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30/12/2024 | FRANCE | N°21NC02601

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 décembre 2024, 21NC02601


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 26 septembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole (CUGBM) a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune des Auxons, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2000559 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.


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Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 26 septembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole (CUGBM) a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune des Auxons, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000559 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 29 septembre 2021, le 14 septembre 2022, le 29 novembre 2023 et le 26 juillet 2024, Mme A... C... et M. D... C..., agissant en reprise de l'instance de leur père M. B... C... décédé le 3 juillet 2022, représentés par Me Tronche, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 26 septembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la CUGBM a approuvé le PLU de la commune des Auxons, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la CUGBM une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la composition du dossier d'enquête publique est irrégulière et méconnaît les dispositions des articles R. 153-8 du code de l'urbanisme et R. 123-8 du code de l'environnement dès lors qu'il n'est pas justifié qu'il comprenait bien les avis requis des personnes publiques associées, listées par les articles L. 132-7 et L. 132-9 du code de l'urbanisme ;

- le rapport de présentation du PLU est insuffisant et méconnaît l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme dès lors que le diagnostic sur lequel il s'appuie est insuffisant s'agissant des prévisions démographiques et des besoins en matière de surfaces et de développement agricoles ;

- le PLU est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'agglomération bisontine en matière d'habitat et avec le programme local de l'habitat (PLH) du Grand Besançon, en méconnaissance de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme ; en l'espèce, le document d'orientations générales du SCOT et le PLH fixent des objectifs en matière de production de logements nouveaux de 500 logements sur la période 2010-2035 ; il n'est pas démontré que les choix de zonage opérés par la collectivité permettront de satisfaire les objectifs qui lui sont assignés en termes de création de logements à l'échelle du PLU, ce que relevait d'ailleurs le préfet dans son avis du 18 mars 2018 ;

- le classement litigieux repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la parcelle AC 186 n'est pas exploitée et ne s'intègre pas dans une vaste zone agricole dès lors qu'elle est bordée, en ses côtés nord et est, par des parcelles bâties, au sud, par une zone boisée et la ligne ferroviaire, et qu'à l'ouest, elle est séparée des terres agricoles les plus proches par une propriété accueillant une maison à usage d'habitation, un plan d'eau et des arbres, qui ne fait l'objet d'aucune exploitation agricole ; elle ne présente aucun potentiel agronomique, biologique ou économique et rien ne justifie son classement en zone agricole ; en outre, la mairie a aménagé en 2010 juste en face de la parcelle litigieuse le parc communal des Chenillons, comprenant un jardin d'enfants, un terrain de sport et une place publique utilisée pour le marché et les animations, et dont la présence est incompatible avec une exploitation agricole et le passage d'engins agricoles, alors en outre que le seul chemin d'accès, la ruelle Ciron, présente une configuration qui n'est pas compatible avec le passage de ces engins ; eu égard à la configuration des lieux, à savoir la situation de la parcelle en cause dans les parties urbanisées de la commune, sa desserte par la voie publique et les réseaux publics, le classement de la partie non bâtie en zone constructible serait parfaitement envisageable ; d'autres parcelles agricoles ont été classées en zone constructible, en méconnaissance des objectifs du PLU.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mars 2022 et le 26 juin 2024, la communauté urbaine du Grand Besançon Métropole, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il incombe au commissaire enquêteur de s'assurer du bon déroulement de la procédure et de l'information complète du public dès lors le rapport d'enquête a valeur probante sauf preuve contraire ; les avis ont été listés de manière exhaustive en partie 2 du rapport et ont été effectivement joints au dossier, pour ceux qui étaient parvenus à la date de clôture de l'enquête au 3 mai 2019 ;

- la circonstance qu'aucune étude démographique n'aille au-delà de 2015 n'est pas de nature à caractériser une insuffisance en soi du rapport de présentation dès lors qu'il n'est pas démontré qu'une étude démographique plus récente aurait abouti à un plan d'aménagement différent ; il apparaît clairement que les auteurs du PLU se sont en réalité directement inscrits dans les prévisions démographiques du SCOT et du PLH qui permettent d'anticiper l'évolution du territoire jusqu'à l'horizon 2035 ; le rapport de présentation du PLU consacre une partie à l'analyse de l'agriculture à l'échelle du territoire ainsi qu'à l'échelle de la seule commune des Auxons ;

- il n'est pas contesté que l'objectif général de production de logements pour la période de référence de l'application du PLH (2010-2035) est de 500 logements pour la commune nouvelle des Auxons et elle a entendu respecter cet objectif dans le cadre de l'élaboration de son PLU ; le rapport de présentation décompte ainsi précisément le nombre de logements encore nécessaire pour atteindre cet objectif d'ici 2035, toutefois, ce décompte doit nécessairement prendre en compte le décalage d'application temporelle entre le SCOT (horizon 2035), le PLH (2013-2021) et le PLU dont la période d'application a été fixée à 15 ans (2019-2034) ;

