Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2300586 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 septembre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'est pas démontré que le préfet a examiné sa situation et sa demande lors de l'instruction ni que le préfet aurait exercé pleinement l'étendue de sa compétence ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en réponse à ce moyen et d'un défaut d'examen de ce moyen ;
- la décision implicite de rejet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande sur ce fondement de sorte qu'elle est entachée d'une incompétence négative ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en réponse à ce moyen ;
- la décision implicite de rejet méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les observations de Me Jeannot pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian né le 10 janvier 1989, déclare être entré en France le 24 mai 2016. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 7 novembre 2018. Par un arrêté du 28 janvier 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un courrier réceptionné par la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 8 mars 2022. M. B... a sollicité une admission exceptionnelle au séjour. M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour.
2. En premier lieu, malgré le caractère implicite du rejet de la demande de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen de la demande de titre de séjour de M. B... sollicitée au titre d'une admission exceptionnelle au séjour, ni qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, ni qu'il se serait abstenu d'exercer l'ensemble de sa compétence. Par suite, ces moyens, auxquels les premiers juges ont répondu de manière suffisamment motivée, doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, le requérant soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision en litige a été prise en méconnaissance de ces dispositions. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité une admission au séjour sur ce fondement ni que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait examiné d'office si l'intéressé était susceptible de bénéficier sur ce fondement d'un titre de séjour. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français depuis 2016, de sa vie commune avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour depuis le 31 décembre 2019, ainsi que de la naissance de leurs trois enfants en France où ils sont scolarisés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier versées à l'instance, et en particulier de l'attestation d'hébergement de sa compagne, que la vie commune n'est établie qu'à compter de la fin de l'année 2020. Dans ces conditions, à la date de la décision en litige, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, et alors qu'il est loisible à M. B..., s'il s'y croit fondé, d'adresser aux services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle une nouvelle demande d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". La décision de refus de titre de séjour en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable. Dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".
9. M. B... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français depuis le mois de mai 2016, de sa vie commune en France avec une compatriote, bénéficiaire d'un titre de séjour, de la naissance de leurs trois enfants en France où ils sont scolarisés ainsi que de risques de persécutions et de discriminations en cas de retour au Nigéria. Toutefois, le requérant ne peut utilement se prévaloir des risques allégués à l'appui de sa contestation d'une décision de refus de titre de séjour. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus et alors que les éléments invoqués par l'intéressé ne sont pas de nature à caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel les premiers juges ont répondu de manière suffisamment motivée, doit être écarté.
10. En dernier lieu, pour les motifs précédemment exposés, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. B... doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I DE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmey
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N° 23NC03379