Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de mettre à la charge de la préfète des Vosges la somme de 1 800 euros à verser à son avocate, Me Jeannot, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de mettre à la charge de la préfète des Vosges la somme de 1 800 euros à verser à son avocate, Me Jeannot, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n° 2203732, 2203733 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02284 le 14 juillet 2023 M. B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocate, Me Jeannot, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence territoriale ; le tribunal a omis de répondre à ce moyen ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le tribunal a insuffisamment répondu à ce moyen ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ces moyens ;
- la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ;
- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; la préfète n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de prendre une mesure d'éloignement et a commis une erreur de droit ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a des conséquences excessives sur sa situation personnelle ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ;
- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête d'appel est irrecevable, subsidiairement que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02285 le 14 juillet 2023 Mme B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocate, Me Jeannot, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence territoriale ; le tribunal a omis de répondre à ce moyen ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le tribunal a insuffisamment répondu à ce moyen ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ces moyens ; son état de santé fait obstacle à ce qu'elle retourne en Turquie ;
- la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ;
- la décision de refus de titre de séjour est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; la préfète n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de prendre une mesure d'éloignement et a commis une erreur de droit ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen ; son état de santé fait obstacle à une mesure d'éloignement dont les conséquences seraient manifestement excessives ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen de manière satisfaisante ;
- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante à ce moyen.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête d'appel est irrecevable ; subsidiairement que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- les observations de Me Gravier substituant Me Jeannot pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants turcs nés respectivement les 1er octobre 1983 et 24 mai 1980, seraient entrés en France le 24 août 2019, selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 8 novembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 mai 2022. Le 24 juin 2022, ils ont sollicité la délivrance de cartes de séjour temporaire. Par des arrêtés du 21 septembre 2022, la préfète des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant leur pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve de l'exception prévue à l'article R. 426-3, le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) ".
3. Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. En outre, si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent.
4. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme B... ont sollicité, le 24 juin 2022, un titre de séjour auprès des services de la préfecture des Vosges. S'ils indiquent avoir changé d'adresse au cours de l'instruction de leurs demandes, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'ils en aient informé les services de la préfecture. Par ailleurs, la préfète des Vosges qui a constaté l'irrégularité du séjour des intéressés était ainsi territorialement compétente pour prononcer les décisions en litige.
5. D'autre part, par un arrêté du 18 juillet 2022, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Vosges le 20 juillet 2022, la préfète des Vosges a donné délégation à M. David Percheron, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, M. C..., signataire des arrêtés contestés, était compétent pour signer les décisions en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles mentionnent que la délivrance d'un titre de séjour est refusée aux requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 de ce code, au motif qu'ils ne justifient pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels, et sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code dès lors qu'ils ne justifient pas d'attaches suffisamment intenses et stables en France. Ainsi, la préfète des Vosges a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant ses décisions de refus de titre de séjour, de telle sorte que les requérants puissent utilement en critiquer les motifs. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète des Vosges n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. et Mme B... au vu des éléments portés à sa connaissance avant de refuser de leur délivrer un titre de séjour.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
9. D'une part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, à titre gracieux, examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas spécifiquement demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète des Vosges pouvait néanmoins se prononcer sur son droit au séjour sur le fondement de ces dispositions. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la préfète des Vosges se soit fondée sur les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévu par cet article, s'agissant notamment des exigences liées au visa long séjour et à un contrat de travail visé par l'autorité administrative, pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour de M. B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.
10. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme B... sont présents en France depuis le 24 août 2019, qu'ils ont trois enfants scolarisés et que le requérant dispose d'une promesse d'embauche en qualité de façadier auprès de la société Finition Carré. Toutefois, ces circonstances ne constituent, en l'espèce, ni un motif humanitaire ni un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si Mme B... établit que plusieurs membres de sa famille résident en France de manière régulière, elle n'établit pas l'intensité de la relation qu'elle entretient avec eux. Il ressort par ailleurs des déclarations des intéressés qu'ils disposent toujours d'attaches familiales en Turquie. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que la préfète des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait dont seraient entachées les décisions en litige doit être écarté comme non assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
13. Il ressort des pièces des dossiers que la présence en France de M. et Mme B... était relativement récente à la date des arrêtés contestés. S'il est établi que des frères et sœurs de la requérante résident sur le territoire français, elle ne produit cependant aucun élément de nature à démontrer l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec eux. Il ressort par ailleurs des pièces des dossiers que les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine où ils sont vécu la majeure partie de leur vie. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de séjour ont porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
15. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants des requérants de leurs parents alors qu'ils ne se prévalent d'aucun élément de nature à faire obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Turquie où les enfants sont nés et où ils pourront poursuivre leur scolarité. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
16. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence ne peut être accueilli.
17. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes des décisions contestées que la préfète des Vosges se serait crue, à tort, en situation de compétence liée en assortissant les décisions de refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement sans procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme B.... Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
19. S'il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre de problèmes de santé en raison desquels elle bénéficie d'un suivi médical, elle ne produit toutefois aucun élément de nature à démontrer que l'absence de prise en charge médicale pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, aucun des certificats médicaux produits par l'intéressée ne permet d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Turquie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre les décisions fixant le pays de destination :
20. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence ne peut être accueilli.
21. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
22. D'une part, les décisions contestées visent les articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles mentionnent que les requérants sont de nationalité turque, que leurs demandes d'asile ont été rejetées et qu'ils n'établissent pas qu'ils seraient soumis à un traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans leur pays d'origine. Les décisions contestées comportant ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
23. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers que les demandes d'asile de M. et Mme B... ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA et ils ne produisent aucun élément postérieur à ces décisions de nature à établir la réalité des risques personnels auxquels ils seraient exposés en cas de retour dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des textes précités ne peut être accueilli.
24. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète des Vosges, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête.
25. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : V. Firmery
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N°23NC02284-23NC02285