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19/12/2024 | FRANCE | N°23NC03108

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 23NC03108


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de vingt mois.



Par un jugement n° 2301399 du 21 septembre 2023, le tribu

nal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 4 mai 2023 et mis à la charge de l'Etat la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de vingt mois.

Par un jugement n° 2301399 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 4 mai 2023 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 21 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que le comportement de M. B..., qui avait reconnu la matérialité des vols qui lui ont été reprochés, est de nature à troubler l'ordre public et justifiait l'adoption d'une mesure d'éloignement à son encontre sur le fondement de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, M. B..., représenté par Me Fournier, demande à la cour de rejeter la requête de la préfète de Meurthe-et-Moselle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet d'un simple avertissement pénal probatoire et a bénéficié d'un classement sans suite ;

- l'appel de la préfète de Meurthe-et-Moselle dans son dossier, et non dans le dossier de son cousin, n'est pas justifié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier ;

- les observations de Me Fournier, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant roumain né en 2002, est entré sur le territoire français au printemps 2019 selon ses déclarations. Il a été placé en garde-à-vue le 3 mai 2023 par les services de la gendarmerie nationale pour des faits de tentative de vol en réunion. Par un arrêté du 4 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de vingt mois. La préfète de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement n° 2301399 du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 mai 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...). / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".

3. En application des dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

4. Pour faire obligation de quitter le territoire français à M. B... sur le fondement du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de Meurthe-et-Moselle a retenu que l'intéressé était entré, avec un compatriote, dans l'enceinte d'une entreprise afin d'y dérober de la ferraille dans le but de la revendre, qu'ils avaient été vus par un employé en train de charger une batterie de poids lourd dans leur voiture, qui contenait déjà d'autres objets métalliques, tels que des radiateurs de voiture et enfin que l'intéressé reconnaissait avoir précédemment récupéré dans une benne de la tôle et des disques de freins qu'il avait revendus à un ferrailleur.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son interpellation le 3 mai 2023 pour tentative de vol en réunion, M. B... a reconnu qu'il s'était rendu avec son cousin sur le site d'une entreprise située à Bois-de-Haye, pour " prendre " de la ferraille. Interrogé le même jour sur des faits distincts de vol en réunion commis le 28 février 2023, le 13 mars 2023 et le 14 mars 2023, il a indiqué, s'agissant des premiers faits, avoir récupéré trois batteries de poids-lourds, sans commettre d'effraction, s'agissant des deuxièmes faits, avoir pris, dans la benne " où les gens jettent ", deux ou trois tôles et, s'agissant des troisièmes faits, avoir récupéré des disques de freins. M. B... reconnaît l'infraction à la loi, pour laquelle il a d'ailleurs, postérieurement à la décision en litige, fait l'objet d'un procès-verbal d'avertissement pénal probatoire par le délégué du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nancy qui a classé sans suite la procédure pour vol en réunion ouverte à son encontre. Alors même que l'intéressé, hébergé chez un oncle, ne résidait en France que depuis quatre ans et ne travaillait comme intérimaire en qualité d'agent d'entretien que depuis novembre 2022, sa présence sur le territoire français ne peut être regardée, eu égard à la nature des faits commis et en l'absence de condamnation pénale, comme constituant une menace suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Dans ces conditions, il était fondé à soutenir que la décision du 4 mai 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français était entachée d'erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 4 mai 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC03108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03108
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23nc03108 ?
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