Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 28 avril 2022 par lequel le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a prononcé à son encontre la cessation des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.
Par un jugement N° 2204001 du 2 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 5 février 2024, Mme A..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement ;
2) d'annuler la décision attaquée ;
3) d'enjoindre à l'OFII de la rétablir au bénéfice des conditions matérielles d'accueil à la date de la cessation dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que le refus d'accepter un hébergement n'est pas au nombre des cas énumérés à l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de prononcer la cessation des conditions matérielles d'accueil ; en tout état de cause, elle avait un motif légitime de refuser cet hébergement compte tenu de son état de santé et de la scolarisation de ses enfants ;
- la mesure est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation de vulnérabilité.
Par un mémoire enregistré le 8 février 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;
- il y a lieu de substituer le motif fondé sur l'article L. 511-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celui initialement retenu fondé sur l'article L. 511-16 du même code ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovienne, a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 8 août 2019 en procédure Dublin et, à compter de cette date, a bénéficié avec ses deux enfants mineurs des conditions matérielles d'accueil. Après l'exécution de son transfert vers l'Allemagne le 12 décembre 2019, la requérante est revenue en France et a obtenu, le 3 septembre 2021, une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure accélérée ". Mme A... a fait l'objet d'un examen de vulnérabilité, a accepté l'offre de prise en charge du 3 septembre 2021de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a été admise provisoirement au bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Le 17 février 2022, l'intéressée a refusé la proposition d'hébergement qui lui a été faite par l'OFII. Par décision du 28 avril 2022, le directeur de l'OFII lui a notifié qu'il était mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Mme A... relève appel du jugement du 2 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente ". L'article L. 552-8 du même code dispose que : " L'Office français de l'immigration et de l'intégration propose au demandeur d'asile un lieu d'hébergement. /Cette proposition tient compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation des besoins et de la vulnérabilité prévue au chapitre II du titre II, ainsi que des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ". L'article L. 552-9 du même code précise que " Les décisions d'admission dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ainsi que les décisions de changement de lieu, sont prises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, après consultation du directeur du lieu d'hébergement, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et, le cas échéant, du schéma régional prévus à l'article L. 551-2 et en tenant compte de la situation du demandeur ".
3. D'autre part, l'article L. 551-15 du même code dispose que : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : (...) / 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 (...) La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ". L'article L. 551-16, pour sa part, prévoit que : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : / 1° Il quitte la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans le cas où les conditions matérielles d'accueil initialement proposées au demandeur d'asile ne comportent pas encore la désignation d'un lieu d'hébergement, dont l'attribution résulte d'une procédure et d'une décision particulières, le refus par le demandeur d'asile de la proposition d'hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme un motif justifiant qu'il soit mis fin à ces conditions relevant de l'article L. 551 16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été proposées.
5. Il résulte de l'instruction que Mme A..., qui avait accepté les conditions matérielles d'accueil, en particulier tout hébergement qui lui serait proposé, a refusé le 17 février 2022 l'hébergement qui lui a été proposé par l'OFII sans avancer de motif. Si elle soutient que cet hébergement aurait été de nature à faire obstacle à son suivi médical et à la scolarisation de ses enfants, de telles circonstances ne résultent pas de l'instruction. Si elle soutient que l'OFII n'a pas pris en compte sa situation de particulière vulnérabilité, laquelle résulterait selon elle de son état de santé et de ses enfants mineurs à charge, il résulte de l'instruction que la proposition d'hébergement qui lui a été faite tient compte de ces éléments. Dès lors, Mme A..., qui n'avait aucun motif légitime pour refuser l'hébergement qui lui avait été attribué, se trouvait dans le cas justifiant un refus des conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L. 511-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'OFII est fondé à demander à ce que cette base légale soit substituée au fondement juridique erroné qui avait été initialement choisi afin de prendre la décision attaquée.
6. Il résulte de l'instruction que Mme A... a fait l'objet de deux entretiens de vulnérabilité et d'une évaluation médicale. En se prévalant de la seule circonstance qu'elle aurait des problèmes de santé, dont la nature et la gravité ne sont pas précisées, et deux enfants mineurs à charge, Mme A..., qui a refusé sans motif légitime la proposition d'hébergement adaptée qui lui a été faite, n'établit pas que l'OFII aurait inexactement apprécié sa situation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'OFII, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Airiau et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC03557
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