Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert vers la Croatie ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2304185 du 3 août 2023, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Thalinger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 août 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 2 mai 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de transfert :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 17.1 règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 17.2 de ce règlement :
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17.2 de ce règlement.
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert en litige en raison de l'expiration du délai d'exécution du transfert de six mois qui entraine la caducité de cette décision et a pour conséquence de rendre la France responsable de sa demande d'asile.
Des observations, enregistrées le 22 octobre 2024, en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été présentées par le préfet du Bas-Rhin ont été communiqués, indiquant que le délai de transfert de M. A... avait été porté à 18 mois et courrait jusqu'au 3 février 2025 en raison de la méconnaissance des modalités de son assignation à résidence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 1er décembre 1987, ressortissant russe, est entré irrégulièrement sur le territoire français. Une attestation de demandeur d'asile en procédure Dublin lui a été délivrée le 2 mars 2023. La consultation du fichier " Eurodac " a fait ressortir qu'il a sollicité l'asile auprès des autorités croates préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Les autorités croates ont été saisies le 23 mars 2023 et ont accepté sa reprise en charge le 6 avril 2023. Par des arrêtés du 2 mai 2023, la préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. A... vers la Croatie et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 3 août 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié en Russie le 1er février 2023 avec Mme C..., ressortissante française, puis a rejoint la France au mois de mars 2023 où il a demandé l'asile après avoir notamment transité par la Croatie. Compte tenu de la situation familiale de l'intéressé sur le territoire français, résidant à la date de la décision en litige avec son épouse, de nationalité française, la préfète du Bas-Rhin a, dans ces circonstances, entaché sa décision de transfert de M. A... vers la Croatie d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, l'arrêté de transfert en litige doit être annulé pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 2 mai 2023 assignant à résidence M. A....
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 2 mai 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert vers la Croatie et l'a assigné à résidence.
Sur l'injonction et l'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre VII. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Bas-Rhin réexamine la situation de M. A... dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Thalinger, conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes.
D E C I DE :
Article 1er : Le jugement n° 2304185 du 3 août 2023 du président du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. A... vers la Croatie ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Thalinger, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Thalinger renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Thalinger et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : V. Firmery
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 23NC03138