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31/12/2024 | FRANCE | N°23NC03002

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 31 décembre 2024, 23NC03002


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ainsi que l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet du Doubs a retiré son arrêté du 22 juin 2023 et a rejeté pour irrecevabilité la demande de titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter

le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ainsi que l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet du Doubs a retiré son arrêté du 22 juin 2023 et a rejeté pour irrecevabilité la demande de titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2301289 du 21 juillet 2023, le président du tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 22 juin 2023 du préfet du Doubs et a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2023.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Dravigny demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Besançon du 21 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions du 13 juillet 2023 prises à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le premier juge a omis de répondre à son moyen, qui était opérant, tiré de l'absence d'opposabilité à sa demande de titre de séjour du délai de deux mois prévu par les articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce délai ne lui est pas opposable dès lors qu'il n'a pas été porté à sa connaissance ;

- en tout état de cause, elle s'est prévalue de circonstances nouvelles à l'appui de sa demande de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante angolaise, née le 9 mars 1984, est entrée sur le territoire français le 8 mars 2020 selon ses déclarations. Le 6 juillet 2020, elle a déposé une demande d'asile qui a été en dernier lieu rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 6 juin 2023. Par un courrier réceptionné le 16 juin 2023 par l'administration, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 22 juin 2023, le préfet du Doubs a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. Puis, par un arrêté du 13 juillet 2023, le préfet a procédé au retrait de son arrêté du 22 juin 2023, a rejeté pour irrecevabilité la demande de titre de séjour de l'intéressée et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. Par un jugement du 21 juillet 2023, le président du tribunal administratif de Besançon, sur le recours de Mme B..., a annulé l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2023 et a rejeté sa demande tendant l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2023. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Sur la légalité des décisions du 13 juillet 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article D. 431-7 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".

3. Dans le cas où un étranger ayant demandé l'asile a été dûment informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 citées au point 2, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et où il formule une demande de titre de séjour après l'expiration du délai qui lui a été indiqué pour le faire, l'autorité administrative peut rejeter cette demande motif pris de sa tardiveté à moins que l'étranger ait fait valoir, dans sa demande à l'administration, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration de ce délai. La tardiveté de la demande de titre formulée par l'étranger ayant présenté une demande d'asile peut constituer l'un des motifs de la décision de refus de titre prise après le rejet définitif de sa demande d'asile ou fonder un refus d'enregistrement de la demande de titre, dont l'étranger sera recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vue remettre le 27 août 2021 la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen d'une demande d'asile par la France. Dans ces conditions, le délai prévu par les dispositions précitées de l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était opposable à l'intéressée.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " " sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, déposée le 16 juin 2023 auprès de la préfecture du Doubs, Mme B... s'est prévalue de la naissance d'un enfant, née le 3 novembre 2021, issue de sa relation avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 21 novembre 2022 ainsi que de leur vie commune. Ces circonstances relatives à la vie privée et familiale de Mme B..., apparues postérieurement à l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constituent, en l'espèce, des circonstances de fait nouvelles. Par suite, le préfet du Doubs a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'instruire la demande de titre de séjour du 16 juin 2023 présentées par Mme B.... Dès lors, la décision de refus de titre de séjour du 13 juillet 2023 du préfet du Doubs doit être annulée pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour obligeant Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 13 juillet 2023.

Sur l'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu et dès lors qu'aucun autre moyen susceptible d'être accueilli n'est de nature à exercer une influence sur le sens de l'injonction, le présent arrêt implique seulement que le préfet du Doubs réexamine la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, conseil de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes.

D E C I DE :

Article 1er : Le jugement n° 2301289 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation des décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Article 2 : Les décisions du 13 juillet 2023 du préfet du Doubs rejetant la demande de titre de séjour de Mme B... et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocat de Mme B..., une somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 23NC03002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03002
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;23nc03002 ?
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