé en application de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, alors en vigueur, le directeur interrégional des services pénitentiaires a, par une décision du 2 août 2019, qui s'est substituée à la décision initiale, confirmé cette sanction. Par un jugement du 20 mai 2021, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et a retiré à l'intéressé le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la légalité de la sanction :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la dernière page du rapport d'enquête comporte la mention manuscrite " poursuite " à côté de laquelle a été apposé le cachet de l'adjoint au chef d'établissement ainsi que sa signature. Ce faisant, et dès lors que les dispositions précitées n'imposent pas un formalisme particulier, l'adjoint au chef d'établissement doit être regardé comme ayant nécessairement entendu poursuivre la procédure disciplinaire à l'encontre de M. B.... Il ressort également des pièces du dossier que par une décision du 1er mars 2019, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin du 7 mars 2019, le chef d'établissement de la maison centrale d'Ensisheim, a délégué à cet adjoint, comme l'y autorise l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale, la compétence pour prendre les décisions relatives à l'engagement de poursuites disciplinaires. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la personne qui a décidé de poursuivre la procédure disciplinaire manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale, alors en vigueur, dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent, la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande. (...) ". Les dispositions de l'article R. 57-6-8 du même code disposent : " Lorsqu'il est envisagé de prendre une décision individuelle défavorable à la personne détenue qui doit être motivée conformément aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, la personne détenue peut se faire représenter ou assister par un conseil ou, dans les conditions prévues aux articles R. 57-6-9 à R. 57-6-16 et à l'exception des décisions intervenant en matière disciplinaire ou en matière d'isolement, par un mandataire de son choix ".
5. Il est constant que la commission de discipline s'est réunie le 25 juillet 2019. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé le 22 juillet 2019 de la faculté d'accéder à son dossier disciplinaire et de se faire assister ou représenter par un conseil. A cet égard, il est établi que le requérant a sollicité un avocat commis d'office, lequel a été désigné par le bâtonnier le 23 juillet suivant. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a disposé de son dossier disciplinaire le 23 juillet 2019 à 16 heures 15, soit plus de trois heures avant la séance de la commission de discipline. Il n'est ni soutenu, ni même établi que l'intéressé aurait sollicité la consultation de son dossier en présence de son conseil. Par suite, et dès lors que le requérant a disposé de plus de trois heures, à compter de la consultation de son dossier, pour préparer sa défense, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 8° D'enfreindre ou tenter d'enfreindre les dispositions législatives ou règlementaires, le règlement intérieur de l'établissement ou toute autre instruction de service applicables en matière d'introduction, de détention, de circulation, ou de sortie de sommes d'argent, correspondance, objets ou substances quelconques, hors les cas prévus aux 10° et 11° de l'article R. 57-7-1 ; (...) ".
7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la sanction.
8. Le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire interdit, pour des raisons de sécurité, les " téléphones et accessoires ". Il ressort du compte rendu d'incident du 10 juillet 2019 que M. B... détenait un chargeur doté d'un port USB de marque Samsung branché sur une prise de courant. Ce type de chargeur, dont le requérant ne conteste pas la détention, constitue un accessoire de téléphone portable. Sa possession est ainsi prohibée par le règlement intérieur. L'intéressé n'établit pas que l'administration aurait toléré ce chargeur alors qu'un chargeur de téléphone d'une autre marque lui a été retiré lors de son arrivée dans l'établissement. Il ne peut davantage contester la qualification juridique des faits en alléguant utiliser le chargeur uniquement pour recharger sa cigarette électronique dès lors que le règlement intérieur ne comporte aucune dérogation tenant à l'usage alléguée de l'accessoire de téléphonie. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne conteste pas la proportionnalité de la sanction, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg Grand Est n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits en estimant que le grief reproché à M. B... constitue une faute disciplinaire de nature à justifier une sanction.
Sur le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée en première instance :
9. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle (...) est retiré (...) dans les cas suivants : (...) / 3° lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ". L'article 51 de cette même loi précise que : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. (...). Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".
10. Eu égard à son objet tendant à l'annulation d'une sanction et aux moyens invoqués à son soutien, lesquels, bien qu'habituels pour ce type de contentieux, n'étaient pas dépourvus de tout élément personnalisé, la demande de première instance de M. B... ne présentait pas un caractère dilatoire ou abusif au sens des dispositions précitées. Par suite, l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle au motif que son recours aurait été dilatoire ou abusif.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée en première instance et à demander, par suite, uniquement l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1908673 du 20 mai 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 21NC01761 2