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19/12/2024 | FRANCE | N°23NC03805

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 23NC03805


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 28 juillet 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter dans un délai de trente jours le territoire national et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.



Par un jugement n°s 2306104 et 2306106 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a re

jeté les demandes.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 28 juillet 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter dans un délai de trente jours le territoire national et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

Par un jugement n°s 2306104 et 2306106 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Fritsch demandent à la cour :

1) d'annuler ce jugement ;

2) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés attaqués ont été pris par une autorité incompétente ; n'ont été pris que pour faire échec à l'autorité de chose jugée ;

- les refus de séjour : sont insuffisamment motivés ; sont entachés d'erreur de droit en l'absence d'examen de leurs demandes en ce que l'autorité administrative n'a jamais exécuté les injonctions de réexamen de leurs situations ; méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 8 de la convention internationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; reposent sur une appréciation manifestement erronée de leur situation ;

- les obligations de quitter le territoire : ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de respect de la procédure contradictoire ; sont entachées d'erreur de droit en ce qu'ils sont entrés de manière régulière en France puisqu'ils y ont déposé des demandes d'asile ;

- les décisions fixant le pays de destination : méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sont insuffisamment motivées.

M. et Mme A... ont été admis à l'aide juridictionnelle par décisions du 1er février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les observations de Me Fritsch assistant Mme A... et représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants albanais âgés de trente et un et trente ans, déclarent être entrés en France le 5 juillet 2017, accompagnés de deux de leurs enfants. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 septembre 2017, puis par la Cour nationale de droit d'asile (CNDA) le 4 juin 2018. Le 11 juillet 2018, Mme A... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 29 avril 2019, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 21 janvier 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande ayant été rejetée, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 15 avril 2021. Par demandes du 12 juillet 2022, les requérants ont sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code. À défaut de documents justifiant de leur état-civil, ils ont été informés de l'irrecevabilité de leur demande, par lettre du 28 juillet 2022. Après avoir été interpellé le 11 août 2022, M. A... a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'un an avec assignation à résidence. Le 9 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision et enjoint au préfet de réexaminer sa situation. Le 3 octobre 2022, M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français et d'une assignation à résidence. Le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision le 25 octobre 2022 et enjoint au réexamen de sa situation. Le 24 octobre 2022, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Les époux A... ont sollicité une nouvelle fois leur admission exceptionnelle au séjour le 30 novembre 2022, sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir leur durée de présence en France et la scolarité de leurs enfants. Par des arrêtés du 28 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés litigieux pris dans leur ensemble :

2. Les requérants reprennent en appel, sans précision nouvelle, les moyens tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux et de leur insuffisante motivation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par le jugement attaqué.

Sur la légalité des refus de séjour :

3. Il résulte de ce qui a été dit au point 1 ci-dessus, que les jugements des 9 septembre et 25 octobre 2022 ont enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation du seul M. A.... Si les arrêtés mentionnent que ce réexamen aurait été rendu impossible par l'absence de production de son acte de naissance par l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que des décisions d'irrecevabilité auraient été prononcées. De la même manière, il ne ressort pas des pièces du dossier que les demandes de titre de séjour des requérants des 22 juillet et 24 octobre 2022 auraient fait l'objet de décisions d'irrecevabilité. Il résulte de ces éléments qu'il était loisible à M. A... de saisir le juge de l'exécution des jugements précités tandis qu'il était loisible aux époux A... de demander l'annulation des décisions implicites de rejet de leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour, ce qu'ils n'ont pas fait. Par suite, en statuant sur leurs nouvelles demandes d'admission exceptionnelle au séjour du 30 novembre 2022, l'autorité préfectorale n'a ni méconnu l'autorité de chose jugée ou détourné la procédure afin de s'y soustraire, ni refusé d'examiner la situation des requérants.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Si M. et Mme A... soutiennent qu'ils résident en France depuis juillet 2017 accompagnées de leurs trois enfants mineurs, il ressort des pièces du dossier que la durée de leur séjour est en grande partie liée aux délais d'instruction de leurs demandes d'asile et de titre de séjour ainsi qu'à leur refus d'exécuter à tout le moins une précédente mesure d'éloignement. S'ils se prévalent de la scolarisation de leurs enfants et de ce que M. A... participe à différentes actions de bénévolat et justifie d'une promesse d'embauche pour un emploi de maçon coffreur, ces seules circonstances ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une intégration et de liens d'une particulière intensité en France. En outre, ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Enfin, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Albanie où il n'est pas établi que leurs enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de M. et Mme A... en France, la préfète du Bas-Rhin, en adoptant les décisions attaquées n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et n'a pas apprécié de manière manifestement erronée leur situation.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire :

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les décisions attaquées font suite aux demandes des intéressés du 30 novembre 2022. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir d'une méconnaissance du principe du contradictoire prévu à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

7. Il ressort des arrêtés attaqués que l'autorité administrative s'est fondée sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de prendre à l'encontre des requérants les décisions attaquées. Par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que les conditions prévues au 1° de cet article n'étaient pas réunies pour prononcer les mesures d'éloignement litigieuses.

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les décisions attaquées ne méconnaissent pas les normes ci-dessus reproduites et ne reposent pas sur une appréciation manifestement erronée de leurs conséquences sur leur situation.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

9. Les requérants n'apportent aucune justification d'un risque de traitements inhumains et dégradant en cas de retour en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., M. C... A..., à Me Fritsch et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC03805

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03805
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : FRITSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23nc03805 ?
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