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19/12/2024 | FRANCE | N°23NC02764

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 23NC02764


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 7 juillet 2023 par lesquels le préfet du Doubs a, d'une part, ordonné son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301478 du 28 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 25 et 28 août 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 7 juillet 2023 par lesquels le préfet du Doubs a, d'une part, ordonné son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301478 du 28 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 25 et 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la légalité de la décision de transfert :

- la décision en litige est entachée d'erreur de droit, compte tenu du défaut d'examen de sa situation personnelle, notamment médicale ;

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, en méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, compte tenu du défaut de qualification de l'agent ayant conduit l'entretien et de preuve de ce qu'il avait été désigné pour ce faire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

S'agissant de la légalité de l'assignation à résidence :

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de perspective raisonnable de procéder à son transfert vers l'Italie.

La procédure a été communiquée au préfet du Doubs qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une lettre du 13 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert compte tenu de la caducité de cette décision à l'issue d'un délai de six mois suivant la notification du jugement du tribunal administratif au préfet du Doubs.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2024, le préfet du Doubs a indiqué que le délai de transfert était bien expiré et la France était devenue l'Etat responsable de la demande d'asile de M. B..., si bien qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant érythréen né en 2001, est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée. Il a sollicité l'asile le 24 janvier 2023 et s'est vu remettre une attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Par des arrêtés du 7 juillet 2023, le préfet du Doubs a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé relève appel du jugement du 28 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'exception de non-lieu à statuer s'agissant de l'arrêté de transfert :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Le premier alinéa de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 572-4 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 peut, dans les conditions et délais prévus à la présente section, en demander l'annulation au président du tribunal administratif ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 572-2 du même code : " (...) Lorsque le tribunal administratif a été saisi d'un recours contre la décision de transfert, celle-ci ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant qu'il ait été statué sur ce recours ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. La demande formée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation de son transfert par l'Italie. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du Doubs, le 31 juillet 2023, du jugement de la magistrate désignée par le président de ce tribunal du 28 juillet 2023 et n'a pas été interrompu par l'appel formé par l'intéressé devant la cour. Le préfet du Doubs reconnaît que le délai a expiré et que la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de M. B... a été transférée à la France. Aussi, à la date du 31 janvier 2024, la décision de transfert était devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Par suite, les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 prononçant son transfert aux autorités italiennes et les conclusions à fin d'injonction sont devenues sans objet et il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée / (...) ".

8. D'une part, la seule circonstance que la lettre du 5 décembre 2022 adressée par les autorités italiennes aux autorités des autres Etats membres chargées de la mise en œuvre du règlement n° 604/2013 (UE) du 26 juin 2013 ait invité, à compter du 6 décembre 2022, à suspendre temporairement l'exécution des transferts à destination de l'Italie en raison de contraintes techniques liées à la saturation des dispositifs d'accueil des demandeurs d'asile n'est pas de nature à établir que le transfert de l'intéressé ne présentait pas de perspective raisonnable, au sens de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date de l'assignation à résidence, édictée sept mois après l'émission de cette lettre.

9. D'autre part, M. B... ne fait état d'aucun élément qui permettrait de considérer que l'exécution de la mesure de transfert adopté à son encontre le 7 juillet 2023 ne présentait pas, à la date à laquelle il a été assigné à résidence, de perspective raisonnable. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en l'assignant à résidence, le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 l'assignant à résidence. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fin d'annulation et d'injonction relatives à l'arrêté du 7 juillet 2023 portant transfert de M. B....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Bertin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC02764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02764
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23nc02764 ?
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