La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2024 | FRANCE | N°23NC03427

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 19 décembre 2024, 23NC03427


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et lui a interdit le retour sur le territoire français.



Par un jugement n° 2302755 du 27 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal adminis

tratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et lui a interdit le retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 2302755 du 27 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2023 et 6 mai 2024, Mme A... épouse C..., représentée par Me Fournier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 octobre 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 septembre 2023 pris à son encontre par la préfète de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle justifie de ce que le procureur de la République a diligenté une enquête et a pris une décision indiquant qu'il n'entendait pas s'opposer à la célébration du mariage ;

- la préfète a manifesté sa volonté de s'opposer à son union avec un ressortissant français nonobstant l'autorisation accordée par le procureur de la République ;

- l'arrêté porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle encourt des risques de mauvais traitement de la part de son père et d'autres membres de sa famille en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Un mémoire complémentaire, enregistré le 22 mai 2024, a été présenté par la préfète de Meurthe-et-Moselle. Il n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les observations de Me Fournier pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse C..., ressortissante tunisienne née le 28 octobre 1988, a déclaré être entrée en France le 5 octobre 2022. A la suite d'une convocation des services de police dans le cadre d'une enquête réalisée à la demande du procureur de la République en vue de définir la sincérité de ses intentions matrimoniales avec un ressortissant français, la préfète de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 13 septembre 2023, lui a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme C... relève appel du jugement du 27 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions de l'arrêté du 13 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :

2. En premier lieu, la requérante soutient que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle dès lors que le procureur de la République ne s'est pas opposé à la célébration de son mariage avec un ressortissant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du procureur de la République, datée du 14 septembre 2023, est postérieure à l'arrêté en litige. Par suite, en indiquant dans son arrêté que Mme A... n'établissait pas que le procureur de la République eût validé son projet de mariage, la préfète ne saurait être regardée comme n'ayant pas procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. La requérante se prévaut de son projet de mariage avec un ressortissant français et de la présence régulière en Europe de ses deux sœurs. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée réside en France depuis moins d'un an à la date de l'arrêté contesté, que sa relation avec M. C... est très récente et qu'elle s'est maintenue en France sans entreprendre des démarches en vue de régulariser sa situation avant son projet de mariage. Dans ces conditions et alors que la requérante n'est pas dépourvue d'attaches en Tunisie où résident notamment ses parents, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. La requérante soutient qu'en cas de retour en Tunisie, elle sera exposée à des traitements inhumains et dégradants de la part de son père qui s'oppose à son union avec un ressortissant français divorcé. Toutefois, l'intéressée n'établit pas par les éléments versés à l'instance le caractère réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En quatrième lieu, la circonstance que la préfète de Meurthe-et-Moselle ait pris une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ de volontaire n'est pas, à elle seule, de nature à révéler l'intention de la préfète de s'opposer au mariage de la requérante avec un ressortissant français. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté comme irrecevable les conclusions à fin d'annulation dirigée contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au motif que par l'arrêté en litige, la préfète de Meurthe-et-Moselle n'a pris à l'encontre de l'intéressée une telle décision. La requérante ne conteste pas en appel l'irrecevabilité opposée à ses conclusions dont il n'appartient pas à la cour de se saisir d'office.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I DE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 23NC03427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03427
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23nc03427 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award