- aucun des éléments invoqués par les requérants ne fait obstacle au classement d'une partie de leur parcelle en zone A ; il n'est pas indispensable que la parcelle présente, elle-même, un caractère agricole ; il peut être tenu compte de la vocation du secteur plus large dans lequel elle s'insère, du parti d'aménagement retenu et du type de constructions ou d'aménagements présents sur la parcelle ; le classement de la partie non bâtie en zone constructible n'est pas envisageable, compte tenu de l'existence en nombre suffisant d'autres zones à urbaniser ; les requérants ne rapportent pas la preuve d'une déclivité par endroits rendant impossible l'usage d'engins agricoles, ni en quoi la présence d'un parc en face de la parcelle rendrait incompatible la présence d'une exploitation agricole.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Tronche pour M. et Mme C... et E... pour la communauté urbaine de Grand Besançon Métropole.

Une note en délibéré présentée pour la communauté urbaine de Grand Besançon Métropole a été enregistrée le 16 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 septembre 2019, le conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole (CUGBM) a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune des Auxons et a notamment classé en zone agricole une partie de la parcelle, cadastrée AC186, située sur le territoire de cette commune, appartenant à M. et Mme C.... Les intéressés ont sollicité l'annulation de cette délibération au tribunal administratif de Besançon. Par un jugement du 29 juillet 2021, le tribunal a rejeté leur demande. Mme A... C... et M. D... C..., agissant en reprise d'instance de leur père décédé, relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'analyse démographique figurant dans le rapport de présentation, qui ne porte au demeurant que sur la période 1968-2015, ne comporte pas de prévisions concernant la période ayant vocation à être couverte par le PLU. Si le rapport rappelle les objectifs de production de logements du programme local de l'habitat (PLH), il ne fait cependant pas référence aux prévisions que comporte ce document, ni à celles contenues dans le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'agglomération bisontine. Les périodes d'établissement de ces documents ne coïncident par ailleurs pas avec celle de l'élaboration du PLU en litige. De surcroît, de telles prévisions, faites pour l'ensemble de la zone couverte par ces documents, ne pourraient, en tout état de cause, remplacer celles concernant la seule zone couverte par le PLU de la commune des Auxons. Dans ces conditions et alors que les prévisions démographiques constituent un élément essentiel pour la détermination du parti d'aménagement, notamment urbain, le rapport de présentation est pour ce motif insuffisant.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " VI. - Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 (...) ". Aux termes de l'article R. 123-7 du même code, ainsi applicable à l'élaboration du plan local d'urbanisme en litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. En zone A peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".

5. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

6. La parcelle anciennement cadastrée section AC n° 186 est désormais constituée d'une parcelle AC n° 218, dont la partie supportant la maison d'habitation de feu les parents de M. C... est classée en zone UB, et l'autre partie en zone agricole, ainsi que d'une parcelle AC n° 217 intégralement classée en zone agricole. Ces parcelles contiguës à une zone urbaine à l'est et au nord, et bordées au sud par la voie ferrée, sont séparées de la zone agricole à l'ouest de la commune par une parcelle bâtie, un étang et un espace boisé, dont il est constant qu'ils n'ont pas vocation à supporter une activité agricole. Les parcelles litigieuses, qui présentent une déclivité importante, ne sont elles-mêmes pas exploitées et ne sont d'ailleurs pas même identifiées dans l'étude menée par la chambre d'agriculture relative au potentiel agronomique des terrains de la commune. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les parcelles litigieuses sont seulement desservies par une ruelle étroite, dont la largeur ne permettrait qu'avec difficulté et dans des conditions de sécurité incertaines le passage d'engins agricoles. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les requérants sont fondés à soutenir que le classement des parcelles en cause en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme.

7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de la délibération en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de la délibération approuvant le PLU de la commune des Auxons.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées à ce titre par la CUGBM, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser aux requérants au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000559 du tribunal administratif de Besançon du 29 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La délibération du conseil communautaire de Grand Besançon Métropole du 26 septembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune des Auxons est annulée.

Article 3 : La communauté urbaine de Grand Besançon Métropole versera aux consorts C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la communauté urbaine de Grand Besançon Métropole sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... C... et à la communauté urbaine de Grand Besançon Métropole.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC02601 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02601
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SCP GRILLON - BROCARD - GIRE - TRONCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;21nc02601 ?
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